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La plupart de ces ouvrages étaient en dialogues. Le clergé y était peint sous des couleurs odieuses, propres à lui attirer le mépris du peuple: ses richesses, son luxe, son ambition, ses vices, y devenaient l'objet des plus violentes déclamations; tout cela entremêlé de quelques contes bien orduriers de moines et de religieuses, de filles et d'évêques, propres à égayer l'auditoire. Les deux interlocuteurs, montés sur des espèces de tréteaux, s'attaquaient réciproquement, animant leurs récits de gestes comiques. On juge que celui qui jouait le rôle d'avocat du clergé était fort bête; que son adversaire n'avait pas de peine à triompher des faibles raisons qu'il alléguait en faveur des prêtres, et à mettre les rieurs de son côté. Les révolutionnaires joignirent à ces instructions publiques des caricatures, encore plus appropriées aux hommes pour lesquels elles étaient destinées.

« On y voyait des prélats figurés de la manière la plus grotesque, revêtus des marques de leur dignité, auxquels des paysans pressaient un ventre monstrueux et faisaient rendre des sacs de louis; des moines et des religieuses dans des postures indécentes; des abbés avec des formes ridicules. Ces caricatures, exposées avec profusion sur les quais, les boulevards, les promenades publiques, allaient chercher les regards du peuple, et lui offraient de tous côtés les prêtres sous un aspect vil, fait pour leur faire perdre son estime et sa confiance (1). »

Voilà la réponse populaire qu'on fit aux mandements des évêques pendant les mois de janvier et de février. Aucune autorité ne peut résister à de pareils moyens.

(1) Mémoires de Ferrières, t. II, p. 210.

L'Assemblée nationale, au lieu d'arrêter ce débordement, qui attaquait l'honneur de toute une classe de citoyens, y contribua au contraire de tous ses moyens. Elle avait ordonné, par un décret du 7 janvier, une instruction au peuple, dans le but de l'éclairer sur les vrais principes de la religion, et d'atténuer l'effet des mandements épiscopaux. Mirabeau s'en était chargé, Mirabeau, qui ne connaissait pas le premier mot de la théologie. Aussi apporta-t-il, au lieu d'une instruction, un tas d'injures contre les prêtres et surtout contre les évêques. Il les représenta comme ennemis de l'ordre, comme des conspirateurs qui cherchaient à armer les peuples contre la révolution. Il avait lu sa prétendue instruction au comité ecclésiastique, et y avait reçu son approbation. Il la présenta, le 14 janvier, à l'Assemblée nationale, et en fit lui-même la lecture. Son principal but était de justifier l'Assemblée nationale sur deux principaux chefs d'accusation que produisaient les évêques : c'est, 1° d'avoir changé l'ancienne démarcation des diocèses, et réglé d'autres points de discipline sans l'intervention de l'autorité ecclésiastique; 2o d'avoir aboli l'ancienne forme de nomination des pasteurs, et de la faire déterminer par l'élection des peuples. « A ces points se rapportent, dit l'orateur, << toutes les accusations d'irréligion et de persécution « dont on voudrait flétrir l'intégrité, la sagesse et l'or«<thodoxie de vos représentants; ils vont répondre, << moins pour se justifier que pour prémunir les vrais << amis de la religion contre les clameurs hypocrites « des ennemis de la révolution. » (On applaudit.)

Pour justifier l'Assemblée sur le premier chef, il allégua la raison la plus absurde qu'il soit possible d'ima

giner. Il supposa plusieurs situations où peut se trouver le christianisme, celle où il a l'État contre lui, et celle où l'État lui accorde la tolérance dans ces deux cas, l'Église est libre, selon lui; elle règle sa discipline, fixe la limite de chaque diocèse, et pourvoit à la subsistance de ses ministres indépendamment de l'État, qui n'a rien à y voir. Mais il supposa une troisième situation où le christianisme est reçu par l'État, c'est-à-dire où il est adopté et sanctionné par l'État.

Dans ce cas, selon Mirabeau, l'Église perd sa liberté et son indépendance, et tombe sous la puissance de l'État. Il est curieux de l'entendre à ce sujet :

« Du moment, dit-il, que l'institution chrétienne, adoptée par la majorité de l'empire, a été allouée par la puissance nationale; du moment que cette même puissance, prenant sur elle toutes les charges de l'état temporel de la religion et pourvoyant à tous les besoins du culte et de ses ministres, a garanti, sur la foi de la nation et sur les fonds de son trésor, la perpétuité et l'immutabilité de l'acceptation qu'elle a faite du christianisme; dès lors cette religion a reçu dans l'État une existence civile et légale, qui est le plus grand honneur qu'une nation puisse rendrẻ à la sainteté et à la majesté de l'Évangile; et dès lors aussi c'est à cette puissance nationale qui a donné à l'institution religieuse une existence civile, qu'appartient la faculté d'en déterminer l'organisation civile, et de lui assigner sa constitution extérieure et légale. Elle peut et elle doit s'emparer de la religion selon tout le caractère public qu'elle lui a imprimé, et par tous les points où elle l'a établie en correspondance avec l'institution sociale. Elle peut et elle doit s'attribuer l'ordonnance du culte dans tout ce

qu'elle lui a fait acquérir d'extérieur, dans toute l'ampleur physique qu'elle lui a fait contracter, dans tous les rapports où elle l'a mis avec la grande machine de l'État; enfin, dans tout ce qui n'est pas de la constitution spirituelle, intime et primitive. C'est donc au gouvernement à régler les démarcations diocésaines, puisqu'elles sont le plus grand caractère public de la religion et la manifestation de son existence légale. Le ministère sacerdotal est subordonné, dans la répartition des fonctions du culte, à la même autorité qui prescrit les limites de toutes les autres fonctions publiques, et qui détermine toutes les circonscriptions de l'empire(1).»

Ainsi, selon Mirabeau, l'Église perd ses droits au moment où l'État vient les reconnaître et les raffermir par la sanction civile; elle cesse d'être indépendante lorsque le souverain lui accorde sa protection. Il serait difficile d'imaginer une raison plus vide de bon sens. Mirabeau croyait, comme tous ceux de son parti, que l'État, en adoptant la religion et en y attachant la sanction civile, accordait une grâce, tandis qu'il en recevait une. Les souverains, en incorporant la religion dans l'État, considéraient leur intérêt politique plutôt que celui de l'Église. Trouvant que la religion prescrivait tous les devoirs du bon citoyen, et que c'était l'institution la plus propre à assurer la tranquillité pnblique, ils l'ont adoptée comme loi de l'État, croyant se faire une grâce à eux-mêmes plutôt qu'à l'Église; et celle-ci, en consentant à cette alliance, n'a pas songé un instant à se dépouiller de son caractère essentiel, qui est son indépendance.

(1) Discours de Mirabeau.

vier 1791.

Moniteur, séance du 14 jan

Je ne m'arrêterai pas sur ce qu'il dit relativement au chef de l'Église, en qui il reconnaît une simple primauté d'honneur et non de juridiction. Mirabeau n'admettait pas que saint Pierre eût reçu une juridiction plus étendue que celle des autres apôtres. Tous ont reçu la plénitude de la puissance et la mission de prêcher l'Évangile dans tout l'univers; ils ont établi des évêques sans recourir à saint Pierre pour lui demander l'institution canonique. Les évêques, successeurs des apôtres, ont, selon lui, la même mission universelle; et si, pour le bon ordre, il est nécessaire d'assigner des limites, cela est de l'ordre temporel, et regarde uniquement l'État. Si Mirabeau accorde au chef de l'Église une primauté d'honneur, c'est qu'il est, dit-il, «< comme saint Pierre, << le point de réunion de tous les pasteurs, l'interpel<< lateur des juges de la foi, le dépositaire de la croyance << de toutes les Églises, le conservateur de la commu<< nion universelle, et le surveillant de tout le régime <«< intérieur et spirituel de la religion. Mais ces rapports, << selon lui, n'établissent aucune distinction ni aucune dépendance réellement hiérarchique entre lui et les évêques des autres Églises. » De même, le métropolitain n'a aucun pouvoir sur les autres évêques ; sa supériorité tient à la suprématie de la ville où il est établi. Tous ces arguments contre la primauté du pape avaient été empruntés à Photius et à d'autres fauteurs du schisme grec.

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Quant à ce qu'il dit relativement à l'élection des pasteurs par les peuples, il n'a rien de nouveau; il répète toutes les raisons qu'on a tirées de l'usage de la primitive Église, et qui ont été tant débattues durant la discussion relative à la constitution civile du clergé. Il ne

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