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du mois d'août 1669, prescrivit « la fouille et le renversement des terriers et la destruction des lapins » dans les forêts de son domaine. Les officiers des capitaineries étaient chargés de l'exécution de l'arrêt. En cas de négligence de leur part, et sur la plainte des propriétaires, ils pouvaient être requis par les intendants d'obéir exactement aux ordres du roi (1). Il est manifeste que Louis XVI dont la passion pour la chasse est connue, attachait une haute importance à cette mesure. Sacrifier une partie de son gibier aux intérêts de l'agriculture lui paraissait sans doute le témoignage le plus éclatant qu'il pût donner aux Français de son zèle pour le bien public. Turgot lui en marqua sa reconnaissance. « Il regardait ce travail du roi, dit Dupont de Nemours, comme la plus douce récompense qu'il eût reçue du sien (2). »

Si Louis XVI était capable de désintéressement, même lorsqu'il s'agissait de son plaisir favori, la chasse, les privilégiés, en revanche, ne songeaient guère à imiter le roi. Le clergé notamment ne laissait échapper aucune occasion d'affirmer ou d'étendre ses prérogatives. Plus l'État avait besoin d'argent, moins il prétendait en payer; et ses efforts pour échapper à l'impôt étaient d'autant plus actifs que l'impôt pesait plus lourdement sur le reste de la nation. Nous avons vu avec quel soin Turgot l'avait ménagé, avait reculé devant les mesures qui auraient pu l'atteindre, quels égards il avait eus pour ses réclamations. Il avait confirmé aux roturiers qui faisaient partie du clergé l'exemption du droit de franc-fief (3). Il avait maintenu «par grâce» l'exemption du droit d'amortissement aux lieux claustraux et réguliers mis en location par le clergé (“). Il avait accordé aux membres du clergé possesseurs de bénéfices ecclésiastiques un délai de cinq ans, pour qu'il fût statué en connaissance de cause sur l'exemption des droits de foi et hommage, aveux et dénombrements qu'ils réclamaient depuis longtemps (3). Il avait approuvé l'emprunt contracté par le clergé pour le paiement du don gratuit de 1775 (6). Il avait autorisé les gens de main-morte à placer en rentes sur le clergé les sommes qu'ils recevaient pour fondations, et il avait exempté ces placements du droit d'amortissement ('). Il avait consenti à modifier l'édit des corvées pour dispenser le clergé du paiement de la contribution qui les remplaçait (). Le 29 janvier il fit au clergé une nouvelle concession financière ("). Il s'agissait encore d'une exemption du droit d'amortissement. Ce droit était dû au roi par les gens de main morte pour tous les biens qu'ils acquéraient; c'était une sorte de dédommagement de la perte qu'éprouvait le roi dans ses finances

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(1) Dup. Nem., Mém., II, 121 ; 21 janv. 1776. (2) Id.

(3) Voir plus haut, liv. I, chap. vш, p. 119. (4) Id., p. 120.

(5) Id., liv. II, chap. xm, p. 300.

(6) Voir plus haut, p. 299.
(7) Id.

(8) Id., p. 223. Pour les impositions que payait le clerge, v. p. 299.

(9) Euv. de T. Ed. Daire, II, 415.

lorsque ces biens sortaient du commerce. Or, les dîmes devaient-elles être considérées comme des biens ordinaires, et toute transaction sur les dîmes devait-elle être assujettie au droit d'amortissement? C'était là une difficulté débattue depuis longtemps entre le clergé et l'administration. A la vérité, l'article XIV du règlement du 13 avril 1751 avait affranchi du droit d'amortissement les dîmes inféodées dépendantes des paroisses, mais dans le cas seulement où elles étaient acquises par les curés au profit de leurs cures. Les gens des finances soutenaient que cette exemption ne s'étendait nullement à la cession des dîmes aux gros décimateurs ou curés primitifs. Le clergé répondait que les dîmes étaient des biens purement ecclésiastiques, affectés de tout temps au clergé, inamortissables de leur nature, parce que, n'ayant jamais été dans le commerce, elles ne pouvaient en aucune façon en sortir; que les dîmes par conséquent ne pouvaient en aucun cas être soumises à l'amortissement. Turgot accueillit cette interprétation de la loi. Il maintint l'exemption du droit d'amortissement et de nouvel acquét pour les dîmes acquises par les curés des paroisses; et il étendit cette exemption à toutes les dîmes que les curés ou vicaires perpétuels céderaient aux gros décimateurs ou curés primitifs.

Nous n'en finirions pas si nous voulions indiquer toutes les mesures de détail qui marquèrent la fin de janvier. La maladie semblait redoubler et comme exaspérer l'activité de Turgot. Nous ne mentionnerons que les principales.

Le 17, Turgot informa l'intendant de Limoges d'Aine qu'un arrêt du Conseil accordait une subvention aux entrepreneurs d'une manufacture de siamoises et de flanelles de cette ville (1).

Le même jour, il annonça à l'intendant de Lyon Flesselles qu'une gratification du même genre était destinée à récompenser un maître fabricant en étoffes de soie, inventeur d'un nouveau métier (2).

Le 23, dans une lettre au prévôt des marchands et échevins de Lyon, il constata avec plaisir l'augmentation du commerce de la soie indigène à Lyon depuis que le droit de douane qui frappait cet article avait été supprimé (3)

Le 27, il écrivit à Malesherbes, en réponse à une requête du marquis de Torcy, qu'il consentait à accorder à ce seigneur le droit d'avoir un marché par semaine et une foire par mois à Saint-Denis-de-la-Chevasse, en Poitou, mais qu'il ne pouvait aucunement consentir à l'établissement de droits quelconques dans ces foires et marchés. Sa doctrine était très ferme et ne varia pas à cet égard (').

Ce même jour, le registre de sa correspondance officielle contient

(1) Arch. nat., F. 12, 152; 17 janv. 1776. (2) Id.

(3) Id.; 23 janv. 1776.

(4) Arch. nat., F. 12, 151: 27 janv. 1776. - Voir des décisions semblables dans les chapitres précédents, notamment liv. II, ch. XII, p. 29).

jusqu'à dix-huit lettres dictées par lui, et quelques-unes sont très longues.

Passons au mois de février.

Le 6, Turgot, qu'on a accusé quelquefois de dureté, ayant appris que l'intendant de Bordeaux Clugny était tombé malade et souffrait de la goutte comme lui, s'empressa de lui exprimer la part qu'il prenait à son état : « Vous devez être bien sûr de ma confiance et de celle qu'en toute occasion j'inspirerai au roi pour vous... Je ne puis vous dire combien je suis peiné de ce que vous me mandez de votre santé; vous ne devez pas douter de l'intérêt que j'y prends. Il est trop rare d'avoir à correspondre avec des administrateurs aussi éclairés, pour ne pas chercher tous les moyens de les conserver en bonne santé. Je sens plus qu'un autre les inconvénients d'être pris par la goutte et combien le travail peut alors fatiguer... (1). » — Le 6 février également, il demanda à l'intendant Crosne des renseignements sur un arrêté du Parlement de Rouen qui réglementait le commerce des bois; il se proposait de casser l'arrêté et d'accorder pleine liberté à ce commerce (2).

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Il signa le même jour un arrêt d'une utilité incontestable pour l'agriculture. La largeur des chemins publics avait varié maintes fois. L'ordonnance de Blois (mai 1579) la fixait à 45 pieds. Sous les Valois, on l'avait ramenée à 30 pieds dans les terres labourables et à 40 dans les bois. Mais, dans certaines provinces, elle était restée beaucoup plus considérable, de 60 pieds en Picardie et dans le Boulonnais, de 64 pieds aux environs de Clermont-en-Beauvaisis. Un arrêt du 3 mai 1720 déclara qu'elle serait de 60 pieds dans les bois seulement, partout ailleurs de 36 pieds. Turgot pensait avec raison que cette largeur était excessive, qu'elle était seulement utile auprès des villes, et que, dans le reste du royaume, « elle ne faisait qu'ôter des terrains à l'agriculture, sans qu'il en résultât aucun avantage pour le commerce. » Après avoir rendu aux cultivateurs << la libre disposition de leurs bras et de leur temps par la suppression des corvées et celle des convois militaires », il voulut laisser à l'industrie agricole « devenue libre et à la reproduction des denrées tout ce qu'il ne serait pas absolument nécessaire de destiner aux chemins pour faciliter le commerce.» En conséquence, il décida qu'à l'avenir la largeur des routes serait diminuée et fixée proportionnellement à leur importance. A cet effet, il les distingua en quatre classes. La 1re classe comprenait les grandes routes qui traversent la totalité du royaume ou qui conduisent de la capitale dans les principales villes, ports ou entrepôts de commerce. Elles devaient avoir 42 pieds de largeur. La 2o classe comprenait les routes qui unissent entre elles les

(1) Arch. nat., F. 12, 152; 6 fév. 1776.

(2) Pièc. just. no 57.

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provinces et les principales villes du royaume ou qui conduisent de Paris à des villes moins importantes que celles désignées ci-dessus. Elles devaient avoir 36 pieds de largeur. Dans la 3e classe étaient les routes qui ont pour objet la communication entre les villes principales d'une même province ou de provinces voisines. Leur largeur était fixée à 30 pieds. — Enfin les chemins particuliers destinés à la communication des petites villes ou bourgs étaient rangés dans la 4o classe, et leur largeur devait aller à 24 pieds. Une exception était faite pour les chemins forestiers, qui, «pour la sûreté des voyageurs, » conservaient une « ouverture » de 60 pieds. Dans les pays de montagnes et dans les endroits où la construction des chemins présente des difficultés extraordinaires et entraîne des dépenses très fortes, la largeur des routes pouvait être diminuée. Elle pouvait en revanche être augmentée aux abords des grandes villes, mais sans pouvoir jamais dépasser 60 pieds. Enfin des plantations << d'arbres propres au terrain » étaient prescrites partout où la situation et la disposition des routes le permettrait. L'arrêt ne changeait rien d'ailleurs à l'état de choses alors existant. Il était applicable aux chemins à construire et ne touchait pas à ceux qui étaient achevés (1). On remarquera que la division des routes et chemins en quatre classes dont Turgot est l'auteur, est fort analogue à la classification adoptée de nos jours. La 1re classe correspond à nos routes nationales de premier ordre ou anciennes grandes routes de poste; la 2o à nos routes nationales de second ordre ou anciennes routes ordinaires; la 3e à nos routes départementales; la 4° à nos chemins vicinaux de grande communication, d'intérêt commun ou simplement ordinaires. Les successeurs de Turgot au ministère ne donnèrent aucune exécution aux dispositions de cet arrêt; mais il en a été tenu compte dans la législation de nos jours.

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Le 8 février, Turgot prit une décision qui concernait les propriétaires de droits sur les grains. Un arrêt du 13 août 1775 avait ordonné que dans les six mois, les seigneurs, les villes, les communautés et les particuliers, propriétaires de droits sur les grains, devraient représenter leurs titres de propriété. Le même arrêt avait institué, pour examiner ces titres, une commission dont Dupont de Nemours était le greffier. Le délai de six mois allait expirer et la vérification prescrite n'était pas terminée. Turgot, par un nouvel arrêt, prorogea le délai fixé et renouvela les injonctions du mois d'août précédent. Il rappela que les intéressés devaient établir, par devant les commissaires, non seulement leurs titres de propriété, mais l'étendue et la forme de perception des droits. On se rappelle que cette enquête avait pour but de préparer l'important travail du rembour

(1) Eur. de T. Ed. Daire, II, 465. — Anc. l. fr., XXIII, 331.

sement et de l'extinction de toutes les taxes féodales et autres qui grevaient le commerce des grains. Turgot poursuivait avec persévérance l'œuvre de liberté qu'il avait entreprise (1).

Le 9, un arrêt du Conseil, préparé par ses soins, étendit les exemptions du droit de marc d'or à divers officiers pour les provisions, commissions, lettres de noblesse, de dons et autres, qui devaient être scellées en grande chancellerie. Cet arrêt ne faisait d'ailleurs que compléter plusieurs arrêts antérieurs des 4 décembre 1774, 16 mars, 19 avril et 6 septembre 1775. Toutes ces mesures partielles tendaient à l'abolition complète du droit de marc d'or (*).

Le 10, Turgot, de concert avec Sartines, s'occupa de la Compagnie des Indes. Un arrêt du Conseil porta « évocation» de toutes les contestations nées ou à naître aux îles françaises d'Amérique concernant la Compagnie des Indes. Un autre établit que les rentes dues aux «< Indiens », à cause des contrats qui leur avaient été donnés en paiement de leurs créances sur la Compagnie, seraient payées dans l'Inde à 4 0/0. Un troisième ordonna le renvoi en France des originaux des titres de créance sur la Compagnie des Indes, déposés dans les greffes des conseils des Indes et des îles de France et de Bourbon (3).

Le 19, le Conseil, sur la proposition de Turgot, approuva et rendit exécutoire un traité fait entre les commissaires du roi et les commissaires députés par l'assemblée des États de Languedoc, pour la négociation d'un emprunt. Les États avaient emprunté au denier 20, c'est-à-dire à 5 0/0, pour le compte du roi. Les progrès du crédit public accomplis sous le ministère avaient amené l'abaissement du taux de l'intérêt. Il était possible de se procurer de l'argent à meilleur marché qu'auparavant. Les États de Languedoc furent donc autorisés à emprunter au denier 25, c'est-à-dire à 4 0/0, à l'effet de rembourser ce qui restait dû par eux des emprunts précédemment conclus au denier 20 (5 0/0). C'était un bénéfice net de 1 0/0. – Chaque créancier était sommé d'envoyer dans les deux mois au trésorier des États une déclaration faisant connaître s'il entendait recevoir son remboursement ou s'il préférait reconstituer son capital au denier 25 (4 0/0); et dans le cas où il négligerait de faire connaître son désir, il était entendu qu'il serait réputé avoir préféré le remboursement. — Afin de faciliter ce nouvel emprunt, il était stipulé que les souscripteurs seraient exempts de la retenue des deux vingtièmes et 4 sous pour livre du premier, qui frappaient ordinairement les rentes. Tous les frais des contrats (des souscriptions) et des quittances de remboursement étaient à la charge du roi. Des

(1) Euv. de T. Ed. Daire, II, 223. (2) Id., 400.

(3) Anc. l. fr., XXIII, 354. Pour la Compagnie des Indes, voir liv. I, ch. v, p, 87.

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