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artisans. « Art. XI. Les contestations qui naîtront à l'usage des mal-façons et défectuosités des ouvrages, seront portées devant le sieur lieutenant-général de police, à qui nous en attribuons la connaissance exclusivement pour être, sur le rapport des experts par lui commis à cet effet, statué sommairement, sans frais, en dernier ressort, si ce n'est que la demande en indemnité excédât la valeur de 100 livres; auquel cas, ces dites contestations seront jugées en la forme ordinaire.» « Art. XII. Seront pareillement portées par-devant le sieur lieutenant-général de police, pour être par lui jugées sommairement, sans frais, et en dernier ressort, jusqu'à concurrence de 100 livres, les contestations qui pourraient s'élever sur l'exécution des engagements à temps, contrats d'apprentissage et autres conventions faites entre les maîtres et les ouvriers travaillant pour eux, relativement à ce travail; et dans le cas où l'objet des dites contestations excèderait la valeur de 100 livres, elles seront jugées en la forme ordinaire. »

En résumé, Turgot ne dépouillait pas brusquement les artisans de toute tutelle ni de toute entrave. Il ne brisait la corporation que pour en placer les membres désunis sous la sauvegarde, mais aussi sous la surveillance de l'administration. Les marchands et artisans étaient libres de travailler à leur guise; mais ils ne l'étaient pas de s'assembler, ni de s'associer entre eux. Ils élisaient des chefs; ils étaient officiellement et légalement représentés; ils portaient leurs différends journaliers devant un tribunal qui les jugeait gratuitement; mais ils étaient au fond à la merci du lieutenant de police. Ainsi Turgot n'avait donné au travail qu'une liberté incomplète. Mais il serait injuste de le lui reprocher, car il ne pouvait faire davantage; il créait un régime économique infiniment préférable à celui des corporations; il ne dépendait pas de lui de changer le régime politique de la France. La liberté de réunion et d'association étaient alors inconnues chez nous. Le clergé seul jouissait de ces droits, parce que le clergé était une puissance particulière dans l'Etat. Il fallait une révolution pour étendre à tous les priviléges de quelques-uns.

Le cinquième édit supprimait la caisse de Poissy (1). Qu'était-ce que la caisse de Poissy? Turgot prend lui-même la peine de l'expliquer. En janvier 1690, « pour soutenir la guerre commencée l'année précédente,» il fut créé soixante offices de jurés-vendeurs de bestiaux. Ces fonctionnaires d'un nouveau genre servaient d'intermédiaires officiels entre les marchands forains et les bouchers. Ils achetaient les bestiaux aux uns et les revendaient aux autres avec un bénéfice légal et fixe d'un sou par livre. Cette institution, qui

(1) Eur. de T. Ed. Daire, II, 316.

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n'était qu'un impôt déguisé, puisque lesdits jurés-vendeurs avaient versé la finance de leurs offices dans les coffres du Trésor, avait pour effets principaux d'entraver le commerce de la boucherie et de renchérir la viande. Sur les représentations des marchands forains et des bouchers, les jurés-vendeurs furent supprimés le 11 mars de la même année. Au bout de dix-sept ans, en 1707, pendant la désastreuse guerre de succession d'Espagne, l'impôt supprimé reparut sous un autre nom. On créa cent offices de conseillers trésoriers de la Bourse des marchés de Sceaux et de Poissy. Ces nouveaux personnages tenaient bureau ouvert tous les jours de marché, pour avancer aux marchands forains le prix des bestiaux par eux vendus aux bouchers; ils étaient en même temps autorisés à percevoir le sou pour livre de la valeur de tous les bestiaux vendus, même de ceux dont ils n'auraient pas avancé le prix. Cette institution fut de nouveau supprimée à la paix.

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Trente ans après, « les dépenses d'une nouvelle guerre engagèrent, à la fin de 1743, le gouvernement à employer la même ressource de finance, qui fut encore appuyée du même prétexte. On supposa qu'il était nécessaire de faire diminuer le prix des bestiaux, en mettant les marchands forains en état d'en amener un plus grand nombre. On prétendit, que le moyen d'y parvenir était de les faire payer en deniers comptants, et que cet avantage ne serait pas acheté trop cher par la retenue d'un sou pour livre. » Mais la caisse fut dispensée d'avancer le prix des bestiaux qu'achèteraient des bouchers d'une solvabilité suspecte. En 1747, on ajouta 4 sous pour livre au sou pour livre précédent. Le droit ainsi augmenté fut prorogé en 1755 et en 1767. Enfin, en 1776 il faisait encore partie des revenus de l'État.

Cet exposé suffit amplement à démontrer combien cet impôt était inutile, illogique et onéreux. Sous prétexte de diminuer le prix de la viande, on renchérissait de plus de 15 livres le prix de chaque bœuf. Pour assurer un paiement comptant aux marchands forains, on imposait aux bouchers solvables l'intérêt d'une avance dont ils n'avaient nul besoin, et on refusait ce crédit à ceux qui en avaient besoin, tout en les forçant à payer un service qu'on ne leur rendait pas.

Turgot supprima la caisse de Poissy. Toutefois, la pénurie du Trésor ne lui permit pas de supprimer entièrement les droits qu'elle percevait. Il les diminua du moins, les simplifia, les transforma en droits perçus à l'entrée des bestiaux. Il laissa. espérer pour l'avenir une entière suppression.

La sixième décision (1) que Turgot soumit à l'approbation du

(1) Eur. de T. Ed. Daire, II, 221.

Conseil fut présentée par lui sous forme de lettres-patentes. Cet acte portait conversion et modération des droits sur les suifs. Le commerce des suifs était assujetti depuis le xvre siècle aux règlements les plus étranges. Il n'était pas permis aux bouchers qui fondaient des suifs d'en garder chez eux ou de les fondre librement. Il n'était point permis davantage aux chandeliers de s'approvisionner de la quantité de suif qu'ils jugeaient nécessaire à leur fabrication. « Les suifs devaient, à certains jours fixes, être exposés en vente, et lotés entre les maîtres chandeliers, qui ne pouvaient les payer qu'à un prix uniforme, à peine d'amende. » Les suifs étrangers étaient soumis aux mêmes prescriptions, et chargés en outre à leur entrée en France de droits considérables, diminués il est vrai depuis 1768.

Turgot rendit liberté entière au commerce des suifs. Il supprima le droit d'un sou pour livre établi sur la vente des suifs dans l'intérieur de Paris, et le remplaça par un droit sur les bestiaux. Il diminua notablement les droits établis à l'importation des suifs étrangers.

Tels sont les six édits, d'importance inégale, dont la préparation avait occupé Turgot pendant la fin de l'année 1775 et qu'il présenta au roi au commencement de l'année 1776 (1).

(1) L'édit des corvées fut porté au Conseil le 6 janvier. On verra au chapitre vi que les autres édits ne furent sigués que le 5 et le 6 fevrier.

CHAPITRE IV

Les édits de Janvier (suite). Mémoire de Turgot au roi sur les édits. Observations de Miroménil sur les corvées. Réponses de Turgot.

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(Janvier 1776.)

En présentant les édits à Louis XVI, Turgot prévit qu'il n'en comprendrait peut-être pas le sens exact, ou qu'il écouterait trop aisément les objections qu'on ne manquerait pas de lui suggérer. Il les accompagna donc d'un mémoire ou plutôt de six mémoires distincts destinés à les justifier et à les expliquer (1). Le roi eut la faiblesse de soumettre cet écrit au garde des sceaux Miroménil, ennemi secret de Turgot. Miroménil l'annota d'un petit nombre d'observations qui nous ont été conservées. Suivons donc Turgot dans ses efforts pour éclairer et persuader le roi, en signalant au passage, s'il y a lieu, les critiques de son adversaire.

I. Comprenant très bien que, dans la suppression des corvées, la difficulté capitale est de soumettre les privilégiés à l'impôt, Turgot se hâte d'appeler sur ce point l'attention du monarque. Il prévoit, il montre d'avance l'opposition des privilégiés. « Tous ceux qui ont à délibérer sur l'enregistrement de la loi sont privilégiés, et l'on ne peut se flatter qu'ils soient tous au-dessus de cet intérêt personnel, qui n'est cependant pas fort bien entendu. Il est vraisemblable que ce motif influera secrètement sur une grande partie des objections qui seront faites. Il n'y aura même pas lieu d'être surpris que beaucoup avouent publiquement ce motif, ni même qu'ils trouvent des raisons spécieuses et savantes pour les colorer. La solution de cette difficulté est dans la justice de Votre Majesté, et dans sa ferme volonté de faire exécuter ce qu'elle lui a dicté. » Voilà le roi bien averti des motifs secrets de l'opposition parlementaire. Turgot le prémunit spécialement contre les réclamations que le clergé ne manquera pas de lui adresser. Il l'instruit en détail de toutes les précautions prises dans l'édit contre l'augmentation indéfinie de l'impôt. Il ajoute cependant cette phrase significative: « Je dois avouer à votre Majesté qu'il n'est aucune barrière insurmontable au pouvoir absolu. » Il termine par ces belles paroles: «Je m'attends

(1) Bur. de T. Ed. Daire, II, 237.

à être critiqué, et je crains peu les critiques, parce qu'elles ne tombent pas sur moi; mais il me paraît très important de donner aux lois que Votre Majesté porte pour le bien de ses peuples, ce caractère de raison et de justice qui seul peut les rendre durables. Votre Majesté règne par son pouvoir sur le moment présent. Elle ne peut régner sur l'avenir que par la raison qui aura présidé à ses lois, par la justice qui en sera la base, par la reconnaissance des peuples... » Régner sur l'avenir par la raison et la justice, c'était là assurément proposer à un souverain une noble et grande ambition.

II. La suppression de la police de Paris sur les grains inspire de même à Turgot des commentaires qui dévoilent toute sa pensée sur le rôle du Parlement, et lorsqu'on réfléchit que Miroménil, l'homme des Parlements, lut ces lignes, on s'explique plus aisément l'inimitié dont il poursuivit celui qui les avait écrites. En parlant des règlements de police sur les grains, Turgot déclare qu'ils sont un glaive toujours levé avec lequel les magistrats peuvent frapper, ruiner, déshonorer à leur gré tout négociant qui leur aurait déplu, ou que les préjugés populaires leur auraient dénoncé. » Il ajoute : « Ces règlements sont un titre pour autoriser les magistrats à faire, dans les temps de disette, parade de leur sollicitude paternelle, et à se donner pour les protecteurs du peuple en fouillant dans les maisons des laboureurs et des commerçants; enfin, c'est une branche d'autorité toujours précieuse à ceux qui l'exercent. - Aussi ces règlements, malgré leur absurdité et malgré leur inexécution habituelle, ont-ils toujours été chers aux principaux magistrats du Parlement. » La vivacité de ces paroles peut surprendre; mais il faut se rappeler qu'elles étaient adressées au roi dans un langage familier, et sur le ton de l'intimité. En tous cas, elles n'étaient que trop vraies, et le garde des sceaux ne trouva presque rien à y répondre. Il opposa la plus maigre annotation à ces vigoureuses et dures accusations. D'après lui, si les membres du Parlement sont attachés à ces vieux, règlements, ils pèchent par ignorance, non par intention. «Ils ont pu, dit-il assez lourdement. étendre l'erreur sur cet objet.., mais ils n'ont jamais eu ce motif » (1) (le motif indiqué par Turgot). ...

Dans le même mémoire, Turgot court au-devant d'une critique qui lui avait été adressée par Trudaine et pouvait se renouveler. Ce dernier avait trouvé trop long le préambule de l'édit, qui, on se le rappelle, contenait l'énumération des vieux règlements de police sur les grains. Il est absolument nécessaire, fait observer le ministre, de mettre sous les yeux du public le détail des règlements qu'on supprime, afin qu'il sache ce qu'on supprime et qu'il en

(1) Euv. de T. Ed. Daire, II, 244.

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