صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني
[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

A la suite du bref de suppression et de la mort de Clément XIV, l'Europe catholique présentait un singulier spectacle. Les souverains respiraient; tant la victoire qu'ils venaient de remporter leur semblait illustre et décisive. Dans leur enfance, ils avaient vu leurs prédécesseurs plus occupés de jésuites ou de jansénistes que d'objets plus directs et plus importants. Deux intérêts avaient rempli les quarante premières années du xvIII° siècle la guerre et la bulle; encore dans ce partage inégal, l'attention publique s'était-elle moins attachée aux succès des généraux ou des négociateurs qu'aux billets de confession, aux refus de sacrements et aux jongleries des convulsionnaires. Élevés dans le tumulte de ces cris théologiques, les princes tels que Charles III et Louis XV en avaient gardé une impression pro

:

:

fonde et durable. Ces tracasseries grandissaient à leurs yeux de tout l'ennui qu'elles leur avaient causé, et comme jusqu'alors l'exercice paisible d'un pouvoir incontesté n'avait été troublé que par les discordes de l'école, on ne pouvait ni les négliger tout à fait ni leur opposer une neutralité dédaigneuse. Là, résidait la seule puissance visible qui n'émanât pas des rois; c'était un fait reconnu par eux-mêmes. Placés de la sorte, ils n'avaient qu'un parti à prendre adopter, protéger ce pouvoir comme l'avaient essayé leurs prédécesseurs ou l'écraser. Il ne leur restait pas de tempérament à choisir entre ces deux résolutions extrêmes; et certes amener un Bourbon à se déclarer contre les jésuites, c'est-à-dire contre des prêtres, était le dernier effort de l'ascendant de ce siècle. En face de pareils adversaires nul souverain catholique ne pouvait s'élever jusqu'au dédain. Aussi dès qu'ils eurent abattu quelques moines, ces princes éprouvèrent une grande joie. Libres de la seule crainte qui les atteignît, ils se reposèrent avec confiance sur l'avenir de leur autorité, qui, dans leur intime conviction, n'avait d'autre ennemi à combattre que le pape et sa milice.

Les ruines d'un vieux couvent leur semblaient

donc désormais la base inébranlable du pouvoir suprême! On est bien tenté de sourire d'une si étrange préoccupation, elle présente je ne sais quoi de trop simple à notre intelligence, et, pour parvenir à la comprendre, il faut se transporter dans ces jours d'illusions et d'espérances sans bornes qu'on vit précéder de quelques moments le coup de tonnerre qui les dissipa toutes.

Un bizarre contraste s'établit entre les jésuites et les philosophes : ceux-ci, jusqu'alors ennemis déclarés du saint-siége, entonnèrent un hymne à sa louange. Le pape devint le héros du Mercure, des Nouvelles à la main ; et tandis que sa mémoire était célébrée par des défenseurs auxquels on ne pouvait guère s'attendre, la société de Jésus et ses partisans lancèrent l'anathème sur Clément XIV. Il ne l'avait abandonnée qu'après un long combat; en la supprimant, il n'avait cédé qu'à une nécessité invincible; mais les jésuites ne pardonnèrent pas à l'infortuné pontife un sacrifice qui, pourtant, lui avait coûté la vie. Ces pères ne lui tinrent aucun compte de sa situation; ils ne sentirent que leur propre chute. Ulcérés, ils ne craignirent pas de traiter Rome en ennemie ; ils ne songèrent pas un instant au pré

judice que la foi recevrait de leur révolte. Au lieu de se soumettre avec cette humilité dont Fénelon leur avait donné l'habile exemple, ils mirent en doute la validité du bref; ils osèrent résister, ils frondèrent, ils attaquèrent le saint-siége sans souci du rire des philosophes et du mépris des dissidents. Leurs têtes et leurs langues ne connurent plus de frein. Dans leur fureur ils dépassèrent en hardiesse l'école de Voltaire. Un pape vertueux fut moqué, bafoué, traîné dans la boue par des jésuites. En revanche, par cette même loi qui les poussait au scandale, ils n'oublièrent rien de ce qui pouvait améliorer leur sort. Accablés de toute part, ils redoublèrent d'insinuations et de constance, inépuisable trésor qui se multipliait dans leur détresse. Ils trouvèrent hors des pays catholiques une ressource inespérée. Mais, avant de s'arrêter à ce bizarre épisode d'une si étrange épopée, il faut savoir quel fut le successeur de Clément XIV. Les jésuites et leurs partisans fondèrent les plus grandes espérances sur l'élection future. Ils se flattèrent qu'un pape détruirait l'ouvrage d'un pape; événement possible, puisqu'il est arrivé; mais qui n'était guère prochain, car ils avaient encore quarante ans à attendre.

Nous n'introduirons plus le lecteur dans l'enceinte du conclave. Il en a vu les ressorts, les ennuis et les passions. Cette fois encore l'Espagne parla avec empire; la France appuya ses démarches; Vienne resta neutre. Après une attente de cent trentehuit jours, Florida Blanca, soutenu par Bernis, décida l'élection. Le cardinal Pallavicini, porté par ces ministres, refusa avec une modestie sincère; il appartenait aux modérés. Le pape ne pouvait être choisi que dans leurs rangs; mais, pour réunir l'unanimité des suffrages, il devait être ami des princes, sans être ennemi des jésuites. Un noble extérieur, une vie libérale, même un peu fastueuse devait d'ailleurs signaler le successeur du rustique Clément XIV.Tout, jusqu'à sa modestie, était reproché à la mémoire de Ganganelli. Par une simplicité affectée, il avait terni, disait-on, la majesté des cérémonies pontificales, il avait dérouté la foi qui a besoin de signes visibles, il avait repoussé le concours des fidèles; dans le souverain pontife, il avait montré l'homme. Ces murmures ne se bornaient pas au cercle de la prélature ou de la haute noblesse; le peuple romain, le plus artiste des peuples, s'y associait de bonne foi. Rome avait soif d'un pontificat ami du luxe et des

« السابقةمتابعة »