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Déclamer, fophiftiquer, ce n'eft pas dialoguer; & c'est trop fouvent Leffing qui écrit, quand le perfonnage devroit parler.

Des fentimens faux font fouvent même le réfuktat de cette exagération habituelle. Nous n'en citerens qu'un exemple. Sara, qui a quitté la maifon paternelle pour fuivre fon amant, reçoit une lettre de fon père. Elle refufe de la lire, parce que le vieux domeftique, en la lui remettant, lui annonce que fon père lui a pardonné. Elle prétend que ce pardon lui fait fentir fa faute plus vivement; & elle fe défend d'ouvrir la lettre. Le domeftique ne pouvant la vaincre làdeffus, fe croit forcé de recourir à un menfonge officieux, & lui dit qu'il ne lui a parlé de la clémence de fon père, que pour la tranquillifer; mais que dans la vérité fon père eft toujours courroucé contre elle. Alors elle fe détermine à ouvrir la lettre, & y trouvant à la première ligne ces tendres expreffions, ma chère Sara, ma fille unique, elle s'emporte contre le valet, & ne veut pas aller plus loin, &c.

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De bonne foi, où eft la vérité? où eft la nature? Une fille coupable, qui gémit du chagrin qu'elle a caufé à l'auteur de fes jours, qui pleure fa faute, peut- elle être épouvantée du pardon de fon père ? Ce refus de lire la lettre qui le lui annonce, cette colère que lui donne le mot de ma chère fille, elt-ce là le langage du cœur? & n'eft-ce pas là plutôt parodier, qu'écrire. la Tragédie ?

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Au refte, il y a dans cet Ouvrage des plaifanteries qui ne font pas toujours du meilleur genre, & l'action n'eft rien qu'héroïque, pourquoi Leffing a-t-il absolument voulu que ce fut précisément une Tra gédie? Il avoit le titre générique Drame, fi ufité dans fa Nation; pourquoi renoncer à cette dénomination fi commode, qui permet à un Ecrivain d'être à fon gré noble ou familier, triste ou gai, rien de tout cela, s'il veut, & tout cela enfemble s'il lui plaît Il eft vrai qu'on meurt dans fa Pièce; mais fi l'on fait des Tragédies où l'on ne meurt pas, ne peut-on- pas faire des Drames où l'on fe tue ?

Peut-être y a-t-il plus de naturel dans le ftyle. En voici un détail pris dans le rôle de Sara. Mellefont veut s'embarquer dit-il, pour aller l'époufer en France. Cruel, lui répond Sara! Je quitterai donc ma » patrie en criminelle ! en criminelle ! " & vous croyez que j'aurois affez de "courage pour me confier à la mer? Il » me faudroit un cœur plus tranquille ou plus endurci dans le crime, pour voir » avec indifférence, un feul inftant, une "foible planche entre ma perte & moì. » Dans chaque vague bondiffant vers mon vaiffeau, je verrois la mort s'élancer pour » me faifir: dans le frémissement des voiles, » dans le fifflement des vents, j'entendrois » les malédictions des montagnes paternelles, "& le moindre nuage feroit un jugement de fang, prêt à fondre fur ma tête ".

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On nous difpenfera de faire remarquer la ridicule enflure de cet obfcur galima tias. Nous n'avons pas l'original fous les yeux; mais les Auteurs de cette Traduction prétendent avoir traduit fidèlement. Et en vérité, s'ils lui avoient prêté ce gigantesque fatras, ce feroit matière à les attaquer criminellement, comme coupables de calomnie & de diffamation.

C'est pourtant ce même Leffing, qui, dans une Dramaturgie (1), dont on a donné une Traduction Françoife en 1785, a traité avec le plus froid mépris nos Corneille, Racine, Voltaire, & Crébillon. Cor"neille & Racine, dit-il, Crébillon & » Voltaire, ont peu ou rien, de ce qui fait » qu'Euripide eft Euripide, que Sophocle » eft Sophocle, que Shakespear eft Shakes

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C'eft ce même Leffing qui dit dans ce même Ouvrage, que » ceux qui depuis un fiècle fe vantent d'avoir un Théatre, qui même fe vantent d'avoir le meilleur Théatre de l'Europe.... que les François n'ont point encore de Théatre «.

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C'est lui qui prétend que Corneille eft fans génie, & qui croit lui faire grace en lui accordant de l'efprit.

(1) Cet Ouvrage, qui nous eft échappé dans le temps, fe vend, en deux Parties, in-8°., à Paris, chez M. Junker, à l'Ecole Royale Militaire; & chez Royez, Lib., quai des Auguftius, près le Pont-Neuf.

Voulez-vous l'entendre motiver l'ana thême qu'il lance fur notre Théatre? Il ne trouve rien dans les Tragédies Françoises, finon des intrigues, des coups de théatre, des fituations. C'eft pourtant quelque chofe que cela! Mais, continue Lefling, on me dira qu'il y a de la décence.... » Oh! oui, » de la décence. Toutes leurs intrigues font » plus décentes..... & plus monotones; » tous leurs coups de théatre font plus » décens.... & plus rebattus; toutes leurs » fituations font plus décentes.... & plus » forcées. Graces à la décence «!

Vous voyez que dans cette dernière citation, Lelling eft prefque plaifant ; voici un endroit où il l'eft tout-à-fait ; on jugera par-là de fon bon goût en plaifanterie. Il réfute ici Voltaire, qui écrit à un Anglois, qu'Addiffon eft le plus fage des Ecrivains Anglois, Qui reconnoîtra, dit»il, Addiffon pour le plus fage des Ecri» vains Anglois? Je me rappelle que les François appellent auffi fage; une fille

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qui n'a jamais fait de faux pas. Dans ce »fens, la chofe peut paffer, & c'eft comme > fi Voltaire avoit dit: Cet Ecrivain qui approche le plus de nous autres François, » fi corrects, fi fades, fi énervés, & bons » à faire de l'onguent miton mitaine «.

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On vient de voir un bon goût de plaifanterie; voici maintenant de la politeffe. » Au refte, ce petit paffage ne renferme que trois fauffetés; & ce n'eft pas beau

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coup pour M. de Voltaire «. N'oublions pas que Leffing écrivoit ces aménités germaniques du vivant de Voltaire. On prétend qu'étant à Paris, il avoit eu un démêlé avec cet homme célèbre ; & que le reffentiment a influé fur le jugement qu'il a porté de fes Ouvrages. Cela peutêtre; mais fans fa haine pour Voltaire, il n'auroit pas traité avec plus d'indulgence la Littérature Françoife. Ceux qui connoiffent les Ouvrages de Leffing, favent qu'il n'a pu faire des Fables, fans écrire une Préface contre la Fontaine.

Au refte, nous n'imiterons pas fon aveugle partialité; & nous conviendrons que dans cette même Dramaturgie, il y a d'excellentes obfervations fur l'Art Dramatique; que c'eft un Ouvrage curieux, & qu'il doit trouver place dans la bibliothèque des Amateurs du Théatre. Parmi d'injustes jugemens appuyés par des fophifmes, on y trouvera des réflexions fines, & quelquefois même profondes.

Gette digreffion nous a menés un peu loin; revenons au Théatre Allemand. La Tragédie de Leffing eft fuivie d'une Comédié de M. d'Ayrenhoff, intitulée, l'Attelage de Pofte. Cette Pièce eft prefque toute en dialogue. Léonore eft promise à un Comte qui eft paffionné pour les chevaux; mais elle aime un Major dont elle est aimée. Ce Major a quatre beaux chevaux pies; le prétendu devient fou de ce bel attelage;

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