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de l'Église. Elle reconnaît que ces objets sont hors de son domaine. Dans la nouvelle circonscription de diocèses, elle a voulu seulement déterminer des formes politiques plus avantageuses aux fidèles et à l'État. Le titre seul de Constitution civile du clergé énonce suffisamment l'intention de l'Assemblée nationale : nulle considération ne peut donc suspendre l'émission de notre serment. Nous formons les vœux les plus ardents pour que, dans toute l'étendue de l'empire, nos confrères, calmant leurs inquiétudes, s'empressent de remplir un devoir de patriotisme si propre à porter la paix dans le royaume, et à cimenter l'union entre les pasteurs et les ouailles (1). »

Après ces paroles, l'abbé Grégoire prêta le serment selon la formule du décret. Cette formule renfermait deux serments: le serment civique, qui était d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi; et puis le serment de maintenir la constitution civile du clergé. Le premier serment offrait moins de difficultés; c'est le second principalement qui blessait la conscience. Par une ruse infernale, on avait confondu ces deux serments dans une même formule; de sorte que l'ecclésiastique qui ne l'adoptait pas, passait aux yeux du peuple pour ne vouloir être fidèle ni à la nation, ni à la loi, ni au roi, et devenait odieux au peuple; et c'est le résultat qu'on en attendait. La formule du serment était conçue

en ces termes :

« Je jure de veiller avec soin aux fidèles dont la direction m'est confiée. Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi. Je jure de maintenir de tout mon

(1) Moniteur, séance du 27 décembre 1790.,

pouvoir la constitution française, et notamment les décrets relatifs à la constitution civile du clergé. »

Le discours de l'abbé Grégoire, qui devait commencer la désertion, avait été concerté probablement avec les membres du côté gauche, dans le dessein de surprendre la bonne foi des ecclésiastiques. L'orateur était trop instruit pour croire ce qu'il disait, c'est-àdire pour croire que l'Assemblée était pénétrée d'un profond respect pour la religion catholique, et qu'elle n'avait jamais voulu porter la moindre atteinte au dogme, à la hiérarchie, et à l'autorité spirituelle du chef de l'Église.

L'abbé Grégoire savait, mieux que personne, ce qu'il devait en penser. Son discours, applaudi à diverses reprises, produisit son effet. Cinquante ecclésiastiques, membres de l'Assemblée, montèrent successivement à la tribune, et prêtèrent le serment, aux grands applaudissements du côté gauche et des tribunes. Trois autres qui n'avaient pas de fonctions, et qui par conséquent pouvaient se dispenser du serment, se joignirent à eux et reçurent les mêmes applaudissements (1).

La journée avait été bonne pour les ennemis de l'Église; ils étaient pleins de joie, d'autant plus que, les jours suivants, d'autres ecclésiastiques vinrent prêter le même serment. Parmi eux figuraient Talleyrand, évêque d'Autun, et Gobel, évêque de Lydda, coadjuteur de l'évêque de Bâle pour la partie française de son diocèse. Plusieurs de ces ecclésiastiques ne se sont pas contentés du simple serment; ils l'ont motivé, et

(1) Moniteur, séance du 27 décembre.

donné des éloges à l'Assemblée pour avoir fait une constitution qui devait faire le bonheur du peuple français. L'Assemblée recevait agréablement ces sortes de félicitations, et les inscrivait dans son procès-verbal.

Jusque-là tout était ravissant pour les philosophes incrédules de l'Assemblée : ils avaient un sacerdoce pour leur nouvelle Église. Mais ils furent tant soit peu contrariés par la rétractation d'un certain nombre d'ecclésiastiques surpris dans le premier moment; de sorte que le nombre des jureurs n'était plus en tout que de soixante et onze, qui, il faut le remarquer, ne formaient pas le quart des membres de l'Assemblée, composée de plus de trois cents ecclésiastiques.

Les rétractations contrariaient vivement les députés, et on défendit de les faire à la tribune. Par là on voyait l'injuste et révoltante partialité de l'Assemblée. Ceux qui prêtaient le serment avaient toute latitude de s'expliquer, de motiver leur résolution; ceux qui le refusaient ou qui se rétractaient étaient réduits au silence. Le 2 janvier (1791), l'évêque de Clermont, voulant profiter de la bonne humeur de l'Assemblée, excitée par une adresse du chapitre de Saint-Genest d'Hyères, qui lui offrait sa soumission et ses respects, monta à la tribune pour protester de nouveau de la soumission du clergé à la puissance civile. Mais dans l'ordre spirituel, ajouta-t-il, ce n'est pas d'elle que nous avons reçu nos pouvoirs; nos fonctions sont limitées au territoire pour lequel nous avons reçu notre mission (1). A ces paroles, un grand tumulte s'éleva dans l'Assemblée, tumulte qui mettait en lumière le

(1) Moniteur, séance du 2 janvier 1791.

sens qu'on attachait à la constitution. L'Assemblée entendait que c'était d'elle que venaient les pouvoirs de la nouvelle Église, et que c'était à elle de fixer les limites des diocèses, de rétrécir ou d'étendre les juridictions. Plusieurs membres du côté gauche crièrent qu'il fallait demander à l'évêque son serment pur et simple, sans explication. On l'empêcha de parler, et, sur la motion de Treilhard, on décida que le serment de l'évêque de Clermont serait pur et simple (1). C'était une véritable tyrannie; aussi M. de Foucault avaitil dit qu'il n'y avait plus d'Assemblée, puisque la tribune n'était pas libre: Ce n'est plus qu'une faction, s'était-il écrié (2); et il avait raison. L'évêque descendit au milieu du bruit, en disant que sa conscience ne lui permettait pas de prêter le serment. On lui en fit un crime; car, au milieu des clameurs qui couvraient sa voix, on distingua ces mots : C'est un crime de lèse-nation que de disputer sur les lois constitutionnelles (3).

Ceci était pour la rue; car telles étaient les idées qu'on donnait au peuple, et qui tendaient à exciter sa haine contre le clergé. Il suffisait d'hésiter et de vouloir s'expliquer à la tribune sur le refus du serment, pour être coupable du crime de lèse-nation. L'injustice, la partialité étaient palpables. Ceux qui prêtaient le serment avaient la faculté de parler, de motiver leur résolution, et étaient applaudis. Ceux qui voulaient expliquer leurs scrupules de conscience étaient

(1) Moniteur, séance du 2 janvier 1791.

(2) Ibid.

(3) Labaume, Hist. mon. et constit. de la Révol., t. V, p. 51.

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forcés au silence; la liberté de la tribune n'existait plus pour eux. Cela a été d'autant plus à regretter, que l'évêque de Clermont, par un dernier effort, voulait offrir un serment que les ecclésiastiques pussent faire, tout en remplissant le vœu de la loi. Grégoire, qui a été tant applaudi, avait dit que l'Assemblée n'avait pas eu la pensée de toucher au spirituel l'évêque de Lydda venait de faire la même déclaration (1). L'évêque de Clermont voulait en profiter, à ce qu'il paraît, et présenter un serment qui ne s'étendît pas aux choses spirituelles, et qui pût être accepté par les ecclésiastiques de l'Assemblée.

N'ayant pu continuer son discours, il le déposa sur le bureau. De là vint le bruit que l'évêque de Clermont avait prononcé le serment, ce qui était faux. Comme il l'a dit lui-même, il n'avait prononcé aucun serment; seulement, il en avait proposé un qui pût satisfaire les exigences de l'Assemblée et concilier la conscience du clergé avec son extrême désir de la paix. La formule de ce serment était ainsi conçue :

« Je jure de veiller avec soin sur les fidèles dont la conduite m'a été ou me sera confiée par l'Église, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir, en tout ce qui est de l'ordre politique, la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi, exceptant formellement les objets qui dépendent essentiellement de l'autorité spirituelle (2). »

Ce serment, qui avait l'assentiment des autres évê

(1) Moniteur, séance du 3 janvier. (2) Barruel, Collect., t. IX, p. 15.

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