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trouvent en contradiction et anéantis par ce bref de destruction. Il est vrai que, si l'on veut montrer qu'il a été nécessaire d'en venir là, colorant cette destruction du spécieux prétexte de la paix, laquelle ne pouvait subsister avec la Compagnie subsistante, ce prétexte, très saint Père, pourra tout au plus suffire pour détruire tous les corps jaloux de cette Compagnie, et la canoniser elle-même sans autre preuve; et c'est ce prétexte-là même qui nous autorise, nous, à former dudit bref un jugement très juste, mais fort désavantageux.

<< Car quelle peut être cette paix qu'on nous donne pour incompatible avec cette Société ? Cette réflexion a quelque chose d'effrayant, et nous ne comprendrons jamais comment un tel motif a eu la force d'induire Votre Sainteté à une démarche aussi hasardée, aussi périlleuse, aussi préjudiciable. Certainement la paix qui n'a pu se concilier avec l'existence des Jésuites est celle que Jésus-Christ appelle 'insidieuse, fausse et trompeuse; en un mot, celle à qui l'on donne le nom de paix et qui ne l'est pas : Pax, pax, et non erat pax; cette paix qu'adoptent le vice et le libertinage, la reconnaissant pour leur mère; qui ne s'allia jamais avec la vertu, qui, au contraire, fut toujours ennemie capitale de la piété. C'est exactement à cette paix que les Jésuites, dans les quatre parties du monde, ont constamment déclaré une guerre vive, animée, sanglante et poussée avec la dernière vigueur et le plus grand succès. C'est contre cette paix qu'ils ont dirigé leurs veilles, leur attention, leur vigilance, préférant des travaux pénibles à une molle et stérile oisiveté. C'est pour l'exterminer qu'ils ont sacrifié leurs talents, leurs peines, leur zèle, les ressources de l'éloquence, voulant lui fermer toutes les avenues par où elle tenterait de s'introduire, et de porter le ravage dans le sein du Christianisme, tenant les âmes sur leurs gardes pour les en affranchir; et, lorsque, par malheur,

cette fatale paix avait usurpé du terrain, et s'était emparée du cœur de quelques Chrétiens, alors ils l'allaient forcer dans ses derniers retranchements, ils l'en chassaient aux dépens de leurs sueurs, et ne craignaient point de braver les plus grands dangers, n'espérant d'autre récompense de leur zèle et de leurs saintes expéditions que la haine des libertins et la persécution des méchants.

« C'est de quoi l'on pourrait alléguer une infinité de preuves non moins éclatantes, dans une longue suite d'actions mémorables, qui n'a jamais été interrompue depuis le jour qui les vit naître jusqu'au jour fatal à l'Église qui les a vu anéantir. Ces preuves ne sont ni obscures ni même ignorées de Votre Sainteté. Si donc, je le redis encore, si cette paix qui ne pouvait subsister avec cette Compagnie, et si le rétablissement d'une telle paix a été réellement le motif de la destruction des Jésuites, les voilà couverts de gloire, ils finissent comme ont fini les Apôtres et les Martyrs; mais les gens de bien en sont désolés, et c'est aujourd'hui une plaie bien sensible et bien douloureuse faite à la piété et à la vertu.

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« La paix qui ne pouvait se concilier avec l'existence de la Société n'est pas aussi cette paix qui unit les cœurs, qui s'y entretient réciproquement, et qui prend chaque jour de nouveaux accroissements en vertu, en piété, en charité chrétienne, qui fait la gloire du Christianisme, et relève infiniment l'éclat de notre sainte Religion. Ceci ne se prouve pas, quoique la preuve en soit très facile, non par un petit nombre d'exemples que cette Société pourrait nous fournir depuis le jour de sa naissance jusqu'au jour fatal et à jamais mémorable de sa suppression, mais par une foule innombrable de faits qui attesteront que les Jésuites furent toujours et en tout temps les colonnes, les prometeurs et les infatigables défenseurs de cette solide paix. On doit se rendre à

l'évidence des faits qui portent avec eux la conviction dans tous les esprits.

«< Au reste, comme je ne prétends pas faire dans cette lettre l'apologie des Jésuites, mais seulement mettre sous les yeux de Votre Sainteté quelques-unes des raisons qui, dans le cas présent, nous dispensent de lui obéir, je ne citerai ni les lieux ni les temps, étant chose très facile à Votre Sainteté de s'en assurer par elle-même et ne pouvant les ignorer.

« Outre cela, très saint Père, nous n'avons pu remarquer sans frayeur que le susdit bref destructif faisait hautement l'éloge de certaines personnes dont la conduite n'en mérita jamais de Clément XIII, de sainte mémoire; et, loin de cela, il jugea toujours devoir les écarter et se comporter à leur égard avec la plus scrupuleuse réserve.

«Cette diversité de jugement mérite bien qu'on y fasse attention, vu qu'il ne jugeait pas même dignes de l'honneur de la pourpre ceux à qui Votre Sainteté semble souhaiter celui de la tiare. La fermeté de l'un et la connivence de l'autre ne se manifestent que trop clairement. Mais enfin on pourrait peut-être excuser la conduite du dernier, si elle ne supposait pas l'entière connaissance d'un fait qu'on ne peut tellement déguiser qu'on n'entrevoie ouvertement qu'il a dirigé la plume dans la confection du bref.

«En un mot, très saint Père, le Clergé de France étant un corps des plus savants et des plus illustres de la sainte Église, lequel n'a d'autre vue ni d'autre prétention que de la voir de jour en jour plus florissante; ayant mûrement réfléchi que la réception du bref de Votre Sainteté ne pouvait qu'obscurcir sa propre splendeur, il n'a voulu ni ne veut consentir à une démarche qui, dans les siècles à venir, ternirait la gloire en possession de laquelle il se maintient ne l'admettant pas; et il prétend,

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par sa très juste résistance actuelle, transmettre à la postérité un témoignage éclatant de son intégrité et de son zèle pour la Foi catholique, pour la prospérité de l'Église romaine et en particulier pour l'honneur de son

chef visible.

« Ce sont là, très saint Père, quelques-unes des raisons qui nous déterminent, moi et tout le Clergé de ce royaume, à ne jamais permettre la publication d'un tel bref, et à déclarer sur cela à Votre Sainteté, comme je le fais par la présente lettre, que telles sont nos dispositions et celles de tout le Clergé, qui d'ailleurs ne cessera jamais de prier avec moi le Seigneur pour la sacrée personne de Votre Béatitude, adressant nos très humbles supplications au divin Père des lumières, afin qu'il daigne les répandre abondamment sur Votre Sainteté, et qu'elles lui découvrent la vérité dont on a obscurci l'éclat. »

L'Église de France, par l'organe de son plus illustre Pontife, refusait de s'associer à la destruction de la Compagnie de Jésus. Elle donnait ainsi au Pape un témoignage de sa Foi et de sa respectueuse fermeté. Peu d'années après, quand Clément XIV fut descendu dans la tombe, il trouva parmi les membres du Sacré Collége des juges qui, à leur tour, se prononcèrent contre lui. Pie VI avait, en 1775, demandé aux Cardinaux leur avis aù sujet de l'Institut détruit. Antonelli, l'un des plus savants et des plus pieux (1), òsa écrire ces lignes, foudroyante accusation que de douloureux regrets, que l'im

(1) Le cardinal Léonard Antonelli était neveu du cardinal Nicolas Antonelli, secrétaire des brefs sous Clément XIII. Léonard, préfet de la Propagande et doyen du Sacré Collége, partagea avec Consalvi la confiance de Pie VII. Il l'accompagna à Paris en 1804, et il fut emprisonné dans les dernières années du règne de Napoléon. Antonelli était une des lumières de l'Eglise. On a de lui une lettre aux évêques d'Irlande; son contenu prouve qu'il n'était pas aussi intolérant que cherchent à le représenter les biographes modernes.

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minence des périls courus par l'Église inspirèrent, et dont l'histoire, plus calme, accepte les sévérités. Le Cardinal romain et l'Archevêque français furent taxés d'exagération par leurs contemporains. En présence des documents que nous avons évoqués, cette exagération elle-même n'est plus qu'un hommage rendu à la vérité. Antonelli s'exprime ainsi : « On n'examine pas s'il a été permis ou non de souscrire un tel bref. Le monde impartial convient de l'injustice de cet acte. Il faudrait être ou bien aveugle, ou porter une haine mortelle aux Jésuites pour ne pas s'en apercevoir. Dans le jugement qu'on a rendu contre eux, quelle règle y a-t-on observée ? Les a-t-on entendus? Leur a-t-on permis de produire leur défense? Une telle manière d'agir prouve qu'on a craint d'évoquer des innocents. L'odieux de pareilles condamnations, en couvrant les juges d'infamie, fait honte au Saint-Siége même, si le Saint-Siége, en anéantissant un jugement si inique, ne répare son honneur.

«En vain les ennemis des Jésuites nous prônent-ils des miracles pour canoniser le pref avec son auteur (1);

(1) Il est très vrai que les Jansénistes et les Philosophes annoncèrent que des miracles se faisaient par l'intercession de Ganganelli, ét qu'ils parlèrent même de le béatifier. Cette protection, accordée à un Pape par les incrédules et par les sectaires, ne devait pas recommander sa mémoire auprès du Saint-Siége; mais Clément XIV n'a jamais mérité cet excès d'indignité. H s'est trouvé dans une position inextricable, entre deux partis également animés ; il a favorisé l'un au détriment de l'autre. A son tribunal, et malgré lui, l'impiété l'a emporté sur le zèle; il a donc dû aussitôt devenir, pour les Encyclopédistes, un grand citoyen. Il flétrissait, il proscrivait les Jésuites, sans examen, sans avoir entendu leur défense: on en fit un Pape modèle de fausse tolérance et d'humanité. Les Catholiques exaltés s'irritèrent de se voir abandonnés. Ganganelli semblait prendre en dédain leurs réclamations; eux, ne tenant pas assez compte de la situation, adressèrent à ce Pontife des reproches pleins d'amertume. On le calomnia dans les deux camps : ic', en lui accordant des vertus chimériques; là, en faisant servir son esprit de

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