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Église réclame ses droits. Si je calculais mes forces, << mon âge de soixante et onze ans, l'insuffisance de << mes talents, les menaces, la rage de la superstition << et de l'hypocrisie, les fureurs d'une cause criminelle « et détestable, je serais tenté de suspendre les effets <«< de ma bonne volonté; mais ce serait un scandale «< pour la nation, un scandale pour l'Église et pour

<< les amis éclairés de la constitution. J'obéis: Ecce «< ego, mitte me; Me voici, envoyez-moi. Comme Sa«<muel, j'obéis: Parlez, votre serviteur vous écoute... << Vous m'assignez, messieurs, pour l'exercice de mon «< zèle, une paroisse immense, sans pasteur aux yeux « de la loi. Qui peut douter que ce ne soit à la puis<< sance civile à distribuer les pasteurs selon le besoin? << Qui peut ignorer que la juridiction spirituelle vient «< immédiatement de Jésus-Christ; que, dans l'origine, <«< elle ne connaissait point les formes sagement éta<< blies depuis pour entretenir une juste subordination << dans l'Église? Avec cette double autorité, pourrais-je << avoir des doutes sur la canonicité de ma mission? « C'est avec le code éternel de l'Évangile à la main << que je me propose de travailler à rendre la paroisse « que vous me faites l'honneur de me confier, heureuse « en la rendant vertueuse. Puissé-je être bientôt le seul « pasteur de ma bergerie, unum ovile et unus pastor! << J'aime mes brebis, je les chéris, et m'offre pour el<«<les en holocauste (1).

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Jamais discours semblable n'avait encore été entendu à Notre-Dame. Les philosophes s'en réjouissaient; les chrétiens en étaient affligés jusqu'au fond de l'âme. Le

(1) Mémoires d'Auribeau, t. II, p. 803.

père Poirée donnera bientôt un nouveau scandale en prêtant l'église de l'Oratoire (24 février 1791) à Talleyrand, pour la consécration des premiers évêques schismatiques.

Cependant, malgré les instances de la municipalité, le père Poirée différait de prendre possession de son nouveau bénéfice. Il donnait pour raison que M. de Pansemont et ses vicaires avaient commencé à entendre les confessions pascales, et qu'il fallait leur donner le temps de finir leur ministère. En effet, la communauté, à travers mille avanies, s'occupait activement du devoir pascal, dont on avait devancé l'époque à cause des circonstances. Mais telle n'était pas la vraie raison de l'intrus; il en avait d'autres qu'il se gardait de faire connaître. Plein d'orgueil et d'amour-propre, il craignait de voir son église déserte, et d'être livré au mépris des paroissiens. Il attendait donc que les esprits fussent mieux préparés à le recevoir. On répandit pour cet effet une foule d'écrits populaires favorables au schisme. Mais ces écrits, qui pouvaient faire impression dans d'autres quartiers, ne produisirent aucun effet sur les paroissiens de Saint-Sulpice, qui se montrèrent aussi fidèles que leurs pasteurs. Le père Poirée ne put échapper au ridicule, car quand il vint prendre possession de son église, il n'y trouva, selon le témoignage d'un témoin oculaire, que cinq ou six personnes de la lie du peuple (1).

Il en fut de même dans toutes les paroisses de premier ordre, où la classe élevée et instruite dominait. Les curés y furent mal reçus, ou plutôt abandonnés par sy

(1) Mémoires d'Auribeau, t. II, p. 502.

les vrais paroissiens. Les églises des faubourgs présentaient un spectacle différent. La classe ouvrière n'était point irréligieuse, il s'en fallait beaucoup; mais elle ne faisait point de distinction entre la religion nouvelle et l'ancienne. Les points de juridiction, de pouvoirs, alors si controversés, étaient au-dessus de sa portée. Rien ne lui paraissait changé. Le peuple assistait au même culte, entendait prêcher le même dogme, la même morale, et ne voyait dans la constitution civile que la suppression de quelques diocèses et de quelques paroisses, qu'il regardait comme une affaire de simple. police extérieure. L'Assemblée l'avait assez dit. Il continua donc, du moins pendant quelque temps, d'assister aux offices comme à l'ordinaire. Une chose remarquable cependant, c'est que dès le commencement il donna aux nouveaux pasteurs le nom de constitutionnels, tandis qu'il conservait aux anciens celui de catholiques. Le peuple, malgré ses erreurs, ne se trompait point dans ses dénominations. La révolution changea ce nom en celui de réfractaires, dénomination aussi injuste qu'odieuse. Car en quoi le clergé était-il réfractaire? Nulle loi ne l'obligeait au serment. Mais on avait besoin de le faire passer pour rebelle, afin de le livrer à la fureur populaire. De là le mot de réfractaire, que l'Assemblée nationale n'eut pas honte d'employer ellemême (1).

(1) Il fut employé à l'Assemblée, pour la première fois, je crois, par Voidel, dans la discussion de la loi du serment. Voir plus haut, p. 55.

LIVRE XI.

Pendant les premiers mois de l'année 1791, la France présentait le spectacle le plus singulier sous le rapport religieux. On employait la baïonnette pour protéger le culte catholique déclaré libre; on l'employait encore pour installer les nouveaux curés que la loi avait laissés au libre choix des peuples. L'Assemblée nationale s'était fait une illusion complète sur l'esprit du clergé et sur celui des populations. Elle avait cru que la résistance viendrait seulement de la part des évêques, et que le clergé du second ordre, dont on avait eu soin d'améliorer le sort, s'empresserait d'adopter les nouveaux décrets. Elle eut lieu de s'apercevoir bientôt combien elle s'était trompée. Plus de deux tiers des ecclésiastiques ont refusé de reconnaître les nouveaux décrets. La proportion était bien moindre encore dans certains diocèses où l'esprit ecclésiastique s'était mieux conservé. Ainsi on a compté très-peu de défections dans les parties méridionales: la Guyenne n'en a vu qu'un très-petit nombre; on n'en trouvait dans le diocèse de Bordeaux que vingt-cinq sur quatre cents ecclésiastiques; dans le Languedoc, la proportion était environ d'un sur dix; à Alais, pas un seul n'avait prêté le serment; à Nimes, l'aumônier de la garde nationale

était le seul qui eût juré: il trouva dans le diocèse vingtquatre imitateurs sur cent soixante-dix-sept ecclésiastiques fonctionnaires. A Cambrai, onze curés et dix-huit vicaires firent une profession de foi digne des temps héroïques de l'Église. A Montpellier, à Uzès, à Toulouse, on éprouva une opposition presque générale. Dans le département de la Lozère, un seul s'est conformé à l'exigence de l'Assemblée. En Bretagne, on ne voulait pas entendre parler du serment aussi y comptait-on à peine une défection sur vingt ecclésiastiques. La Lorraine, qui, dans des temps antérieurs, avait tant combattu pour la conservation de la religion catholique, n'avait point dégénéré. A Nancy, on a éprouvé un refus absolu de tous les fonctionnaires publics; à Metz, on n'a vu que sept prêtres qui ont prêté le serment sur la totalité du clergé; à Reims, il n'y eut que trois jureurs sur quatorze curés et plus de soixante fonctionnaires publics; à Besançon, on en a compté sept sur cent vingt-trois. Le clergé alsacien s'est tenu à la hauteur du clergé breton; Strasbourg n'a fourni que deux jureurs sur quarante fonctionnaires publics : cette fidélité était due au bon esprit du clergé et aux efforts de son évêque. Saint-Omer n'eut pas une seule défection. De tout le clergé de Moulins, un seul curé avait juré le 9 février. Enfin, de l'est à l'ouest, du nord au midi, la grande majorité du clergé, au lieu de prêter le serment, adressait des protestations énergiques ou de solennelles rétractations, soit aux autorités du lieu, soit à l'Assemblée nationale.

Plus de cinquante mille ecclésiastiques résistèrent à tous les moyens de séduction, de menaces et de terreur, pour rester fidèles à Dieu. Quelle gloire et quelle

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