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prédicateurs de vertu. Ils se faisaient patroner par lui, et lui rendaient en adorations la petite monnaie des services qu'ils en tiraient. Cette impure alliance était une honte. La courtisane et les Philosophes unis aux Jansénistes et aux docteurs d'économie politique la subirent sans rougir. Ils parlaient de donner au peuple de salutaires exemples, d'émanciper l'esprit humain, de l'honorer par une noble rénovation, et fléchisant le genou devant toutes ces royales turpitudes, ils n'avaient à leur offrir, en guise de leçons, que des poésies corruptrices ou d'impudentes flatteries. Ils avaient eu à se prononcer entre le vice triomphant et la vertu humiliée. Leur choix ne fut pas douteux.

Madame de Pompadour, fatiguée des hommages de la philosophie, aspirait à quelque chose de plus réel. Elle méprisait ces Encyclopédistes qui, à leur tour, la méprisaient tout en abusant de son crédit, elle essaya de se rapprocher des enfants de saint Ignace. Elle aurait depuis longtemps marché de concert avec les Jésuites si ces inventeurs de la morale relâchée eussent eu pour le prince ainsi que pour elle les accommodements de conscience dont Pascal leur avait fait un crime. Elle n'ignorait pas les sentiments de la famille royale à son égard: elle voulut la réduire au silence. Afin de reconquérir l'estime dont son âge mûr commençait à éprouver le besoin, elle essaya d'implorer au tribunal de la pénitence une sauvegarde contre le mépris public. Tout à coup elle affiche des dehors de piété; elle a un oratoire.--Sur sa toilette on voit se suecéder aux romans licencieux de Crébillon, aux poésies érotiques de Gentil Bernard, les livres des ascètes les plus consommés. Elle feint même un rapprochement épistolaire entre elle et Lenormandd'Étioles, son mari. Cette hypocrisie ne trompant personne, Madame de Pompadour croit nécessaire de jouer son rôle jusqu'au bout. Les Jésuites ont la confiance de

la famille royale: Louis XV les estime, la marquise ré→ solut de s'adresser à eux.

Le P. de Sacy avait été le guide spirituel de son adolescence. Elle espéra que ce souvenir l'amenerait à une transaction avec sa conscience. Après avoir combiné ses artifices, elle sollicite des entrevues particulières, elle les obtient, et pendant deux années elle lutte avec Sacy, tandis que le Roi, de son côté, livre les mêmes assauts à la fermeté de son directeur. L'absolution que Sacy déniait à Madame de Pompadour, les PP. Pérusseau et Desmarets la refusaient à Louis XV. Le scandale était public; mais le Roi, mais la marquise, mais la plupart des courtisans savaient alors le voiler de spécieux prétextes. Les Jésuites n'ignoraient pas à quel péril leur Compagnie s'exposait. Madame de Pompadour pouvait apaiser l'orage, ou tout au moins en amortir les coups. Rien ne détourna Sacy, Pérusseau et Desmarets de la ligne de leurs devoirs. La marquise n'avait pu enlacer les Jésuites dans ses filets, elle imagina que le Saint-Siége serait plus facile que ces intraitables casuistes. Par l'intermédiaire d'un agent secret, elle fit mettre sous les yeux du Pape une note ainsi conçue: (1)

« Au commencement de 1752, déterminée (par des motifs dont il est inutile de rendre compte) à ne conserver pour le Roi que les sentiments de la reconnaissance et de l'attachement le plus pur, je le déclarai à Sa Majesté en la suppliant de faire consulter les docteurs de Sorbonne, et d'écrire à son confesseur pour qu'il en consultât d'autres, afin de trouver les moyens de me laisser auprès de sa personne (puisqu'il le désirait) sans être exposée au soupçon d'une faiblesse que je n'avais plus. Le Roi, connaissant mon caractère, sentit qu'il n'y avait pas de retour à espérer de ma part, et se prêta à

(4) Manuscrits du duc de Choiseul.

ce que je désirais. Il fit consulter des docteurs, et écrivit au P. Pérusseau, lequel lui demanda, une séparation totale. Le Roi lui répondit qu'il n'était nullement dans le cas d'y consentir, que ce n'était pas pour lui qu'il désirait un arrangement qui ne laissât point de soupçon au public, mais pour ma propre satisfaction; que j'étais nécessaire au bonheur dé sa vie, au bien de ses affaires; que j'étais la seule qui lui osât dire la vérité, si utile aux Rois, etc. Le bon Père espéra dans ce moment qu'il se rendrait maître de l'esprit du Roi, et répéta toujours la même chose. Les docteurs firent des réponses sur lesquelles il aurait été possible de s'arranger si les Jésuites y avaient consenti. Je parlai dans ce temps à des personnes qui désiraient le bien du Roi et de la Religion ; je les assurai que, si le P. Pérusseau n'enchaînait pas le Roi par les sacrements, il se livrerait à une façon de vivre dont tout le monde serait fâché. Je ne persuadai pas, et l'on vit en peu de temps que je ne m'étais pas trompée. Les choses en restèrent donc (en apparence) comme par le passé jusqu'en 1755. Puis, de longues réflexions sur les malheurs qui m'avaient poursuivie, même dans la plus grande fortune, la certitude de n'être jamais heureuse par les biens du monde, puisque aucuns ne m'avaient manqué et que je n'avais pu parvenir au bonheur, le détachement des choses qui m'amusaient le plus, tout me porta à croire que le seul bonheur était en Dieu. Je m'adressai au P. de Sacy, comme à l'homme le plus pénétré de cette vérité; je lui montrai mon âme toute nue: il m'éprouva en secret depuis le mois de septembre jusqu'à la fin de janvier 1756. Il me proposa dans ce temps d'écrire une lettre à mon mari, dont j'ai le brouillon qu'il écrivit lui-même. Mon mari refusa de me jamais voir. Le Père me fit demander une place chez la Reine pour plus de décence; il fit changer les escaliers qui donnaient dans mon appartement, et le Roi n'y entra

plus que par la pièce de compagnie. Il me prescrivit une règle de conduite que j'observai exactement; ce changement fit grand bruit à la cour et à la ville: les intrigants de toutes les espèces s'en mêlèrent; le P. de Sacy en fut entouré, et me dit qu'il me refuserait les sacrements tant que je serais à la cour. Je lui présentai tous les engagements qu'il m'avait fait prendre, la différence que l'intrigue avait mise dans sa façon de penser. Il finit par me dire «Que l'on s'était trop moqué du confesseur du << feu Roi quand M. le comte de Toulouse était arrivé au «< monde, et qu'il ne voulait pas qu'il lui en arrivât au<< tant. » Je n'eus rien à répondre à un semblable motif, et, après avoir épuisé tout ce que le désir que j'avais de remplir mes devoirs put me faire trouver de plus propre à le persuader de n'écouter que la Religion et non l'intrigue, je ne le vis plus. L'abominable 5 janvier 1757 arriva, et fut suivi des mêmes intrigues de l'année d'avant. Le Roi fit tout son possible pour amener le P. Desmarets à la vérité de la Religion : les mêmes motifs le faisant agir, la réponse ne fut pas différente, et le Roi, qui désirait vivement de remplir ses devoirs de chrétien, en fut privé, et retomba peu après dans les mêmes erreurs, dont on l'aurait certainement tiré si l'on avait agi de bonne foi.

Malgré la patience extrême dont j'avais fait usage pendant dix-huit mois avec le P. de Sacy, mon cœur n'en était pas moins déchiré de ma situation; j'en parlai à un honnête homme en qui j'avais confiance: il en fut touché, et il chercha les moyens de la faire cesser. Un abbé de ses amis, aussi savant qu'intelligent, exposa ma position à un homme fait ainsi que lui pour la juger; ils pensèrent l'un et l'autre que ma conduite ne méritait pas la peine que l'on me faisait éprouver. En conséquence, mon confesseur, après un nouveau temps d'épreuve assez long, a fait cesser cette injustice en me permettant d'appro

cher des sacrements; et, quoique je sente quelque peine du secret qu'il faut garder (pour éviter des noirceurs à mon confesseur), c'est cependant une grande consolation pour mon âme.

« La négociation dont il s'agit n'est donc pas relative à moi, mais elle m'intéresse vivement pour le Roi, à qui je suis aussi attachée que je dois l'être; ce n'est pas de mon côté qu'il faut craindre de mettre des conditions désagréables; celle de retourner avec mon mari n'est plus proposable, puisqu'il a refusé pour jamais, et que par conséquent ma conscience est fort tranquille à ce sujet; toutes les autres ne me feront aucune peine; il s'agit de voir celles qui seront proposées au Roi; c'est aux personnes habiles et désirant le bien de Sa Majesté à en rechercher les moyens.

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« Le Roi, pénétré des vérités et des devoirs de la Religion, désire employer tous les moyens qui sont en lui pour marquer son obéissance aux actes de religion pres-, crits par l'Église, et principalement Sa Majesté voudrait lever toutes les oppositions qu'elle rencontre à l'appro-. che des sacrements; le Roi est peiné des difficultés que son confesseur lui a marquées sur cet article, et il est persuadé que le Pape et ceux que Sa Majesté veut bien consulter à Rome, étant instruits des faits, leveront par leur conseil et leur autorité les obstacles qui éloignent le Roi de remplir un devoir saint pour lui et édifiant pour les peuples.

« Il est nécessaire de présenter au Pape et au cardinal Spinelli la suite véritable des faits, pour qu'ils connaissent et puissent apporter remède aux difficultés qui sont suscitées, tant pour le fond de la chose que par les intrigues qui les suscitent. >>

Le Pape n'avait rien à voir dans ces scrupules des Jésuites, révélés avec une si perfide candeur par madame de Pompadour elle-même; il devait les consacrer comme

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