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tion libre. Dans ce petit ouvrage, fait pour la circonstance, il répudiait le culte dont il était ministre, comme superstitieux, barbare, gothique : les mystères de la religion chrétienne étaient tournés en ridicule; le culte qu'il établissait était bien celui de la nature, car il respirait l'indécence, la mollesse, jusque dans les funérailles; les cérémonies consistaient en spectacles profanes, et en fêtes qui se rapprochaient plus ou moins du paganisme.

Cet écrit, qui tendait à faire disparaître le culte constitutionnel aussi bien que le culte catholique, excita des réclamations universelles. Les curés intrus de Paris, qui, d'après le plan de M. de Moy, devaient perdre leur place, qu'ils avaient obtenue au prix du sacrifice de leur foi et peut-être malgré les cris de leur conscience, se déclarèrent unanimement contre leur confrère, et publièrent différentes brochures pour réfuter son livre. Les paroissiens de Saint-Laurent, se rassemblèrent, assaillirent le presbytère, voulant pendre M. de Moy, dont l'impiété les révoltait : mais il trouva moyen de s'échapper. On voit que les paroissiens de Saint-Laurent n'étaient pas encore mûrs pour le nouveau culte de leur curé; mais on les múrira, et le plan de M. de Moy sera réalisé plus tard: on ira même au delà de ses désirs. Ce qui étonnait le plus dans cette affaire, c'était le silence du prétendu évêque de Paris : on se plaignait de ce qu'il laissait en place un curé qui avait publié un écrit aussi irréligieux. Mais Gobel, qui faisait sa cour aux jacobins et qui passait une partie de son temps dans leur club, n'aurait pas osé destituer le curé de Saint-Laurent, car celui-ci avait l'appui des jacobins il est même permis de croire qu'il a publié

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son livre d'après leurs inspirations, puisque, pour le récompenser, ils le nommèrent à l'Assemblée législative. Là, il développa son plan à la tribune nationale; il proposa d'effacer de la loi le culte constitutionnel aussi bien que le culte catholique; de ne plus payer aucun ministre des autels, et de substituer à tous ces cultes des fêtes et des spectacles qu'il appelait patriotiques; car il gémissait de voir que des débris du colosse de l'ancien clergé on a fait une statuette, sous le nom de clergé constitutionnel (1).

En effet, les jacobins songeaient depuis longtemps à substituer un nouveau culte au christianisme détruit. Le culte constitutionnel n'était, à leurs yeux, qu'un moyen de transition, un moyen de se défaire du christianisme : il n'était pas mal choisi. Le culte schismatique conduisait directement à la destruction de toute religion. Mais les jacobins n'étaient pas d'accord entre eux; un certain nombre tenaient encore à quelques débris de l'ancien culte, à quelques dogmes impérissables, et ils se faisaient gloire de s'y rattacher; d'autres allaient jusqu'au bout, et rejetaient hardiment tous les dogmes de l'ancienne superstition. Cependant, dans ce dernier parti, il y avait encore quelques hommes qui s'arrêtaient devant le dogme de l'existence de Dieu. On vit à ce sujet, au club des jacobins, une séance orageuse et brutale : nul homme, dit-on, ne peut peindre l'agitation violente qui y régnait. Gobel, le prétendu évêque de Paris, qui assistait assidûment

(1) Moniteur, séance du 16 mai 1792. Sa pensée, recueillie par les contemporains, est rendue peu fidèlement par le Moniteur. Voy. Hist. du Clergé depuis la convocat., t. III, p. 262.

à ce club, et qui ce jour-là occupait le fauteuil, füt obligé de se couvrir pour obtenir tant soit peu de calme. En voici l'occasion. Le roi de Suède avait été frappé par le fer d'un assassin; l'empereur Léopold venait de mourir Robespierre, qui ne connaissait encore que ce dernier événement, le représentait dans une adresse comme venant de la Providence, qui a voulu sauver la révolution malgré les menaces de l'étranger, les efforts des prétres, qui secouaient les torches du fanatisme et de la discorde; et malgré les complots des directoires perfides, ennemis de la révolution, et la trahison de la cour.

Guadet, qui avait poussé l'irréligion jusqu'à l'athéisme, était choqué d'entendre sortir de la bouche de Robespierre le mot de Providence : il s'en plaignit à la tribune des jacobins.

« J'ai entendu souvent dans cette adresse, dit-il, rẻpéter le mot de Providence; je crois même qu'il y est dit que la Providence nous a sauvés malgré nous. J'avoue que, ne voyant aucun sens à cette idée, je n'aurais jamais pensé qu'un homme qui a travaillé avec tant de courage pendant trois ans pour tirer le peuple de l'esclavage du despotisme, pût concourir à le remettre ensuite sous l'esclavage de la superstition. (Applaudissements et murmures.)

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On voit quels pas gigantesques on avait faits dans la voie de l'impiété, puisqu'on n'osait plus prononcer le mot de Providence sans passer pour un superstitieux. Il n'est pas étonnant qu'on ne voulût plus de culte. Robespierre, tout impie qu'il était, n'avait pas encore poussé le cynisme aussi loin; il osa soutenir, au milieu d'un effroyable vacarme, le dogme de l'existence de

Dieu, qui n'était plus reconnu au temple des jacobins.

<< La superstition, dit-il, est un des appuis du despotisme; mais ce n'est pas induire les citoyens dans la superstition que de prononcer le nom de la Divinité. J'abhorre autant que personne toutes ces sectes impies qui se sont répandues dans l'univers pour favoriser l'ambition, le fanatisme, et toutes les passions, en se couvrant du pouvoir sacré de l'Éternel, qui a créé la nature et l'humanité mais je suis bien loin de la confondre avec ces imbéciles dont le despotisme s'est armé. Je soutiens, moi, ces éternels principes sur lesquels s'étaye la faiblesse humaine pour s'élancer à la vertu. Ce n'est point un vain langage dans ma bouche, pas plus que dans celle de tous les hommes illustres, qui n'en avaient pas moins de morale pour croire à l'existence de Dieu. (Violent murmure, cris A l'ordre du jour!)

«Non, messieurs, vous n'étoufferez pas ma voix; il n'y a pas d'ordre du jour qui puisse étouffer cette vérité je vais continuer de développer un des principes puisés dans mon cœur... Invoquer la Providence, et émettre l'idée de l'Être éternel qui influe essentiellement sur les destinées des nations, qui me paraît, à moi, veiller d'une manière toute particulière sur la révolution française, n'est point une idée trop hasardée, mais un sentiment de mon cœur, un sentiment qui m'est nécessaire à moi, qui, livré dans l'Assemblée constituante à toutes les passions et à toutes les viles intrigues, et environné de si nombreux ennemis, me suis toujours soutenu. Seul avec mon âme, comment aurais-je pu suffire à des luttes qui sont au-dessus de la force humaine, si je n'avais point élevé mon âme à

Dieu? Ah! certes, je vous en atteste tous, s'il est un reproche auquel je sois inaccessible, c'est celui qui me prête des injures au peuple; et cette injure consiste en ce que j'ai cité aux sociétés la Providence et la Divinité. Certes, je l'avoue, le peuple français est bien pour quelque chose dans la révolution : sans lui, nous serions encore sous le joug du despotisme. J'avoue que tous ceux qui étaient au-dessus du peuple auraient volontiers renoncé pour cet avantage à toute idée de la Divinité mais est-ce faire injure au peuple et aux sociétés affiliées, que de leur parler de la protection de Dieu, qui, selon mon sentiment, nous sert si heureusement (1)?

>>

Les membres du club n'étaient guère touchés des paroles de Robespierre; ils l'accueillirent par d'insolentes clameurs. Le dogme de l'existence de Dieu avait de la peine à trouver place dans le nouveau culte. On voit par là pourquoi M. de Moy a été si bien accueilli par les jacobins. Ses doctrines entraient dans leurs vues, si elles ne venaient pas de leurs inspirations.

La destruction du christianisme était donc le grand projet du jour, sauf à examiner ensuite ce qu'on pourrait lui substituer. Mais, pour y parvenir, il était nécessaire de se défaire des prêtres catholiques; car, tant qu'ils restaient sur le sol de la patrie, on ne pouvait songer à une destruction complète de la religion chrétienne. Leur ombre rappelait encore les vérités de l'ancien culte. On résolut donc de se défaire de l'ancien clergé par quelque moyen que ce fût. Car, pour le nouveau; on ne le redoutait pas, on savait

(1) Hist. parlem., t. XIII, p. 444.

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