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il faut compter l'intervention de la reine de Naples, sa fille, qui la pressait, dans ses lettres, par toutes les raisons qu'elle pouvait imaginer, ou qui lui étaient suggérées. Marie-Thérèse, harcelée ainsi par ce qu'elle avait de plus cher; sollicitée, d'un autre côté, par les théologiens qui avaient été mis auprès d'elle, se rendit enfin (1).

Alors on dressa le Bref de suppression; il fut communiqué au roi d'Espagne, puis revu, corrigé et augmenté par Monitio, de concert avec l'ambassadeur de France.

Ganganelli se fit apporter le Bref, le relut, leva les yeux au ciel, prit la plume et signa; puis, regardant son ouvrage, il dit en soupirant : « La voilà donc cette << suppression! Je ne me repens pas de ce que j'ai fait! Je ne m'y suis déterminé qu'après l'avoir bien pesé! Je le ferais encore, mais cette suppression me tuera, « questa suppressione mi darà la morte (2). »

On assembla les Religieux de la Sociéte, et le Bref qui les dissolvait leur fut lu par l'organe des notaires.

Après avoir demandé le Bref, Clément XIV prescrivit aux évêques, par une Encyclique, les conditions sous lesquelles ils devaient employer les Jésuites dans le ministère. Cette Encyclique ne fut pas publiée en divers

(1) Picot, Ami de la Religion, tom. XVII, pag 273,

(2) Saint-Priest, pag. 158.

Etats, et le duc de Modène, François III, fut un de ceux qui d'abord ne l'admirent point. Mais ensuite, comme il désirait obtenir de Rome des lettres (appelées sanatoria) au sujet de l'envahissement des biens ecclésiastiques, Monitio, toujours à l'affut de ce qui pourrait étendre et consommer la proscription, lui fit croire qu'il n'obtiendrait pas ces lettres, s'il ne consentait à faire exécuter l'Encyclique. Le vieux duc sacrifia donc sa répugnance, sur ce point, au désir de tranquilliser sa conscience sur un autre article. C'est ainsi que les ministres étrangers dirigeaient les affaires dans les derniers temps du pontificat de Clément XIV. Ce pontife les craignait, et, à force de céder, il en était venu à ne plus oser rien faire sans leur autorisation. Sa complaisance pour eux avait tous les caractères de la peur qu'un maître sévère inspire à un disciple ti

mide.

Un jour, Costaguti, prédicateur distingué, évêque depuis de Borgo San-Sepolcro, et à qui le Pape témoignait de la bienveillance, lui demanda l'autorisation de se confesser à un Jésuite: toute la Compagnie était interdite. Clément XIV refusa d'abord, mais le prédicateur insistant, et représentant que cette grâce ne tirerait point à conséquence, qu'elle ne serait que pour lui seul, le Pape regarda autour de lui, comme s'il eût craint d'être entendu, et, se mettant un doigt sur la

bouche, lui dit tout bas: Je vous le permets, mais qu'on n'en sache rien.

Les Nouvelles ecclésiastiques rapportent elles-mêmes une preuve de l'empire que la cour d'Espagne exerçait à Rome. On lit, dans la feuille du 19 décembre 1774, le qu'immédiatement après la mort de Clément XIV, ministre d'Espagne alla trouver le cardinal Albani, doyen du Sacré-Collége, et lui dit que le roi son maître « entendait qu'on lui répondit des Jésuites alors enfermés au château Saint-Ange, et qu'on ne les mit point en liberté. » Tel était le ton auquel le dernier pontificat avait accoutumé les ministres étrangers; telle était la persévérance de la guerre qu'ils avaient déclarée aux Jésuites, même après les avoir anéantis.

Il est donc manifeste que l'extinction de la Société fut dictée par les Cours étrangères; qu'on effraya un pontife timide et faible, et qu'on lui arracha un consentement que sa conscience repoussait.

En France, Mme Louise présenta au roi Louis XV un Mémoire en faveur des Jésuites; ce Mémoire fut examiné dans le conseil du roi; mais, pour parer le coup, Malvin de Montazet, archevêque de Lyon, conseilla au duc d'Aiguillon d'ordonner au cardinal de Bernis qu'il eût à solliciter du Pape un Bref dans lequel Sa Sainteté exposerait au roi les motifs qui l'avaient portée à abolir la Compagnie de Jésus. Le Pape s'étant refusé à cette

demande, le cardinal le pria de lui adresser au moins à lui-même un Bref dont il se servirait pour empêcher le rétablissement de la Société en France. Ce fut alors que Clément XIV adressa au cardinal le Bref du 9 mars 1774, qui ne dit rien de plus que le Bref de suppression. Il n'en était que la suite, et il avait été sollicité comme le premier.

L'auteur d'un livre sur Henri IV, les Jésuites et Pascal (1), fait sonner bien haut une lettre du cardinal de Bernis au duc d'Aiguillon, en date du 16 mars 1774. Dans cette lettre, le cardinal rend compte des motifs qui, suivant lui, portèrent le Pape à éteindre la Société. En admettant même la douteuse authenticité de ce docuinent, on n'en peut rien conclure. Le cardinal de Bernis avait été un des instruments de la destruction des Jésuites; n'était-il pas naturel qu'il s'efforçât de persuader aux autres et de se persuader à lui-même, que cette mesure avait été commandée par de graves considérations? Nous ne cherchons pas à outrager la mémoire du cardinal de Bernis, mais y aurait-il si grande injustice à rappeler qu'il eut plutôt la réputation d'un homme d'esprit, d'un littérateur agréable, d'un grand seigneur généreux, d'un diplomate habile, que d'un

(1) Silvy, ancien magistrat.- La Lettre se trouve en entier dans e Journal de Clément,

évêque austère ou d'un théologien consommé? Chez lui, le poète et l'homme de société firent oublier quelquefois le Prince de l'Eglise, et le rôle d'ambassadeur et de courtisan put nuire à celui de cardinal et d'archevêque. Quoi qu'il en soit, un homme qui avait tant de tact, n'était pas assez maladroit pour applaudir au rétablissement des Jésuites, après avoir passé cinq ans à solliciter leur suppression. En voulant justifier Clément XIV, le cardinal de Bernis faisait donc sa propre apologie.

Au surplus, cette lettre même, toute défavorable qu'elle est aux Jésuites, laisse entrevoir quels efforts il fallut faire pour les détruire, et quel fut le concert des puissances. « La Cour d'Espagne, dit le cardinal, pria le Roi (Louis XV) de s'unir à elle, pour obtenir la suppression entière des Jésuites. Sa Majesté, par amitié pour le Roi d'Espagne, promit d'appuyer efficacement de son concours l'instance projetée. Sa Majesté Chrétienne, étant le premier mobile de la négociation, devait en être le directeur... L'instance pour l'extinction totale fut donc faite au nom des trois monarques. »

Plus bas, le Cardinal ajoute : « Mais si Clément XIV n'a jamais eu de doute que la Société des Jésuites méritât d'être réformée, il a été long-temps bien éloigné de penser qu'il fût sage de la supprimer. Outre les ser

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