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ainsi que dans un rapport à l'Académie française sur une traduction complète des oeuvres de Spinosa par M. Saisset (1). Mais quelle si grande foi devons-nous ajouter à un homme habile à ruser avec son lecteur, tandis qu'il pourrait aisément trancher le nœud par un langage net, franc et explicite? Que penser de l'honnète philosophe qui entasse des accusations contre les éditeurs de Pascal, en même temps que, par des mutilations imposées, il amasse contre lui-même cet orage dont M. Pierre Leroux l'a accablé au sujet des Mélanges posthumes de Jouffroy? Que dire d'un prétendu orthodoxe qui ressent une joie mal contenue, parce qu'il s'imagine avoir trouvé un incrédule de plus? Comment ne pas honnir un écrivain qui prend à tâche de ramener sans cesse dans son Mémoire sur Pascal, des épithètes odieuses dans sa pensée, et qui affecte de saupoudrer chaque page des mots jésuites et jésuilisme? Du jésuite, puisque jésuite il y a, si M. Cousin en trouve. partout, nous en croyons aussi apercevoir sous le frac philosophique.

Or, comme c'est M. Cousin qui a la prétention d'ètre lui seul la vraie philosophie du XIXe siècle, nous croyons qu'il est utile d'avoir montré combien est profonde, sérieuse, convaincue, cette philosophie que pourtant l'on s'efforce de faire pénétrer dans l'enseignement en France.

En 1843, la même Revue, par l'organe, il est vrai, de M. Libri, soutenait une thèse toute contraire à celle qu'elle avait soutenue autrefois. «Sous la Restauration, disait-elle, il s'opéra un grand mouvement philoso

(1) Voir les Débats du 24 mai 1841.

phique dans la jeunesse, par l'influence surtout de M. Cousin ; et comme toute nouveauté réussit en France quand elle est appuyée sur le talent, la philosophie spiritualiste, enseignée par un maître éloquent, prônée par des amis dévoués et par des disciples enthousiastes, ne tarda pas à recevoir un développement considérable (1). Qui faut-il croire, la Revue démocratique ou la Revue livrée au ministère, M. Lerminier ou M. Libri?

Voici comment le National, dans un article sur les Leçons de philosophie de Laromiguière, juge la philosophie de M. Cousin :

:

Le vague des idées produit le doute dans les actions quand l'esprit flotte, le cœur chancelle. Donneznous une philosophie nuageuse, errante comme une Bohémienne, qui, sous prétexte d'érudition, effleure toutes les surfaces, qui va chercher partout les opinions qu'elle n'a pas, qui se croit nouvelle parce qu'elle traduit, féconde parce qu'elle réimprime, qui ne procède que par ébauches, et qui n'a jamais su faire que des fragments, nous la défions de jeter dans les ames ces fortes pensées qui sont la source des fortes actions. On réussira sans doute, avec un esprit délié et une phrase harmonieuse, à faire, pendant un temps, quelque illusion aux autres, et peut-être à soi-même. On y réussira d'autant mieux qu'on aura plus de mobilité dans les opinions, plus d'impatience de renommée, plus de confiance dans un orgueil morbide....

(1) Revue des Deux-Mondes, 1843, tom. II, pag. 331; ou bien Libri, Lettres sur le Clergé et sur la liberté d'enseignement, pag. 5.

Mais une telle philosophie, appréciée dans ses résultats, que produira-t-elle ? Sortie du vide, c'est dans le vide qu'elle vient mourir; mais on ne fait pas impunément le vide dans l'esprit humain : quand ce n'est pas la raison qui le domine, ce sont les passions personnelles qui s'en emparent. Vous vous rattachiez avanthier à Reid, puis à Kant ou Hégel; vous avez vanté les alexandrins, encensé Aristote et Platon, loué et insulté Descartes; vous avez servi et déserté tous les autels, honoré et maudit tous les dieux, depuis Socrate jusqu'à Spinosa; que voulez-vous qu'il reste de foi, de conviction à ceux qui vous suivent ?... Eh! bien, quand il ne reste plus rien, il y a une chose qui demeure encore, c'est l'égoïsme, et tout ce vide que vous avez fait, c'est le moi, le vil moi qui le remplit (1). »

Le National du 9 mars 1815 annonçait que le cours de M. Quinet démantelait l'Eclectisme, « ce vieux sysème usé et décrépit, et qui sert aujourd'hui de principal pivot à tout notre édifice politique, social et religieux. »

« L'éclectisme est un produit désolant d'une gé. nération qui a vu passer plus d'une révolution, et qui a cherché dans l'amalgame des idées un refuge pour toutes les circonstances: spiritualiste avec ceux-ci, pantheiste avec ceux-là, trouvant que la Charte de 1814 n'était pas trop payée par la bataille de Waterloo, voulant tuer la légitimité jusqu'au triomphe de la révolution, qui lui a paru bien plus belle le lendemain de la victoire (2). »

(1) National, 5 août 1845. (2) Ibid., 7 août 1845.

Dans le même n', il est dit que Mgr l'évêque de Chartres a faussement accusé M. Cousin de pantheisme. Or, le National se ment à lui-même, car dans l'article qu'on vient de lire contre l'éclectisme, c'est M. Cousin en personne qui est attaqué, avec sa fameuse phrase sur la Charte triomphant à Waterloo. N'y a-t-il rien là de ce cepticisme hypocrite que la même feuille reproche à M. Cousin, toujours dans le même numéro ?

En défendant la réforme introduite au Conseil royal de l'instruction publique, le journal la Presse du 15 décembre 1845 combattait avec vigueur le despotisme de ce Conseil des Dix, et ajoutait :

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A tous les degrés de la hiérarchie universitaire, il n'est peut-être pas un fonctionnaire non servilement dévoué à la personne de certains conseillers, qui n'ait eu à souffrir, dans ses intérêts ou dans sa dignité, de l'omnipotence du Conseil...... La philosophie surtout s'y signalait chaque jour par son INTOLERANCE (1). ♦

On sait de reste que la philosophie, dans ce Conseil, n'était autre chose que M. Cousin, comme d'autres journaux l'ont dit assez vertement, en apprenant la réforme opérée par M. de Salvandy. Mais n'est-il pas curieux de voir l'intolérance de la philosophie de M. Cousin dénoncée si franchement ? n'est-il pas très-édifiant d'apprendre que la philosophie tapageuse du XIXe siècle se montre si âpre et si intolérante, dès qu'elle est maîtresse de quelque chose? Et ce n'est pas nous qui révélons cela au monde : c'est une feuille

(1) Pourtant c'est M. Cousin qui écrit ceci : « La persécution en malière de doctrine n'est pas seulement ce qu'il y a de plus odieux, mais de plus inutile, Journal des Savants, juin 1843, pag. 379.

bien pensante et peu suspecte de préjugés catholiques et ultramontains.

La lutte pour les intérêts de l'Eclectisme se poursuivant avec ténacité dans le Constitutionnel, on répliquait dans la Presse par des vérités et des moqueries assez rudes; nous ne transcrirons qu'une portion de l'article.

« M. Cousin s'inquiète bien, en vérité, des certificats d'études et des autorisations de plein exercice ! ]] craint bien qu'à l'aide de la faculté par lui reprise à cet égard, le gouvernement ne livre l'Université à ses ennemis, fantasmagorie qu'on jette en pâture à la crédulité supposée de l'opinion!

« Ce qui l'inquiète, c'est qu'il ne sera plus chargé de régler souverainement, en France, les études philosophiques; c'est qu'il ne nommera plus les professeurs, avec ou sans le contre-seing du ministre responsable; c'est qu'il ne pourra plus imposer à toutes les chaires du royaume cette PHILOSOPHIE ÉQUIVOQue (1) dont il s'était constitué le grand prêtre; c'est, en un mot, parce qu'il ne gouvernera plus seul, parmi nous, la partie la plus élevée des études universitaires.

Voilà ce qui l'inquiète; voilà ce qui arrache à ses amis, car nous ne pouvons plus supposer que ce soit lui qui se livre à cet oubli de toutes les convenances,-

(1) Il a été parlé tout à l'heure de l'intolérance de cette philosophie. Or, c'est la même philosophie précisément qui a fait de si grands frais de colère et d'apitoiement sur les persécutions que le Cartesianisme du P. André lui suscita chez les Jésuites. ( Journal des Savants, mars, avril, mai, juin 1843. On voit que la générosité des phrases n'est pas toujours un sûr indice de la générosité de l'esprit.

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