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afin que sa gloire reçoive autant d'accroissement qu'elle reçoit ici de diminution.

«De la prison de Saint-Julien, sur le bord du Tage, le 12 octobre 1766.

« De votre Révérence le très humble

et très obéissant serviteur.

LAURENT KAULEN, captif de Jésus-Christ. »

D'autres lettres sont aussi éloquentes de douleur, aussi magnifiques de courage chrétien. Ces Jésuites, dont le nombre décroissait chaque année, étaient pour Pombal une satisfaction de tous les instants: Il se délectait à les voir souffrir, comme il aimait à réaliser des projets auxquels le sang versé paraissait être un insurmontable obstacle. Il avait révé, dans les premiers jours de sa puissance, le mariage de son fils avec une Tayora. Un refus entraîna peut-être les malheurs que nous venons de raconter. Pombal avait brisé cette illustre famille,. il voulut que son fils réalisât le plan formé dans sa tête. L'enfant du bourreau épousa la fille des victimes. Pombal avait tout fait pour rendre impossible aux Jésuites leur réintégration dans le royaume. En 1829, lorsqu'on les y rappela, le marquis de Pombal et la comtesse d'Oliveira, les deux héritiers du ministre portugais, les reçurent à leur arrivée. Ils les comblèrent de témoignages d'affectueux regrets, et les trois premiers pensionnaires que le collège restauré de Coïmbre vit entrer dans ses murs avec les Pères furent les arrière-petits-fils de l'homme qui travailla le plus activement à la destruction des Jésuites. (1)

(1) Quelque chose manquerait à ce récit si nous ne donnions pas un fragment d'une lettre écrite de la ville de Pombal par le P. Delvaux, qui, en 1829, fut chargé de réinstaller les Jésuites en Portugal. Les restes mortels du grand marquis n'avaient pas encore été déposés dans le tombeau que, suivant ses dernièrės volontés, sa famille lui fit ériger à Oeyras. Le

La facilité avec laquelle il avait pu tromper son Roi, éluder les prières ou les décrets du Saint-Siége, et arriver presque sans opposition au renversement de la Société de Jésus, fut un encouragement pour les adversaires qu'elle comptait en Europe. Pombal avait réussi par des moyens coupables: les Philosophes, les Jansénistes et les Parlementaires blâmaient sa froide cruauté, son despotisme inintelligent; mais, forts de l'expérience tentée, ils commençaient à espérer qu'avec des mesures moins acerbes ils pourraient parvenir au même but. La chute des Jésuites dans le royaume très fidèle réveilla les haines. On ne songea pas à les tuer; on crut que la calomnie suffirait pour s'en débarrasser. On attisa contre eux cette guerre, de sarcasmes ou d'invraisemblances qui avait eu ses intermittences, mais qui alors se développa

cercueil, couvert d'un drap funèbre, était confié à la garde des Franciscains. Le P. Delvaux raconte les tristes vicissitudes qu'éprouva ce cercueil pendant les guerres de la Péninsule, puis il ajoute :

« Il faut remarquer que Pombal est la première population du diocèse de Coïmbre, du còté de Lisbonne. Or, l'évêque de Coïmbre avait envoyé l'ordre à toutes les paroisses que nous devions traverser de nous recevoir en triomphe. C'est donc à la lettre qu'il avait fallu me dérober au triomphe pour courir à Saint-François; mais c'était un besoin du cœur. Je ne saurais rendre ce que j'éprouvai en offrant la victime de propitiation, l'agneau qui pria sur la croix pour ses bourreaux, en l'offrant pour le repos de l'âme de don Sébastien Carvalho, marquis de Pombal, corpore præsente! Il y avait donc cinquante ans qu'il attendait là, au passage, cette Compagnie revenant de l'exil auquel il l'avait si durement condamnée, et dont, au reste, lui-même avait prédit le retour.

« Pendant que je satisfaisais à ce devoir religieux, le triomphe qu'on nou's forçait d'accepter, je voulais dire endurer, ébranlait toute la ville et ses environs; toutes les cloches sonpaient; le prieur, archiprêtre, venait processionnellement chercher nos Pères pour les conduire à l'église, où tout était illuminé. C'était comme un songe. »

La vengeance des Jésuites ne pouvait pas, en effet, être plus complète. Ils se dérobaient à l'enthousiasme dont ils devenaient l'objet à Pombal, pour se recueillir et prier en silence sur le tombeau non encore fermé du ministre, leur ennemi,

dans toute son extension. Depuis l'origine de la Société, il y avait tradition, chaîne non interrompue de libelles et de mensonges. On exhuma ce vieux passé d'impostures. Les Protestants avaient commencé, les Jansénistes enchérirent encore. Il est impossible de ramasser toutes ces hontes de la pensée; mais l'histoire se voit condamnée à enregistrer celles qui sont pour ainsi dire légales. Avant d'entrer dans le récit des événements relatifs à la France, à l'Espagne et à l'Italie, il faut donc s'arrêter à quelques faits qui portent leur enseignement avec

eux.

Les Jésuites étaient les infatigables tenants contre le Protestantisme. En 1602, au moment où Henri IV se disposait à les rétablir, le Synode calviniste assemblé à Grenoble prend la résolution d'employer tous les moyens de s'opposer à leur retour. L'Histoire du P. Henry, Jesuite brûlé à Anvers le 12 août 1601, sort des presses hérétiques. Elle est bientôt répandue en France. Le P. Henry avait commis tous les crimes, et le titre du livre annonçait que « cette histoire était tournée de flamand en français. » Le Roi et les Jésuites établissent une enquête dans toutes les Flandres. Il n'a jamais été question ni de cet auto-da-fé ni du Jésuite. Guillaume de Berghes, évêque d'Anvers, constate le mensonge. Il en fait retomber la confusion sur les Sectaires, «gens accoutumés, selon lui, à promouvoir leur Évangile par telles feintes. » Les magistrats de la ville où le P. Henry était né, où il avait prêché, où il venait d'être brûlé, déclarent que ces événements. ne sont qu'un tissu de fables. Ce Père était un être de raison. Les Hérétiques proclamaient qu'il se nommait Henry Mangot, fils de Jean Mangot, fourbisseur; les magistrats attestent que, « de mémoire d'homme, il ne s'est fait à Anvers punition du crime abominable dont on accusait le prétendu P. Henry, qu'il n'y a jamais eu à Anvers de Jésuite du

nom de Henry Mangot, et qu'entre les bourgeois d'Anvers il n'y a jamais eu de nommé Jean Mangot, même du métier des fourbisseurs. >>

L'imposture était confondue: elle fit la morte pour se réveiller quand les animosités seraient plus vivaces. Elle reparut en 1758, comme si un siècle et demi auparavant 'elle n'avait pas été écrasée sous le poids des preuves juridiques. Le fait du P. Henry était notoire. Au moment de la suppression, on l'évoqua contre les Jésuites. Il en fut de même pour la mort et pour l'héritage d' Ambroise Guis.

En 1716, un artisan de Marseille, nommé Esprit Bérengier, et Honoré Guérin, prêtre interdit par son évêque, arrivent à Brest. Ils annoncent qu'ils viennent réelamer une fortune de plus de deux millions qu'a dû laisser un de leurs parents, Ambroise Guis, mort, selon eux, à Brest en 1701. Leurs démarches n'aboutissent à aucun résultat. Personne n'a vu, n'a connu cet homme si riche. L'autorité locale n'en à jamais entendu parler. Deux années s'écoulent, et en 1718 les Jésuites du Collége de la marine sont tout à coup accusés d'avoir attiré dans leur maison Guis, qui débarquait malade, et de l'avoir dépouillé de son trésor. Guis, disait-on, avait été tué chez les Jésuites, et l'abbé Rognant, recteur de la paroisse de Saint-Louis, avait fait transporter le cadavre à l'hôpital, où il fut inhumé.

L'imputation était grave. Les Jésuites réunissent les éléments qui peuvent la détruire. Le gouvernement, de son côté, charge Le Bret, premier président du Parlement d'Aix, d'informer. Ce magistrat, qui était en même temps intendant de la province, fait interroger à Marseille les parents d'Ambroise. Ils racontent que Guis, tombé dans la misère et déjà vieux, s'embarqua pour Alicante en 1664, et que, par divers rapports, il était vénu à leur connaissance qu'il n'avait pas été plus heu

reux en Espagne qu'en France. Le premier président écrit à Alicante: il en reçoit cet extrait mortuaire (1) : « Ambroise Guis, Français de nation. Le vendredi & novembre 1665 on enterra le susdit dans cette église pour l'amour de Dieu, et tout le clergé y assista en exécution de l'ordonnance et décret du Grand-Vicaire forain de cette ville d'Alicante et de son territoire. » Cet acte, dont copie authentique et légale était certifiée par trois notaires et par le consul français, renversait l'échafau→ dage de succession si péniblement dressé contre les Jésuites. On avait ajouté foi aux insinuations de la malveillance, on se tut devant cette preuve irrécusable. Les héritiers d'Ambroise Guis avaient évoqué l'affaire au Parlement de Bretagne. Le. 19 février 1724, la cour, faisant droit sur les charges, informations et requêtes des Pères Jésuites de Brest, les a renvoyés hors l'accusation, sauf à eux à se pourvoir pour leurs réparations, dépens, dommages et intérêts. »

Cette fable avait eu le sort de tant d'autres elle était depuis longtemps oubliée ainsi que la succession d'Ambroise Guis; mais contre les Jésuites la calomniê né subit jamais de prescription éternelle. On a toujours une heure. où elle peut abuser d'autres générations. Pombal était dans le feu de ses violences. Il parut en France un écrit destiné à réveiller cette affaire. Il avait pour titre : Arrêt du conseil d'Etat du Roi, qui condamne tous les Jésuites du royaume solidairement à rendre aux héritiers d'Ambroise Guis les effets en nature de sa succession, où à leur payer, par forme de restitution, la somme de huit millions de livres. Le 3 mars 1759, cet arrêt fut signifié aux Jésuites de Paris. L'audace de ceux qui l'avaient fabriqué était grande; mais à cette époque le pouvoir s'enfonçait dans des voies qui le conduisaient à l'oppro

(1) Archives de la paroisse Sainte-Marie, p. 258.

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