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établies par Turgot, et qu'on appelait Turgotines. Quelques jours après, le théâtre de l'Ambigu joua un ballet-pantomime des Quatre Fils Aymon, et tout Paris y accourut pour voir les têtes des quatre preux tomber à la fois, au milieu des huées, sous la machine de Guillotin (1). Funèbre et redoutable ironie, à laquelle devaient répondre, deux ans plus tard, les hourras sanglans de la place de la Révolution!

Le romain

Guillotin

Qui s'apprête,

Consulte gens du métier,

Barnave et Chapelier,

Même le Coupe-Tête ;

Et sa main

Fait soudain

La machine

Qui simplement nous tuera,

Et que l'on nommera

Guillotine.

Actes des Apôtres, t. 1, no 10, p. 15, 16.

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Voici un couplet d'une autre chanson, rapportée par Camille Des

moulins :

C'est un mécanisme nouveau

D'un effet admirable.

Je l'ai tiré de mon cerveau

Sans me donner au diable.

Un décollé de ma façon,

La fari dondaine,

La fari don don,

Me dira, Monsieur, grand merci,

Biribi,

A la façon de Barbari,

Mon ami.

Révol. de France, t. 1, p. 575.

(1) Actes des Apôtres, n° 27, p. 12.

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L'invention de Guillotin sembla, en effet, oubliée pendant deux années. Le bourreau continua de rouer et de pendre, comme par le passé. Mais les philanthropes, qui attachaient le plus grand prix à la machine à décoller, ne la perdirent pas de vue. Guillotin avait remis, par ordre de l'Assemblée nationale, une exquisse de son mécanisme au collége de chirurgie; et après de nombreuses expériences faites sur des cadavres et sur des moutons vivans, et sur un rapport du docteur Louis, secrétaire perpétuel de l'Académie de chirurgie, l'Assemblée décréta, le 20 mars 1792, que la peine de mort aurait lieu désormais par décollation.

<«< Le criminel, dit le rapport joint au décret, sera couché sur le ventre entre deux poteaux barrés par le haut par une traverse, d'où l'on fera tomber sur le col une hache convexe au moyen d'une déclique. Le dos de l'instrument sera assez fort et assez lourd pour agir efficacement, comme le mouton qui sert à enfoncer des pilotis (1). » Un mois plus tard, le 25 avril, eut lieu, sur la place de Grève, la première exécution par la Guillotine, Roland étant ministre de l'intérieur; et, chose digne de remarque, Prudhomme, rédacteur des Révolutions de Paris, proposait, dès le 27, cette inscription pour la machine:

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre

N'en défend pas les rois (2) !

(1) Moniteur du 22 mars 1792, séance du 20. (2) Révol. de Paris, t. 12, p. 177.

Le décret du 2 novembre 1789 n'avait fait que décider, en principe, la vente des biens du clergé, jusqu'à concurrence de 400 millions. Il restait à réaliser cette vente, et le comité des dîmes en fit la proposition, le 9 avril 1790, par l'organe de son rapporteur. Le clergé, qui avait refusé 1,800,000 livres à M. de Brienne, offrit, le 12 avril, les 400 millions demandés par le comité, espérant sauver ainsi le reste de ses immenses possessions; mais les jacobins voulaient toute la proie. Ils appelèrent de nouveau leurs bandes autour de l'Assemblée (1); les capitalistes parisiens, dans la pensée de donner une plus large hypothèque à leurs créances sur l'Etat, joignirent leurs violences à celle des révolutionnaires pour dépouiller l'église, malgré l'observation, depuis trop bien vérifiée, de Cazalès, que toutes les propriétés se touchent, et que quand on en viole une on est près de les violer toutes (2); et, àl'aide des tribunes, qui mêlaient leurs cris aux cris de l'Assemblée; à l'aide des assassins, auxquels l'abbé Maury n'échappa que par un miracle (3), le comité secret des jacobins obtint, le 14 avril, le vote qu'il voulait.

(1) Actes des Apôtres, t. 5, no 147, p. 63.-Moniteur, t. 4, p. 112, Discours de M. de Foucault.

(2) Moniteur, t. 4, p. 118. Discours de Cazalès.

(3) Voir dans les Révol. de France, t. 2, p. 472, une gravure représentant la maison de la rue Ste-Anne, sur le toit de laquelle l'abbé Maury, poursuivi par les assassins, s'était réfugié; et dans le Moniteur, t. 4, p. 123, une lettre qui montre à quel point les tribunes de l'Assemblée appartenaient au public, et comment il y faisait lui-même la police.

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Voilà donc le clergé dépouillé de ses biens; les jacobins n'auront plus qu'à le dépouiller de son caractère ; et c'est ce qu'ils tenteront, toujours par les mêmes moyens, le 1er janvier 1791.

Cependant, si le clergé était abattu, la noblesse était encore debout. Les Lameth, qui dirigeaient alors les jacobins avec Barnave, méditèrent l'abolition de la noblesse. Etant du nombre de ces chefs élégans du parti populaire dont parle Mme de Staël, qui étaient décidés à prendre le pouvoir à tout prix (1), ils eurent recours à un moyen extraordinaire et inouï qui eût suscité, en un temps calme et parmi des hommes sérieux, un tonnerre de sifflets et de huées, mais qui, à cette époque passionnée, et parmi des esprits ampoulés et déclamatoires, excita un enthousiasme universel.

« On ramassa dans les rues de Paris, dit M. de Ferrières, soixante étrangers, vivant d'escroqueries. et d'intrigues, et on les décora du nom pompeux d'Envoyés de tous les peuples de l'univers; on les affubla d'habits d'emprunt; et, moyennant douze francs qu'on leur promit, ils consentirent à jouer le rôle qu'on leur destinait (2). » Voilà donc une députation de Prussiens, de Hollandais, de Polonais, de Russes, de Siciliens, de Suédois, d'Espagnols, de Brabançons, de Turcs, d'Arabes, d'Indiens, de Tartares, de Persans, de Chinois, de Mogols, de Chaldéens et d'Americains, qui fut admise, le 19

(1) Mme de Staël, Considérations sur la Révol. Franç., t. 1, p. 303. (2) Ferrières, Mém., t. 2, p. 65.

juin 1790, devant l'Assemblée nationale, conduite par M. le baron de Cloots du Val-de-Grâce, prussien(1), orateur du comité des étrangers. Dans une adresse d'un style ridicule, M. le baron de Cloots demandait, au nom du genre humain, qu'un grand nombre d'étrangers, de toutes les parties de la terre, fussent admis à se ranger, au milieu du Champ-de-Mars, à la fête de la fédération. Après le discours du baron prussien, qu'avaient interrompu, à plusieurs reprises, les applaudissemens de l'Assemblée et des tribunes, un Turc, dit le Moniteur, prit la parole; mais la difficulté avec laquelle il prononçait le français ne permit pas, ajoute ce journal, de recueillir sa harangue (2).

Cette mascarade grotesque jeta l'Assemblée dans un enthousiasme profond. « Les initiés, dit l'un des représentans, remplissaient la salle d'acclamations bruyantes; et les tribunes, ivres de joie de voir l'univers au milieu de l'Assemblée nationale,battaient

(1) Moniteur, t. 4, p. 675.

(2) Moniteur, t. 4, p. 675. — L'éditeur se plaint, dans une note de la page suivante, qu'on ait ridiculisé cet épisode, tandis que l'enivrement de l'Assemblée, à l'aspect de cette ambassade extraordinaire, fut à son comble, et que les tribunes battirent longtemps des mains. — Ce langage prouve que ce naïf éditeur ignorait que les Turcs et les Chaldéens de la députation venaient de la Cour des miracles, qu'ils avaient été costumés avec la défroque de l'Opéra; et que l'un d'eux, s'étant trompé de nom et d'adresse, alla, le lendemain, demander ses douze francs à M. de Biencourt, député de Guéret. - Voy. une lettre de M. de Guillermy, dans les Actes des Apôtres, t. 5, no 147,

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