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point évadé, on entra dans la chambre où il était enfermé. On le trouva en prières à trois heures du matin, après une route longue et pénible. Les gardes, en le voyant dans cette posture, s'écrièrent involontairement: C'est un saint, c'est un saint! Enfin on arriva au fort de Seyne, et là il fut enfermé dans un donjon, sous un grenier, dont les fenêtres l'exposaient à toutes les injures de l'air. Pour diminuer la solitude et les ennuis de sa prison, de généreux amis s'offrirent à la partager avec lui, mais ils ne purent obtenir cette faveur. Le but de ses persécuteurs était de lasser sa constance, et de le déterminer par là à quitter son diocèse. Cependant son visage était noirci, ses yeux étaient enflammés par les ardeurs du soleil, le sang coulait de ses lèvres enflées et fendues; de violents maux de tête étaient causés par cette chaleur excessive, et la pluie des orages, en tombant sur ses habits et sa couche, avait ajouté à tant de maux un douloureux rhumatisme. Mais la paix du ciel qui régnait dans son âme ne s'altéra pas un instant; il supporta cette prison pendant un mois entier, attendant avec patience qu'il plût à ses juges de le faire paraître à leur tribunal. Pour obtenir cette faveur, il fut obligé d'écrire au président et au comité ecclésiastique de l'Assemblée nationale. Enfin, après cinquante jours de prison, on donna des ordres pour traduire le prisonnier devant le tribunal de Castellane. Alors la scène changea pour lui. Son transfèrement du fort de Seyne à cette dernière ville fut un véritable triomphe, et remplit son âme de consolations. Les habitants des campagnes accoururent sur son passage, pour lui demander sa bénédiction ou baiser ses vêtements, et tous criaient Voilà

notre véritable évéque, nous n'en voulons pas d'autre! et dans cette foule se trouvaient sans doute plusieurs de ceux qui avaient proféré des cris de mort. De plus grandes consolations lui étaient réservées sur sa route. Sa courageuse fermeté avait touché l'âme de certains prêtres du diocèse qui avaient eu la faiblesse de prêter le serment; ils se rétractèrent. Le curé et le vicaire de Tarlonne, sachant que l'évêque devait passer, s'empressèrent d'aller le consoler par l'hommage de leur conversion. L'évêque, accablé de fatigue après neuf heures de marche à travers les montagnes, s'était jeté sur son grabat, et commençait à sommeiller. Le curé obtint des gardes la permission d'entrer; en voyant l'évêque, il s'écria : « Monseigneur, je suis encore digne de vous; je me suis solennellement rétracté. » Jamais cri plus consolant n'avait réveillé M. de Bonneval. Il se leva aussitôt, se jeta au cou du curé en fondant en larmes. « C'est donc vous, mon cher curé, c'est vous que je retrouve et que j'embrasse dans une foi commune! Que je me réjouisse avec vous de votre retour à l'Église! Mes douleurs sont passées; non, je ne souffre plus; trop heureux que mes souffrances aient pu vous être utiles! »

Arrivé à Castellane, et présenté devant le tribunal de cette ville, il adressa à ses juges ces paroles avec le calme d'une conscience pure :

«< Appelé d'en haut, dit-il, pour conduire les âmes qui me sont échues en partage et pour les présenter un jour devant le tribunal de mon souverain juge, je comparais librement devant votre tribunal. Je déclare, en mon âme et conscience, que je crois fermement tenir mon ministère de Dieu, et non des hommes. Détaché

de toute autre chose et ne tenant qu'à Dieu, évêque de Senez par sa vocation et portant le caractère de son autorité pour en exercer les fonctions sacrées, j'ai cru ne pouvoir pas refuser aux lévites l'imposition des mains, aux simples fidèles les sacrements de force, à des enfants qui m'appelaient leur père le pain de la parole, les secours et les consolations de leur croyance. Tant que ma langue et mon bras droit seront libres, l'une servira pour évangéliser mon peuple, l'autre pour le bénir (1).

>>

L'évêque démontra ensuite qu'en agissant ainsi il n'avait pas contrevenu aux décrets de l'Assemblée, puisqu'en prêchant la foi il avait toujours eu soin de prêcher en même temps la paix, le respect pour l'ordre établi, et la soumission aux lois. La foule des spectateurs qui se pressait dans l'enceinte était vivement émue, les juges eux-mêmes étaient attendris par les nobles paroles de l'évêque; mais, intimidés par les menaces des agents envoyés de Paris, ils n'osèrent pas l'absoudre, et remirent au lendemain le prononcé du jugement. L'évêque fut condamné à l'exil. Graces en soient rendues à Dieu! dit-il en entendant la sentence. C'était un autre saint Cyprien.

L'évêque fut remis de nouveau entre les mains de ses gardes; car le jugement de Castellane devait être confirmé par les juges de Barcelonette. Arrivé dans

le

pays, il se disposait à paraître encore une fois devant les juges, lorsque l'amnistie dont nous parlerons bientôt mit fin à cette persécution. Mais l'entrée de son diocèse lui fut interdite. Voyant qu'il ne pourrait y

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 114.

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rentrer de sitôt, il se retira à Nice, où se trouvaient déjà plusieurs évêques exilés pour la cause de la foi.

Nous nous contentons de ces traits, car l'histoire ne suffirait pas pour raconter toutes les douleurs de l'épiscopat français. Dénoncés par l'Assemblée nationale, persécutés par les administrations départementales, les évêques étaient journellement en proie à des attroupements séditieux, à la fureur des clubs, aux menaces et aux outrages de la multitude, et se virent forcés, bon gré mal gré, à quitter leurs diocèses et leur patrie. Mais, quoique éloignés de leur troupeau, ils continuèrent de l'instruire, de le consoler, et de le prémunir contre le schisme.

Pendant qu'on persécutait dans les départements les prêtres et les évêques, on discutait dans l'Assemblée nationale des questions de haute politique qui devaient décider de l'existence de la monarchie. L'Assemblée nationale, par un décret du 21 juin, avait pris les rênes du gouvernement pendant toute l'absence du roi. Personne ne l'en avait blâmée; toute la France, au contraire, s'était empressée d'y donner son assentiment, parce qu'on comprenait le besoin d'un gouvernement quelconque dans un moment si critique, où les passions s'étaient exaltées à un point extrême.

Le 25 juin, jour où le roi arrivait à Paris de son malheureux voyage de Varennes, elle fit un nouveau décret par lequel elle s'adjugeait la continuation du même pouvoir, qui rendait par conséquent ses décrets exécutoires sans la sanction du roi. Ce même décret donnait au roi et à la reine une garde qui n'était pas sous leurs ordres, et au Dauphin une garde et un gouverneur nommé par l'Assemblée nationale. Il or

donnait, en outre, de mettre en état d'arrestation tous ceux qui avaient accompagné la famille royale, et de recevoir du roi et de la reine une déclaration sur les motifs de leur fuite. L'Assemblée se réservait de prendre ensuite les résolutions qu'elle jugerait nécessaires (1). Malouet avait combattu ces mesures avec toute la force de son éloquence, mais ses efforts avaient été inutiles; le décret fut adopté par la grande majorité de l'Assemblée. De cette sorte le roi n'était plus qu'un fantôme, suspendu de ses fonctions, gardé aux Tuileries, ainsi que la reine et le Dauphin, par des soldats qui n'étaient point à leurs ordres. Le roi n'avait plus même le droit de surveiller l'éducation de son propre fils; son inviolabilité, inscrite dans la constitution, était anéantie, ou plutôt la constitution était déchirée dans un de ses points les plus essentiels. Malouet l'avait dit.

Ce décret, qui anéantissait le pouvoir du roi et qui le mettait tout entier entre les mains de l'Assemblée, déplaisait aux deux partis : à celui de la royauté, comme à celui de la démocratie. Les membres du côté droit se réunirent, et rédigèrent une protestation adressée à l'Assemblée nationale, qui n'en permit pas la lecture (2); cependant elle fut imprimée. Nous y lisons le passage suivant :

«La personne sacrée du roi était déclarée inviolable..... et cependant le roi est traîné comme un criminel dans sa capitale; on le constitue prisonnier dans son palais, on le dépouille de sa prérogative..... Au milieu de ces outrages faits au monarque, à son au

(1) Moniteur, séance du 25 juin 1791.

(2) Ibid., séance du 5 juillet 1791,

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