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faisait des reproches au roi pour avoir voulu quitter son palais au milieu de la fermentation générale. Les corps constitués eux-mêmes se permirent de lui faire la leçon. Le même soir, le directoire du département lui présenta une adresse dans laquelle il lui dit :

<< On voit avec peine que vous favorisez les réfractaires (les prêtres), que vous n'êtes servi que par les ennemis de la constitution; et l'on craint que ces préférences, trop manifestes, n'indiquent les véritables dispositions de votre cœur (1). »

Le corps municipal arrêta également de faire une adresse qui contient les mêmes reproches que ceux du département.

Louis XVI eut la faiblesse de céder aux plaintes et aux remontrances. Il renvoya d'abord de sa chapelle les prêtres qu'on nommait réfractaires; il résolut ensuite d'éloigner de lui tout soupçon par une protestation solennelle en faveur de la constitution, et même de la constitution civile du clergé. En cela il agissait contre le cri de sa conscience, et sa conduite ne peut plus être excusée. Le lendemain 19 avril, il se rendit à l'Assemblée nationale, et s'étant placé à la droite du président, il prononça un discours dans lequel, après avoir renouvelé les témoignages de sa confiance en l'Assemblée, et rappelé les événements de la veille, il dit qu'il importe, pour la pleine liberté de sa sanction et de son acceptation, qu'il fasse le voyage qu'il avait projeté, et qu'il persiste dans l'intention d'aller à Saint-Cloud. « J'ai accepté, j'ai juré, ajouta-t-il, de << maintenir la constitution, dont la constitution civile

(1) Degalmer, Hist. de l'Ass. constit., t. II, p. 256.

<< du clergé fait partie, et j'en maintiendrai l'exécution « de tout mon pouvoir. »

Le roi fut vivement applaudi par le côté gauche; mais les membres de la droite, qui connaissaient les sentiments de Louis XVI, étaient attristés de voir son abaissement, et gardèrent le silence. Le président Chabroud, dans sa réponse au roi, ne manqua pas d'insinuer que les prêtres et les catholiques qui l'entouraient, et auxquels il avait donné sa confiance, ont été la cause de tout le désordre (1). Le côté droit, qui n'avait point applaudi, demanda avec instance qu'on prît des mesures pour que le roi pût aller à Saint-Cloud, selon ses désirs. La gauche se souleva, en proposant d'envoyer l'orateur à l'Abbaye; c'était M. Blacon. Enfin, on passa à l'ordre du jour. Tout le résultat de la séance fut d'imprimer le discours du roi et de le faire distribuer dans les départements, pour rassurer les esprits sur ses bonnes intentions.

La majorité de l'Assemblée aurait bien voulu laisser aller le roi à Saint-Cloud; elle sentait combien il était important, pour l'autorité de ses décrets, que le roi parût libre; mais elle n'osait pas affronter la résistance du peuple, dans la crainte d'avoir le dessous ; et elle l'aurait eu immanquablement dans cette circonstance. Les clubs, notamment celui des Cordeliers, avaient soulevé le peuple et gagné la garde nationale. Ce club ne s'endormit pas après la victoire; il fit répandre les placards les plus incendiaires, afficher partout une nouvelle dénonciation contre le roi, où il se répandait même en propos contre l'Assemblée nationale. Celle-ci n'aurait

(1) Moniteur, séance du 19 avril 1791.

pas osé se mesurer avec ce club dans ce moment d'effervescence. Un grenadier de la garde nationale ayant été accusé de s'être permis à la portière de la voiture du roi les propos les plus outrageants, fut accueilli par ce club, et couronné. Sa compagnie l'ayant chassé, ce club le prit sous sa protection. L'Assemblée nationale était impuissante; toute son autorité avait passé dans les clubs (1).

Le directoire du département avait aussi à cœur de laisser au roi un air de liberté; mais, avant de rien entreprendre, il voulut sonder l'opinion publique. Il se décida donc à consulter les sections de la capitale sur la question de savoir si l'on engagerait le roi à partir, ou si on le remercierait de n'être point parti. Toutes les sections répondirent qu'il n'y avait point lieu à délibérer; c'est-à-dire elles laissèrent le directoire dans son embarras. La section du Théâtre-Français, composée de plus de quatre cents citoyens actifs, fit assez connaître quel était l'esprit de ces sections.

«< Considérant, dit-elle, que le roi ne pouvait qu'alarmer la cité par un départ suspect, dans un moment où il s'est mis d'opinion et de fait en contradiction formelle avec la loi qu'il a sanctionnée lui-même, la garde nationale, qui a si éminemment réclamé l'effet de cette loi sainte, et qui l'a protégée de tout son patriotisme et de tout son courage, mérite les plus grands éloges, a arrêté qu'il n'y a lieu à délibérer sur la double question proposée par la municipalité de Paris, d'après l'ordre du département (2). »

(1) Hist. parlem., t. IX, p. 413, grande édition.
(2) Degalmer, Hist. de l'Ass. constit., t. II, p. 261.

Ainsi la garde nationale reçoit des éloges pour avoir désobéi; tous les torts sont du côté du roi. Les sections semblent être d'accord avec les clubs, du moins n'osent rien faire qui puisse leur déplaire.

La Fayette n'était pas du même avis; c'est-à-dire il ne croyait pas que la garde nationale méritât des éloges. Dans la soirée même du 18, il déclara au directoire et au corps municipal qu'ayant été pour la première fois un instrument inefficace de la loi, il devait se briser lui-même. Et il offrit sa démission, qui fut refusée (1). Mais quelques jours après, le 21 avril, il la mit à l'ordre du jour, ce qui fit une grande impression. Tous les bataillons s'assemblèrent; on se porta en foule chez la Fayette pour le supplier de retirer sa démission; le directoire et le corps municipal demandèrent la même grâce; plusieurs citoyens se mirent à genoux. La Fayette se laissa persuader, et reprit le commandement général, en faisant renouveler à la garde nationale le serment de fidélité à la loi et au roi. Cependant il n'osa mettre cette fidélité à l'épreuve pour le voyage de S. M. à Saint-Cloud. Le roi fut obligé de rester aux Tuileries. Il était peu rassuré. Croyant devoir dissiper les préventions, il fit une nouvelle protestation d'attachement à la constitution, par une lettre adressée aux ambassadeurs des cours étrangères ; lettre qui fut imprimée, et lue à l'Assemblée nationale, le samedi saint 23 avril, par le ministre Montmorin. On y remarquait les passages suivants :

<«<La nation souveraine n'a plus que des citoyens égaux en droit, plus de despote que la loi, plus d'or

(1) Récit exact; Hist. parlem., t. IX, p. 410, grande édition.

ganes que des fonctionnaires publics, et le roi est le premier de ces fonctionnaires. Telle est la révolution française... Le roi a dû adopter une heureuse constitution qui régénérait tout à la fois son autorité, la nation, la monarchie... Les ennemis de la constitution disent que le roi n'est pas libre: calomnie atroce, si l'on suppose que sa volonté a pu être forcée; calomnie absurde, si l'on prend pour défaut de liberté le consentement qu'a plusieurs fois exprimé Sa Majesté de rester au milieu des citoyens de Paris... La constitution... affermit l'autorité royale par les lois... elle fera le bonheur du roi. Le soin de la justifier, de la défendre, de la prendre pour règle de votre conduite, doit être votre premier devoir. >>

Le roi termine par ordonner aux ambassadeurs de faire connaître le contenu de cette lettre à leurs cours respectives.

La lecture de cette lettre, dans laquelle le roi semblait célébrer lui-même sa défaite, excita le plus vif enthousiasme parmi les membres du côté gauche. C'était une nouvelle victoire remportée sur la royauté. Les membres du côté droit étaient affectés d'un sentiment pénible en voyant le rôle qu'on faisait jouer au roi, rôle, il faut l'avouer, indigne d'un roi de France. Mais, dès qu'on se laisse dominer par la démagogie, les choses ne vont pas autrement.

Le roi s'abaissa encore davantage par un acte scandaleux que rien ne peut excuser, pas même le danger. Pour montrer son attachement à la constitution civile du clergé, et satisfaire aux réclamations d'une multitude forcenée, il alla, le jour de Pâques, entendre la messe du curé constitutionnel de Saint-Germain

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