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Le moment décisif était arrivé : plus de délai! les prêtres retardataires vont être obligés de se prononcer pour ou contre la constitution; ils n'ignorent pas qu'en refusant le serment ils se condamnent à l'indigence, à l'exil, et même à la mort; mais ils aiment mieux rester fidèles à leurs principes, à leur conscience et à l'Église, et ils n'entendent pas, comme Grégoire et Mirabeau, qu'on puisse faire serment d'obéir à une loi sans assentiment intérieur. Ils rejetaient avec indignation cette nouvelle maxime, qui n'avait jamais été celle de leur Église. Au moment où le président allait procéder à l'appel nominal, un grand tumulte se manifesta autour de l'Assemblée; on entendait des voix menaçantes et même des cris de mort jusque sur les bancs de la salle: A la lanterne, criait-on, ceux qui refuseront (1)! Ce tumulte, ces cris étaient, sans aucun doute, une chose de convention destinée à effrayer les prêtres qui devaient prêter le serment; on voulait leur arracher par la peur ce qu'on n'avait pu obtenir par l'astuce et la séduction. Cazalès s'adressa au président pour l'avertir de ces cris: celui-ci répondit qu'il venait de donner des ordres pour les faire cesser; mais le tumulte et les menaces continuèrent, soit parce que les ordres du président n'étaient point exécutés, soit parce qu'ils étaient mollement donnés. Le représentant Dufraisse apostropha le président en ces termes :

« Vous entendez ces scélérats qui, après avoir détruit la monarchie par d'infàmes moyens, veulent maintenant anéantir la religion! Je déclare que l'Assemblée n'est point libre, et je proteste. »

(1) Ferrières, Mém., t. II, p. 205.

Mais ces cris et ces menaces n'avaient produit aucun effet sur le cœur des prêtres fidèles. « Ne vous occu<< pez pas, disaient-ils, de ces clameurs d'un peuple « qu'on abuse; son erreur et ses cris ne dirigeront pas << notre conscience. >>

Le premier qui fut appelé à la tribune pour prêter le serment était l'évêque d'Agen, M. de Bonnac. Malgré les menaces du dehors, les interruptions et les cris du dedans qui le rappelaient au serment pur et simple, il trouva moyen de faire sa profession de foi. Elle est glorieuse, et digne d'un évêque.

« Vous avez fait une loi, dit-il; par l'art. 4, vous avez dit que les ecclésiastiques fonctionnaires publics prêteraient un serment dont vous avez décrété la formule; par l'art. 5, que s'ils se refusaient à prêter ce serment, ils seraient déchus de leurs offices. Je ne donne aucun regret à ma place, aucun regret à ma fortune; j'en donnerais à la perte de votre estime, que je veux mériter. Je vous prie donc d'agréer le témoignage de la peine que je ressens de ne pouvoir prêter le serment. »

On n'aurait pas laissé parler l'évêque, si l'on avait prévu qu'il terminerait par un refus.

L'abbé Fournès, curé du même diocèse, fut appelé après lui; et voici les paroles touchantes qu'il eut le temps de prononcer :

<«< Vous voulez nous rappeler, dit-il, à la discipline des premiers siècles de l'Église eh bien! messieurs, avec la simplicité des premiers chrétiens, je vous dirai que je me fais gloire de suivre l'exemple de mon évêque et de marcher sur ses traces, comme Laurent sur celles de Sixte, jusqu'au martyre. »

Le côté gauche était extrêmement contrarié par ces professions de foi, et avait de la peine à se contenir. Cependant on continua l'appel nominal. Le troisième qui fut appelé était Leclerc, curé de la Cambe. « Je suis enfant de l'Église catholique.... » A ces mots on s'écria qu'il fallait s'en tenir à un serment pur et simple, car on prévoyait un refus. Un membre, Faydel, fit observer que quand ils ont reçu le serment de l'abbé Grégoire, ils lui ont permis de s'expliquer. Le président, sans répondre à cette réflexion, rappela froidement aux ecclésiastiques que, suivant le décret de l'Assemblée, ils devaient se contenter de répondre : « Je jure ou Je refuse. » Foucault, indigné de ce procédé, répondit par une exclamation énergique et juste :

« C'est une tyrannie! s'écria-t-il : les empereurs qui persécutaient les martyrs leur laissaient prononcer le nom de Dieu, et proférer les témoignages de leur fidélité à la religion (1). »

Le président allait continuer l'appel nominal, lorsque le représentant Bonnay en fit sentir l'inconvénient et le danger pour les ecclésiastiques qui ne prêteraient pas le serment. « L'affiche dont le mal a été mal réparé, dit-il, a excité dans l'esprit des malintentionnés une animadversion très-forte contre les ecclésiastiques; car leur nom prononcé à la tribune passe au peuple du dehors, et les expose à sa colère. » Bonnay proposa donc de renoncer à l'appel nominal, et de sommer collectivement les ecclésiastiques de prêter le serment: ce mode lui semblait présenter moins de danger que l'appel nominal. Sa motion fut adoptée.

(1) Moniteur, séance du 4 janvier 1791.

Le président s'adressa donc collectivement à tous les ecclésiastiques, pour les inviter à faire le serment pur et simple en ces mots : Je le jure. Un seul, nommé Landrin, se présenta, prêta le serment voulu, au milieu de grands applaudissements. Deux autres montèrent à la tribune, voulant faire les réserves qu'avait proposées l'évêque de Clermont, et on ne les laissa pas achever leurs phrases. Un curé, vivement affecté, protesta avec indignation contre cette manière d'agir de l'Assemblée.

<< Il est bien étonnant, dit-il, qu'un certain nombre de membres s'arrogent la parole, et nous obligent à rester comme des statues; il est bien étonnant qu'on nous ferme la bouche, pendant que d'autres parlent tant qu'ils veulent. » Il ajouta qu'il était prêt à faire le serment selon le sentiment de l'Assemblée, qu'il prenait pour modèle, et qui a dit n'avoir pas entendu toucher au spirituel. Le président, voulant sans doute l'encoura ger, répliqua aussitôt que l'Assemblée a décrété, dans toutes les circonstances, qu'elle n'entendait pas toucher au spirituel; et le côté gauche y applaudit.

Voilà une déclaration nette et précise, qui au reste était conforme à celle que n'avait cessé de faire l'abbé Grégoire. L'Assemblée n'a pas entendu toucher au spirituel le côté gauche l'a approuvé par ses applaudissements. Mais si telle a été l'intention de l'Assemblée, comme le président vient de le dire formellement, pourquoi ne pas permettre de changer la formule du serment? pourquoi repousser les restrictions de l'évêque de Clermont ? C'était un moyen de tout concilier. Cette réflexion n'échappa pas à Cazalès, qui s'empressa de monter à la tribune pour demander que l'Assemblée

déclarât par un décret son vou, s'il est tel que vient de l'exprimer le président, aux applaudissements d'une partie de ses membres. Il était difficile de se refuser à cette demande. En effet, puisqu'on ne cessait de dire que l'Assemblée n'avait pas entendu toucher au spirituel, pourquoi ne pas en faire une déclaration nette et franche, et mettre ainsi les ecclésiastiques à l'aise, tout en remplissant le vœu de l'Assemblée ? Mais on se garda bien de faire cette déclaration; on la mettait en avant comme une amorce pour entraîner les ecclésiastiques dans le parti constitutionnel. Cependant, comme le président venait de dire si formellement que jamais l'Assemblée n'avait entendu toucher au spirituel, il était impossible de répliquer à Cazalès: aussi était-on embarrassé, on ne savait quoi dire. Les paroles du président, si claires et si nettes, retentissaient encore à l'oreille; la gauche y avait applaudi. On passa un grand quart d'heure dans le plus profond silence. En vain le président fit-il un nouvel appel aux ecclésiastiques, personne ne répondit.

Cazalès rompit ce silence, et demanda de nouveau que l'Assemblée adoptât la motion de déclarer qu'elle n'entendait pas toucher au spirituel, si tel est réellement son vou. Même silence; personne ne parlait, personne ne répondait. L'évêque de Poitiers, M. de Saint-Aulaire, profita de ce moment pour faire sa profession de foi, et offrir aux ecclésiastiques un exemple de fidélité.

<«< J'ai soixante-dix ans, dit-il, j'en ai passé trentecinq dans l'épiscopat, où j'ai fait tout le bien que je pouvais faire. Accablé d'années et d'études, je ne veux pas déshonorer ma vieillesse; je ne veux pas

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