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des dommages, à les arrêter. Enfin ce n'eft qu'en Europe qu'on entend de pareilles plaintes. Ceux des pauvres émigrans qui ont été, ou qui fe trouvent au fervice des américains, font en général fatisfaits, & il y en a très-peu qui regrettent d'avoir paffé la mer. Nous ajouterons que ces détails ne font pas du ref fort du congrès: qu'ils appartiennent aux affemblées législatives des divers états, & qu'ainfi on auroit de la peine à établir un régime uniforme dans toutes les provinces.

Nous avons fuppofé, dans les observations précé dentes, que les diverfes provinces d'Amérique ne cherchent point à attirer les pauvres européens, que leur mifère met dans l'impoffibilité de payer leur paffage; car fi elles encourageoient les embaucheurs, nous ne craindrions pas de dire que cette manière d'attirer des citoyens eft peu convenable à une terre de liberté. Les habitans des colonies ont pu avant la révolution defirer un plus grand nombre de bras; mais ils auront tort, s'ils cherchent à accroître promptement leur population: on verra, dans la dixième fection, qu'il feroit plus raifonnable & plus avantageux de l'attendre des progrès du temps.

Le traité de 1763. ayant mis les deux Florides, une partie de la Louifiane & tout le Canada fous la domination de la Grande-Bretagne, elle fe trouva maîtreffe des vaftes contrées qui s'étendent depuis le fleuve Saint-Laurent jufqu'au Miffiffipi. Elle poffédoit d'ailleurs la baie d'Hudfon, Terre-neuve, & les autres ifles de l'Amérique feptentrionale; & elle s'étoit ainfi formé dans le nouveau-Monde un empire dix fois plus étendu que l'Angleterre, l'Ecoffe & l'Irlande

réunies.

Ce vafte empire étoit coupé du nord au fud par une première chaîne de hautes montagnes, qui, s'éloignant & fe rapprochant des côtes, laiffent entr'elles & l'Océan, un territoire de cent cinquante, de deux cents, quelquefois de trois cents milles. Quelques voyageurs avoient pénétré fept ou huit cents lieues au-delà des monts Apalaches; mais on connoifloit peu la topographie de ces cantons. On y avoit dé

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couvert d'autres chaînes de montagnes & de longues vallées; on imaginoit que des fleuves qui coulent à l'extrêmité de ces lieux fauvages, vont fe perdre dans la mer du fud; &, dans l'ivreffe de profpérité & de gloire qui s'empara des anglois, ils crurent qu'ils embrafferoient un jour toutes les branches de la communication & du commerce du nouveau-Monde. En paffant d'une mer de l'Amérique à l'autre fur leurs propres terres. Ils comptoient toucher, pour ainsi dire, à la fois aux quatre parties du globe; leur imagination chargeoit & expédioit des vaiffeaux de tous les ports de la Grande-Bretagne & de fes comptoirs de l'Afrique pour le nouveau-Monde; elle formoit peut-être le projet d'en envoyer quelques-uns, de fes poffeffions dans les mers orientales, aux Indes occi-dentales par la mer pacifique. Elle fe croyoit déjà maîtreffe de toutes les portes du commerce, & elle efpéroit en garder les clefs avec fes nombreufes flottes. Elle fongeoit peut-être à dominer fur les deuxMondes, par l'empire de toutes les mers. Les colonies elles-mêmes s'enorgueilliffoient d'appartenir à un empire auffi redoutable & auffi puiffant; fatisfaites de l'aifance & du bonheur que leur procuroient la culture, le commerce & d'affez bonnes loix, elles ne fongoient point à fe féparer de la métropole; attachées à la nation britannique par la fierté, par la reconnoiffance & les befoins, elles ne voyoient pour elles aucun avantage à former des états libres; & quand elles en auroient vu, elles manquoient de trop de chofes pour fe livrer à une entreprise auffi difficile. Mais, s'il y a des époques dans l'Hiftoire où une grandeur fi prodigieufe a pu entrer dans la deftinée d'un feul peuple, ce n'étoit pas au milieu des lumières & de l'inquiète activité de tous les peuples modernes, & quelques années ont fuffi pour diffiper tous ces fantômes brillans.

Nous indiquons à l'article particulier de chacun des Etats-Unis la pofition dans laquelle fe trouvoient les colonies de l'Amérique feptentrionale, au moment où la plupart d'entr'elles ont déclaré leur indépendance. Nous nous contenterons de dire ici que toutes les colonies de l'Amérique angloife n'avoient pas la même forme de gouvernement. Celui de la Nouvelle

Ecoffe, des deux provinces de la Nouvelle-Angleterre, de la Nouvelle-Yorck, de la Nouvelle-Jerfey, de la Virginie, des deux Carolines & de la Géorgie étoit appellé royal, parce que le roi d'Angleterre y exerçoit la fuprême influence. Les députés du peuple y formoient la chambre-baffe, comme dans la métropole. Un confeil approuvé par la cour, établi pour foutenir les prérogatives de la couronne, y repréfentoit la chambre des pairs, & les perfonnes les plus difthguées du pays en étoient les membres. Un gouverneur y convoquoit, y prorogeoit, y terminoit les affemblées, donnoit ou refufoit le confentement à leurs délibérations, qui recevoient de fon approbation force de loi, jufqu'à ce que le roi d'Angleterre les eût rejettées.

Le Maryland, la Penfylvanie & la Delaware étoient demeurés foumis à une feconde efpèce de gouvernement, connue fous le nom de gouvernement propriétaire. Son origine n'avoit rien de refpectable. Lorfque la nation angloife s'établit dans ces régions éloignées, un courtifan obtenoit facilement, dans des déferts auffi vaftes que des royaumes, une propriété & une autorité fans bornes. La couronne qui se réservoit un ftérile hommage, accordoit à un homme en crédit le droit de regner ou de gouverner à fon gré dans un pays inconnu. Les colons & le cabinet de Saint-James ne tardèrent pas à fentir l'injuftice & les abus de cette forme de gouvernement donnée d'abord à toutes les colonies. Les trois provinces où elle fe trouvoit encore établie à l'époque de la révolution, étoient venues à bout d'en réprimer les excès. Le Maryland ne différoit des autres provinces voifines, qu'en ce qu'il recevoit fon gouverneur de la maifon de Baltimore, dont le choix devoit être approuvé par la cour. Le gouverneur de la Penfylvanie, nommé par la maison propriétaire, & confirmé par le roi, n'avoit point de confeil; & dénué de cet appui, il luttoit difficilement contre les communes qui s'emparoient peu-à-peu de toute l'autorité. Toutes les provinces de la NouvelleAngleterre avoient été affujetties à un troisième régime, que les anglois nomment charter government; mais il ne fubfiftoit plus que dans le Connecticut & à Rhode-Ifland: c'étoit une démocratie. Les citoyens

élifoient, dépofoient eux-mêmes tous leurs officiers, & faifoient toutes les loix qu'ils jugeoient à propos, fans qu'elles cuffent beloin de l'approbation du monarque, fans qu'il eût le droit de les annuller.

Le gouvernement des colonies s'étoit donc formé au hafard: la Grande-Bretagne n'y ayant pas établi le régime politique fur une bafe ferme & fur des principes équitables, les colons ne pouvoient avoir pour la métropole cet amour qu'infpire une fage adminiftration. La douceur de leur jurifprudence criminelle & ces loix facrées qui maintenoient leur liberté civile & leur donnoient la paffion de la liberté, faifoient regretter les gênes mifes à leur liberté politique, & ils ne pouvoient refpecter beaucoup les actes légiflatifs d'une nation qui avoit montré fi peu de fageffe dans la direction de fes colonies. Le clergé établi dans ces colonies, loin d'infpirer une foumiflion aveugle aux ordres de l'adminiftration, y prêchoit la réfiftance aux décrets de la métropole, & il en donnoit l'exemple lui-même. On n'avoit jamais pu y établir de puiffance eccléfiaftique. Toutes les affaires qui, en d'autres régions, reffortiffent d'un tribunal facerdotal, furent portées devant le magiftrat, ou dans les affemblées nationales. Les efforts que firent les anglicans pour établir leur hiérarchie, échouérent toujours, malgré l'appui que leur donnoit la faveur. de la métropole. Cependant ils participerent à l'administration, ainfi que les autres fectes. Les feuls catholiques en furent exclus, parce qu'ils fe refufoient aux fermens que paroiffoit exiger la tranquillité publique.

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Quelles ont été les caufes de la révolution, & précis hiftorique de cette révolution.

Un auteur que tout le monde connoît a tracé les caufes de la révolution d'une manière fi brillante, fi précife & fi exacte, qu'on nous permettra de profiter ici de fon travail. Une préfomption, que nous n'avons pas, pourroit feule déterminer à refaire ce morceau, les lecteurs qui examineront les recherches & les

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foin que nous a coûté chacune des autres fections, nous pardonneront fans doute l'économie de temps que nous nous fommes menagé dans la plus grande partie de celle-ci.

,, Les premiers colons qui peuplèrent l'Amérique feptentrionale, fe livrerent d'abord uniquement à la culture. Ils ne tardèrent pas à s'appercevoir que leurs exportations ne les mettoient pas en état d'acheter ce qui leur manquoit, & ils fe virent comme' forcés à élever quelques manufactures groffières. Les intérêts de la métropole parurent choqués par cette innovation. Elle fut déférée au parlement, où on la difcuta avec toute l'attention qu'elle méritoit. Il y eut des hommes affez courageux pour défendre la caufe des colons. Ils dirent que le travail des champs n'occupant pas les habitans toute l'année, ce feroit une tyrannie que de les obliger à perdre dans l'inaction le temps que la terre ne leur demandoit pas; que le produit de l'agriculture & de la chaffe ne fourniffant pas à toute l'étendue de leurs befoins, c'étoit les réduire à la mifere que de les empêcher d'y pourvoir par un nouveau genre d'induftrie; enfin que la prohibition des manufactures ne tendoit qu'à faire renchérir toutes les denrées dans un état naiffant, qu'à en diminuer ou en arrêter peut-être la vente, qu'à en écarter tous ceux qui pouvoient fonger à s'y aller fixer,.

L'évidence de ces principes étoit fans réplique. On s'y rendit enfin après les plus grands débats. Il fut permis aux américains de manufacturer euxmêmes leur habillement, mais avec des restrictions qui laiffoient percer les regrets de l'avidité à travers les dehors de la juftice. Toute communication à cet égard fut févérement interdite entre les provinces. On leur défendit, fous les peines les plus graves, de verfer de l'une dans l'autre aucune efpéce de laine, foit en nature, foit fabriquée. Cependant quelques manufactures de chapeaux ofèrent franchir ces barrières. Pour arrêter ce qu'on appelloit un défordre affreux, le parlement eut recours à l'expédient, fi petit & fi cruel, des réglemens. Un ouvrier ne put travailler qu'après fept ans

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