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que la royauté et la dynastie n'ont pas de serviteur plus habile et plus dévoué, ajoutait cependant : « La parole de M. Thiers allait, allait toujours, suivant sa route sans craindre de heurter les obstacles, et il faut dire que quand cet obstacle a été le trône, le trône ne l'a point arrêtée. »

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<< Malgré tous les semblants de modération qu'il s'est donnés, malgré sa protestation de dévouement à la monarchie, malgré la circonspection méticuleuse de son langage, malgré ce sang-froid habilement joué, le discours de M. Thiers, réservé, constitutionnel par la forme, a été violent et révolutionnaire pour le fond. L'orateur a continué, dans cette circonstance, le système déjà mis en œuvre par lui, à diverses reprises, contre la royauté. Le fiel suinte de chacune de ses phrases, et, sous ses déclarations affectueuses et formulées d'un ton aigre et doux, on sent une haine qui cherche à se contenir, qui veut avoir l'air de la magnanimité et du dévouement, et n'atteint qu'à l'hypocrisie (1). »

La Réforme, très-peu favorable, d'ailleurs, aux intérêts catholiques, se prononça contre M. Thiers, à propos de ses interpellations sur les Congrégations religieuses, et lui reprocha deux choses: la première, de n'avoir pas toujours persécuté les Jésuites; la seconde, d'avoir toujours trahi la liberté. La Réforme traçait, du reste, un tableau assez fidèle du jeu politique auquel se livre le panégyriste de la Révolution et de l'Empire, et donnait le secret des interpellations, en rappelant que M. Thiers se préparait à faire voter l'armement des fortifications de Paris. Il faut se faire de la popularité

(1) Courrier de Lyon, 22 mars 1846.

pour la mettre au service des bastilles. En somme, l'article de la Réforme était très-curieux; nous le reproduisons presque en entier:

«La majesté des lois va être vengée! Les prescriptions qui regardent les sociétés religieuses ne seront plus foulées aux pieds avec la connivence du ministère, qui ose avouer à la tribune cette complicité honteuse ! Le droit commun est sur le point d'être rétabli! Vous en doutez peut-être? Ecoutez.

« M. Thiers, au début de la séance, a demandé la parole sur l'ordre du jour. Sa figure rayonnait autant qu'elle peut rayonner. Et pouvait-il en être autrement?

« Je voudrais, a dit M. Thiers, interpeller le Gouvernement sur la manière dont les lois sont exécutées à l'égard des Congrégations. Je propose donc à la Chambre de fixer un jour de la semaine prochaine pour les interpellations que je veux adresser au Ministère.

« Ce jour a été fixé, en effet, du consentement de M. Martin (du Nord), et c'est vendredi, le 2 mai, le lendemain de la fête du Roi, que nous assisterons à ce spectacle.

a O Athéniens! s'écrie un personnage d'Aristophane, comment vous laissez-vous tromper par ces rhéteurs qui songent ant à eux-mêmes et si peu à leur patrie?

« Quelle comédie, en effet! M. Thiers interpellant le Ministère sur la violation des lois! M. Thiers défenseur du droit commun! M. Thiers jaloux de l'inviolabilité de nos codes! Vous ne l'auriez pas peut-être imaginé?

Le plus grand malheur d'un peuple est de voir ses lois ainsi abandonnées au hasard et au caprice. A moitié détruites par ces violations sacriléges, il ne leur

manque plus, pour achever de mourir, que de servir d'instrument à des ambitions vulgaires, à des intérêts cupides, qui, sous prétexte de chercher le bien public, n'aspirent qu'à leur propre satisfaction.

« N'est-ce point là le jeu que nous promet M. Thiers? « Ces lois sur les Congrégations, dont se souvient aujourd'hui l'orthodoxie juridique de M. Thiers, existent depuis long-temps. M. Thiers les a-t-il exécutées, quand il était investi du pouvoir? N'a-t-il pas toléré, autant que ses successeurs, l'envahissement de ces sociétés religieuses contre lesquelles il invoque nos anathèmes légaux? Et comme si toutes les contradictions devaient se rencontrer dans cette vie où l'égoïsme seul peut établir une espèce d'unité, M. Thiers faisait voter en même temps une loi sur les associations, espèce de système cellulaire appliqué aux idées.

« Il y a des souvenirs qui ne doivent point permettre à certains hommes politiques de réclamer en faveur de l'inviolabilité des lois, M. Thiers est un de ces hommes politiques condamnés au silence quand ces lois sont violées; et où donc le ministre du 1er mars aurait-il puisé, je vous prie, cette pudeur et ce respect pour les institutions?

«Des travaux gigantesques furent commencés, il y a quatre ans, autour de Paris, travaux menaçants pour nos libertés, pour nos droits, pour toute notre vie politique. M. Thiers en donna le signal.

Plus tard, il s'agissait d'associer la Chambre à cette pensée, et de lui arracher des sommes énormes pour la construction de ces murailles qui devaient consacrer la prépondérance de la force. Qui s'en chargea? M. Thiers. Il n'était plus ministre, cependant; mais ses instincts

l'emportent en dehors de la loi, et ce qu'il a toujours mieux compris dans cette vie de Napoléon, si glorieuse par tant d'autres côtés, c'est la fumée impie de cette journée de brumaire.

« Aujourd'hui que ces remparts et ces forts sont debout, et qu'un gouvernement sans pudeur demande à la France de grever encore son budget pour les couvrir de canons, et jeter ainsi plus de menaces sur les derniers restes de notre indépendance, quel est le partisan le plus obstiné de ce projet ? M. Thiers. Il lui importe peu de concourir ainsi au naufrage de nos lois les plus saintes, des lois qui ont fondé et qui protégent notre vie moderne.

Des citoyens honorables, placés à la tête de cette garde nationale, la première armée qui ait pensé, réclament contre cet investissement de Paris, libre et fier de sa liberté si chèrement conquise. Ils réclament en vertu de la Charte, la première des lois; ils réclament en se conformant à tous les textes législatifs, et le Gouvernement ne craint pas de tourmenter, par le plus étrange commentaire, la loi même sur laquelle ils s'appuient, pour les poursuivre et les punir. M. Thiers a-til songé à défendre tant de lois méconnues? Les journaux qu'il inspire ont-ils dit seulement un mot de toutes ces violations?

Etrange hypocrisie, qu'on ne saurait trop blâmer, et que la France ne peut souffrir plus long-temps, sans faire accuser jusqu'à son intelligence! A quoi bon parler de lois, je vous prie, quand vous avez posé vousmême la première pierre de ces remparts qui menacent de les étouffer? Les lois ne vous reconnaissent pas pour leur interprète.

« Ces Jésuites, ces ordres religieux contre lesquels vous implorez la sévérité de nos codes, sont l'ame de la vieille servitude morale de l'Europe. Vous n'avez plus le droit de les accuser, et d'accuser avec eux leurs complices, vous qui êtes devenu l'arme d'une autre servitude, et qui avez fourni à cette servitude nouvelle l'arme la plus puissante qu'ait jamais portée la main des hommes (1)! »

Et le fidèle Achate de M. Thiers, M, Odilon Barrot? Il sera jugé par lui-même, par une Notice sur la vie politique de M. J.-A. Barrot, son père, publiée à Paris en 1815 (Paris, Fain, in-4°),

M. J.-A. Barrot, père de l'honorable député, était conventionnel, et, en 1815, on songeait à lui appliquer la loi qui bannissait les régicides. M. J.-A. Barrot se défendit contre l'application de cette loi par un raisonnement assez singulier, que la brochure nous fait connaître. Le jour où la Convention prononça sur les trois questions posées au sujet de Louis XVI, M. J,-A. Barrot décida affirmativement celle de savoir si l'accusé était coupable; il décida celle de la peine dans le sens d'une déportation dans une de nos iles les plus inaccessibles; et quant à la question de l'appel au peuple, il la vota pareillement d'une manière affirmative. Jusque-là tout allait bien; mais deux jours après, sur la question de savoir s'il y aurait un sursis, M, J.-A. Barrot vota pour l'exécution immédiate. C'était sur ce dernier vote que l'on s'appuyait, en 1815, pour appliquer à M. J.-A. Barrot la loi de bannissement; mais il y échappa par le raisonnement suivant, qui donne une idée sin

(1) 25 avril 1845.

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