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Pontife. L'audace pleine de jactance espagnole de Florida-Blanca le consternait: sous son influence il ne sut que trembler et se plaindre de la torture qu'on lui faisait subir.

L'ambassadeur de Charles III avait intimidé ou séduit à prix d'or les serviteurs du Pape : il le dominait par la crainte; et, quand Clément XIV suppliant sollicitait un nouveau délai : « Non, Saint Père ', s'écriait-il. C'est en arrachant la racine d'une dent qu'on fait cesser la douleur. Par les entrailles de Jésus-Christ, je conjure Votre Sainteté de voir en moi un homme plein d'amour pour la paix; mais craignez que le Roi mon maître n'approuve le projet adopté par plus d'une cour, celui de supprimer tous les Ordres religieux. Si vous voulez les sauver, ne confondez pas leur cause avec celle des Jésuites. Ah! reprenait Ganganelli, je le vois depuis long-temps, c'est là qu'on en veut venir! On prétend plus encore: la ruine de la Religion catholique, le schisme, l'hérésie peut-être, voilà la secrète pensée des princes. » Après avoir laissé échapper ces plaintes douloureuses, il essayait sur Florida-Blanca la séduction d'une confidence amicale et d'une douce naïveté. L'objet de tant de soins y résistait avec une inflexibilité stoïque. Forcé de renoncer à cette ressource, Clément cherchait à éveiller la pitié de son juge: il parlait de sa santé, et l'Espagnol laissait percer une incrédulité si désespérante que le malheureux Ganganelli, rejetant en arrière une partie de ses vêtements, lui montra un jour ses bras nus couverts d'une éruption dartreuse. Tels étaient les moyens employés par le Pape pour fléchir l'agent de Charles III. C'est ainsi qu'il lui demandait la vie. »

Dépêche de Florida-Blanca au marquis de Grimaldi, 16 juillet 1772. de la chute des Jésuites, par le comte de Saint-Priest, p. 153.

Histoire

Le Vatican étonné voyait chaque jour se renouveler de pareilles scènes sous ses voûtes, où tant de papes, fiers de leur dignité et de leur bon droit, avaient tenu tête aux monarques les plus absolus. Florida-Blanca s'était imposé la mission de dompter les scrupules de Clément XIV, et de condamner le Vicaire de JésusChrist à une iniquité raisonnée. Bernis se taisait; mais devant ce vieillard à la frêle stature se dressait à chaque heure l'Espagnol au port majestueux. Florida semblait l'écraser de toute sa force physique. Implacable comme la fatalité, il poursuivait sa victime de détour en détour, et ne lui accordait aucun repos. En lisant cette persécution inouïe, en l'étudiant dans ses plus minutieux détails, on n'a plus besoin de chercher quel fut le meurtrier de Clément XIV, s'il en eut un. Ganganelli n'est pas mort sous le poison des Jésuites; il a été tué par les violences de Florida-Blanca.

Une seule fois cependant le malheureux Pontife recouvra, dans l'indignation de son âme, un reste d'énergie. Le plénipotentiaire espagnol lui faisait ce jour-là entrevoir qu'en échange de la bulle de suppression les couronnes de France et de Naples s'empresseraient de rendre au Siége apostolique les villes d'Avignon et de Bénévent, séquestrées par elles. Ganganelli se rappela enfin qu'il était le Prêtre du Dieu qui chassait du temple les vendeurs, et il s'écria: « Apprenez qu'un Pape gouverne les âmes, et n'en trafique pas. » Ce fut son dernier éclair de courage. Le Souverain Pontife tomba affaissé sous cet élan de dignité. Depuis ce moment, il ne se releva que pour mourir.

De tous les princes catholiques ayant alors une prépondérance réelle en Europe, Marie-Thérèse d'Autriche était la seule qui s'opposait avec efficacité aux désirs de

Charles III et au vou le plus cher des Encyclopédistes. Le roi de Sardaigne, la Pologne, les électeurs de Bavière, de Trèves, de Cologne, de Mayence, l'électeur palatin, les cantons suisses, Venise et la république de Gênes s'unissaient à la cour de Vienne pour s'opposer à la destruction de la Compagnie. Charles III se fit lui-même auprès de Marie-Thérèse l'interprète de ses tourments: il la supplia de lui accorder cette satisfaction. L'empereur Joseph II, fils de cette princesse, n'avait pour les Jésuites ni haine ni affection; mais il convoitait leurs richesses. Il promit de décider sa mère si on lui garantissait la propriété des biens de l'Ordre. Les Bourbons ratifièrent ce marché, et l'Impératrice céda en pleurant aux avides importunités de son fils'.

Le Pape avait espéré peut-être que Marie-Thérèse résisterait plus long-temps, et que, femme pleine de courage et de vertus, elle compatirait à ses douleurs comme homme, à ses anxiétés comme Souverain Pontife. Cette

Le conventionnel abbé Grégoire, à la page 170 de son Histoire des confesseurs des rois, ne raconte pas ainsi cette transaction; il dit : « Lors du premier partage de la Pologne, en 1773, l'impératrice Marie-Thérèse consulta son confesseur, le Père Jésuite Parhamer, sur la justice d'une opération où elle était co-partageante. Il crut devoir à ce sujet consulter ses supérieurs, et il écrivit à Rome. Wilseck, ministre d'Autriche près la cour romaine, qui soupçonna cette correspondance, parvint à se procurer une copie de la lettre de Parhamer et l'envoya sur-le-champ à Marie-Thérèse. Dès ce moment, elle n'hésita plus à faire cause commune avec les gouvernements qui sollicitaient auprès de Clément XIV l'abolition de la Société jésuitique. »

Grégoire n'a pas inventé ce récit, il l'a copié à la page 152 du Catechismo dei Gesuiti, mais il a pourtant assez de conscience pour réprouver celle que le comte de Gorani publia en 1793, dans le deuxième volume, page 59, de ses Mémoires secrets des gouvernements. Dans cet ouvrage, dont la date seule de la publication est presque une honte, Gorani prétend que ce n'était point une simple lettre qui fut saisie à Rome, mais la confession générale de Marie-Thérèse, que son confesseur faisait passer au Général de l'Ordre. Charles III, ajoute-t-il, se l'étant procurée, la transmit à l'impératrice, pour la décider à faire supprimer les Jésuites.

L'abbé Grégoire a lui-même flétri cette fable. Nous dédaignerons donc de nous y arrêter, mais la version adoptée par le conventionnel n'a pas un fondement plus solide. Elle pèche par la base, car jamais le Père Parhamer ne fut confesseur de MarieThérèse. Il avait été celui de son époux, l'empereur François I", et, avant comme après la suppression, il resta toujours à Vienne dans la faveur de cette princesse et de Joseph II, son fils.

dernière chance lui était enlevée. Clément XIV n'avait plus qu'à courber la tête: il se résigna à l'iniquité. Quand l'infortuné vieillard en eut pris son parti, il laissa les Jésuites devenir la proie de leurs ennemis. Tout était d'avance combiné pour ce jour si impatiemment attendu. Afin de motiver la destruction d'un Ordre dont l'Église avait si souvent exalté les services, on essaya de le déconsidérer en lui intentant des procès que les juges étaient disposés à lui faire perdre, sous quelque prétexte que ce fût. Alfani, un de ces monsignori laïques qui n'ont rien de commun que l'habit avec le sacerdoce, était le magistrat délégué pour condamner les Jésuites. On leur suscita tant de chicanes, on essaya si bien de leur persuader qu'il n'y avait plus à Rome de justice pour eux, qu'ils ne crurent pas devoir prendre la peine de se défendre. Le 19 janvier 1773 le Père Garnier constatait ce découragement, né de l'impuissance de leurs efforts. Il écrivait: « Vous demandez pourquoi les Jésuites ne se justifient pas ils ne peuvent rien ici. Toutes les avenues, soit médiates, soit immédiates, sont absolument fermées, murées et contre-murées. Il ne leur est pas possible de faire parvenir le moindre mémoire. Personne ici ne pourrait se charger de le présenter. »

Quelques exemples de cette iniquité réfléchie, arrachés aux dossiers de tant d'incompréhensibles procès, feront juger des moyens mis en jeu. Un Prélat, frère du Jésuite Pizani, était mort vers cette époque. Le Jésuite ne pouvait pas hériter. Un autre de ses frères, chevalier de Malte, lui écrit pour le prier de veiller à ses intérêts. A peine est-il de retour à Rome que la cupidité et les ennemis de l'Institut lui font naître l'idée que le Père a détourné à son profit une partie de la succession. Elle aurait dû être commune si les vœux du Jésuite n'y eus

sent mis obstacle. Le Maltais dépose un mémorial aux pieds du Pape. Clément XIV donne Onuphre Alfani pour unique juge aux deux frères. Il procédera par voic économique, c'est-à-dire il ne rendra compte qu'au Pape de ses opérations. Le Jésuite n'avait pas fait établir un inventaire juridique, mais il possédait assez de titres légaux pour démontrer son innocence. Alfani en demande communication. Il les anéantit, et condamne le Collége Romain à payer 25,000 écus. Alfani avait prononcé sa sentence; à Rome l'appel et le droit de récuser un magistrat sont le privilége de tout accusé, un privilége dont jouissent les Juifs eux-mêmes. On le dénie aux Pères de la Société. On les dépossède en même temps du Collége des Irlandais, on attaque leur Noviciat et le College Germanique. Alfani ne siégeait point par hasard dans cette dernière affaire. Le College Germanique gagna sa cause; néanmoins la sentence ne reçut jamais d'exécution, car il fallait apprendre aux disciples de saint Ignace qu'ils étaient perdus.

Depuis Pie IV les Jésuites dirigeaient le Séminaire Romain. Cinq Papes et plus de cent Cardinaux étaient sortis de cette maison des fortes études. On les blâme de n'avoir pas administré avec plus d'épargne. Clément XIV nomme pour visiteurs les Cardinaux d'York, Marcfoschi et Colonna. Les deux premiers étaient ouvertement hostiles à la Compagnie. Les Jésuites font observer que les denrées augmentent chaque année, et que les revenus du Séminaire n'ont jamais suivi cette progression. Ils établissent la vérité de leurs dires par des chiffres irréfutables. Le 29 septembre 1772 on les expulse préventivement. Les visiteurs avaient constaté que les revenus suffisaient pour l'entretien. A peine les Pères sont-ils dépouillés que le Pape lui-même, en assignant une nou

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