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mort le 22 septembre, à treize heures (entre huit et neuf heures du matin), c'est à dire au moment précis où le serviteur de Dieu avait agité sa sonnette. »

Tel est ce récit dont Rome, si difficile en matière de miracles et qui ne les constate qu'après les avoir mûrement examinés, accepte la responsabilité dans les actes de la canonisation d'Alphonse de Liguori. Rome l'a discuté; Rome a prononcé ; cette bilocotion est un fait historique.

Liguori assistait le Pape Clément XIV à ses derniers moments, et cette intervention, dont Ganganelli seul eut connaissance, dont seul il ressentit les mystérieux effets, fit régner le calme et sans doute l'espérance dans son cœur si violemment agité. On l'avait forcé à créer in petto onze cardinaux imposés par les ennemis de la Société de Jésus. Malvezzi veut profiter de cette sérénité dont il n'a pas le secret. Il supplie le Pape d'achever son œuvre en confirmant les promotions qui seront nécessaires aux puissances dans le prochain Conclave. La justice était enfin descendue sur la tête du Pontife. Il avait la conscience du prodige que le ciel accomplissait en sa faveur,; il s'en montra digne en refusant d'accéder à la demande du Cardinal. « Je ne le puis ni ne le dois, répondit-il, et le Seigneur jugera mes motifs.» Malvezzi et ses complices insistaient. «Non, non, s'écria le Pape, je vais à l'Éternité, et je sais pourquoi. >>

Ce refus, si extraordinaire dans un Souverain Pontife qui avait tant accordé, paraissait inexplicable. Il se fit avec un courage que semblait doubler l'approche des jugements de Dieu, et Ganganelli expira saintement comme il aurait toujours vécu s'il n'eût pas mis une heure d'ambition et un désir d'iniquité entre sa pourpre et la tiare.

A Rome, la mort n'amène jamais le jour des éloges comme dans le reste du monde. Les Égyptiens, de la

ville éternelle traînent inévitablement au tribunal de leurs sarcasmes le Pape que le trépas vient de soustraire à leur respectueuse familiarité. Ils se vengent de leur adoration en poursuivant, sa mémoire. Celle de Clément XIV fut insultée sans pitié; et tandis que le cri de la malédiction romaine se confondait avec les louanges intéressées que la secte philosophique faisait entendre sur ce tombeau entr'ouvert, un Jésuite, le P. Jules de Cordara, traçait cette page de ses Commentaires sur la suppression de la Compagnie. « Ainsi Clément XIV finit sa vie, ainsi il termina son court pontificat. Pape, s'il est permis de s'exprimer ainsi, plus malheureux que méchant, Pape qui aurait été admirable s'il eût vécu dans des temps meilleurs. Car il était recommandable par plusieurs qualités insignes de l'esprit. Il avait du savoir et des vertus. On trouvait en lui une sagacité profonde, principal mérite d'un Prince, à mon avis. Quoique au faîte des honneurs, il était doué d'une sagesse vraie, d'une rare modération. Doux, affable, bon, d'un caractère toujours égal, jamais précipité dans ses conseils, ne se laissant jamais aller aux excès de zèle. De la dignité dont il était revêtu, la plus grande sur la terre, il ne paraissait prendre qu'à l'extérieur le luxe qui l'entoure et les soins du gouvernement qui y sont attachés.

« Voyant les Princes imbus des opinions de Fébronius et remplis de préjugés sur l'autorité du Souverain Pontife, il crut arrêter leurs projets en se faisant à luimême ainsi qu'à l'Église deux graves blessures. La première fut la destruction de notre Institut; la seconde, plus profonde encore, plus difficile à guérir, fut la suppression en quelque sorte de cette Constitution à la fois si ancienne et si vénérable que l'on appelait la bulle in cana Domini. A elle seule, elle faisait la force du SaintSiége, elle le soutenait debout en face de l'univers catholique. Ces deux mesures perpétueront le souvenir du

pontificat de Ganganelli, mais ce souvenir sera toujours accompagné de larmes et de douleur. Un autre Pape, quel qu'il fût, et vivant comme Ganganelli dans ces temps mauvais, aurait-il agi autrement? Qui le sait? Sans doute le Pape, comme Pasteur suprême, a un pouvoir souverain et légitime sur tout le troupeau et sur les Rois eux-mêmes qui sont les fils de l'Église ; mais peut-il exercer ce pouvoir alors même que les Princes le combattent et lui déclarent la guerre? En ces temps malheureux, la puissance des Rois l'emportait de beaucoup sur celle du Pape. En un mot, si Ganganelli fit mal, du moins faut-il penser qu'une intention mauvaise ne présida point à son œuvre. »

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Un autre Jésuite, le P. Louis Mozzi, dans un ouvrage qui, vers cette époque, obtint une grande vogue en Italie, n'est pas moins respectueux envers la mémoire de Ganganelli. «On sait, dit-il (1), que Clément était disposé à renoncer même au pontificat plutôt que d'en venir à cette extrémité; il le déclara bien souvent, et toutefois il y est venu. Mais chacun en connaît-il bien le moment, la manière, la cause? O mes enfants! chers amis de la Compagnie qui n'est plus, honorez le souvenir d'un Pontife qui est moins indigne de votre estime qu'il ne mérite toute votre compassion. Ayez encore un peu de patience; tout se voit, mais on ne peut tout dire. Le temps propice n'est pas encore arrivé pour vous; il viendra, et il passera pour les autres. Ayons confiance en Dieu, et soyons-lui toujours fidèles. Dieu seul doit nous justifier. Réfléchissez aux conséquences de notre suppression, aux événements qui se succèdent chaque jour, et jugez s'il pouvait commencer à le faire d'une manière plus éclatante. »>

Voilà le dernier mot des Jésuites sur Clément XIV.

(1) I projetti degl' increduli a danno della Religione disvellati nelle opere di Frederico il grande, p. 103. (Assisi, 1791.)

Il résume les actes de sa vie, il les apprécie au point de vue de la charité sacerdotale et peut-être à celui de l'estime personnelle. C'est à la postérité à dire s'il lui est permis de ratifier un pareil jugement. Elle commence aujourd'hui seulement pour Ganganelli, car les éloges intéressés dont on a souillé sa mémoire, les soupçons qui s'élevèrent contre lui, tout maintenant est expliqué. Et l'on voit que sí son nom a été respecté et protégé jusqu'ici, c'est à des Jésuites qu'il doit ces derniers honneurs de l'histoire. Les adversaires de la Compagnie se gardent bien de rendre le même témoignage. « La personne du Souverain Pontife, ainsi s'exprime Gioberti (1), cesse d'être inviolable pour ces humbles moines aussitôt qu'elle leur devient quelque peu hostile, et Luther parle des Papes de son temps d'une manière moins blâmable que ne le firent certains écrivains de la secte au sujet de l'intemerato Clemente, parceque ce grand Pontife osa préférer le repos des États, le bien de la Religion, la tranquillité, la sûreté, la gloire de l'Église à l'avantage de la Compagnie. >>

Nous avons prouvé que ce quintuple but ne fut jamais atteint. On l'avait proposé à Ganganelli comme un mirage trompeur; il s'y laissa prendre. Ses souffrances morales sur le trône, les anxiétés de sa vie de Pape, les désespoirs de sa mort, tout révèle que l'intemerato Clemente n'est grand aux yeux des ennemis de l'Église que parcequ'il fut faible devant le Seigneur.

Six jours après ce trépas, le cardinal de Bernis, qui avait à prémunir le jeune roi Louis XVI contre les Jésuites, écrivait au ministre des affaires étrangères : « Le genre de maladie du Pape et surtout les circonstances de la mort font croire communément qu'elle n'a pas été naturelle... Les médecins qui ont assisté à l'ouverture du cadavre s'expriment avec prudence, et les chirurgiens (1) Proleg. del primato, p. 192.

avec moins de circonspection. Il vaut mieux croire à la relation des premiers que de chercher à éclaircir une vérité trop affligeante, et qu'il serait peut-être fâcheux de découvrir. >>

Le 26 octobre, les soupçons qu'il a laissé entrevoir se confirment dans son esprit, il veut les faire passer dans celui du Roi. Il mandė au ministre : « Quand on sera instruit autant que je le suis, d'après les documents certains que le feu Pape m'a communiqués, on trouvera la suppression bien juste et bien nécessaire. Les circonstances qui ont précédé, accompagné et suivi la mort du dernier Pape excitent également l'horreur et la compassion.... Je rassemble actuellement les vraies circonstances de la maladie et de la mort de Clément XIV, qui, vicaire de Jésus-Christ, a prié, comme le Rédempteur, pour ses plus implacables ennemis, et qui a poussé la délicatesse de conscience au point de ne laisser échapper qu'à peine les cruels soupçons dont il était dévoré depuis la semaine sainte, époque de sa maladie. On ne peut pas dissimuler au Roi des vérités, quelque tristes qu'elles soient, qui seront consacrées dans l'histoire. »

Les Philosophes connaissaient la correspondance de Bernis, ils savaient les inquiétudes qu'elle recèle; il était de leur avantage de les propager. D'Alembert essaie de faire peur à Frédéric II de la terrible milice qui, après avoir enseigné la doctrine du régicide, ose évoquer des Locustes jusque sous les lambris du Vatican. Le 15 novembre 1774, le roi de Prusse rassure en ces termes le sophiste français (1): « Je vous prie de ne pas ajouter foi légèrement aux calomnies qu'on répand contre nos bons Pères. Rien n'est plus faux que le bruit qui a couru de l'empoisonnement du Pape. Il s'est fort chagriné de ce qu'en annonçant aux Cardinaux la restitution d'Avignon, personne ne l'en a félicité, et de ce qu'une nou

(1) OEuvres philosophiques de d'Alembert, Correspondance, t. XVIII.

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