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tantes, on peut négliger des détails qui vont d'euxmêmes; il paroît même ne pas bien connoître la pofition actuelle des Etats-Unis ; d'autrefois fes préventions contre la conftitution d'Angleterre l'égarent, & il ne femble pas faire affez de cas des ménagemens & des modifications qu'exige la pofition d'une peuplade. Enfin, après avoir écrit toute fa vie fur la politique, la vieille divifion des gouvernemens en dés mocratie, en ariftocratie, en monarchie & en defpo tifme le trompe, comme elle trompe les hommes les moins inftruits, & il parle toujours de la démocratie, comme s'il n'y avoit qu'une efpèce de gouvernement democratique.

Il reproche aux américains de ne s'être pas occupés des mœurs dans leurs conftitutions, & il loue beaucoup les habitans de la Géorgie d'avoir recommandé la modération, la frugalité, la tempérance: ce n'eft pas ainfi que s'établiffent ces vertus; elles fe forment par de bonnes loix générales, par la liberté civile & politique, par l'amour de la patrie, & par l'abfence des préjugés deftructeurs.

Ses réfultats manquent de précifion; il a toujours aimé la démocratie, il en parle encore avec éloge; d'un autre côté, il regrette que les américains n'aient pas établi un gouvernement ariftocratique, tempéré par de fages loix. Il femble croire que le pacte fondamental d'une république fuffit pour en prévenir à jamais les révolutions; il eft pourtant clair que la conftitution ariftocratique la mfeux établie & la mieux tempérée finira, fuivant l'inévitable révolution des chofes, par dégénérer en démocratie, en anarchie; & lorfque des légiflateurs ont la fageffe d'établir dans une nation un caractère de vigueur qui ne fe laiffe point opprimer, & qui fe développe telon les circonftances, il ne faut rien demander de pus. M. l'abbé de Mably n'a pas eu des vues allez étendues. La réponse à fes objections fur cette matière eft bien facile. & la voici les américains ont prévu tout cela; ils ont ordonné une revifion générale de leurs loix fondamentales à de cer taines époques; ils fe font engagé à faire cette revifion toutes les fois que la nation le voudra: il ne

s'agit plus que d'avoir la force de la faire; & fi quelque chofe peut donner cette force, c'est l'amour du bien public & le courage énergique qu'infpire la démocratie dans les gouvernemens aristocratiques, les hommes n'ayant point de part au gouvernement, ne l'ont pas. Il faut obferver d'ailleurs que la revifion des loix & des abus à différentes époques, a toutes fortes d'avantages; le peuple marque fa puiffance par une grande opération, & on en conferve le fouvenir: il fait ordinairement des actes d'une juftice rigoureufe & éclatante, & on fonge moins à opprimer un vengeur fi terrible.

Sans doute les inftitutions américaines font bien démocratiques; fi on veut les juger d'après l'histoire

d'après la marche des autres peuples anciens ou modernes, il faudra y admettre un jour ure partie du régime de l'ariftocratie, & les remarques de M. l'abbé de Mably & de quelques autres écrivains, font fondées à plufieurs égards: mais encore une fois pourquoi établir d'avance des chofes qu'on établira beaucoup mieux dans l'occafion? Afin de remédier à des maux qui peut-être n'arriveront point, est-il donc néceffaire d'adopter un mauvais régime? car enfin la liberté de la preffe aura en Amérique des effets qu'on ne peut calculer; on fera peut-être furpris de la manière dont elle arrêtera les fuites du progrès des richeffes & de la civilifation; & aucun peuple n'ayant eu cette reffource, il n'eft point de nation dont on puiffe citer ici l'exemple.

Les abus de la tolérance, établie par les américains, inquiètent M. l'abbé de Mably: parce que quelques états ont permis aux citoyens d'avoir un lieu d'affemblée religieufe, lorfqu'ils voudront payer un pafteur, il a peur que la diverfité des fectes & de communions nè trouble l'Amérique. Nous ne craindrons pas de le prédire: on s'appercevra dans cinquante ans que les citoyens d'Amérique n'ont point abufé de cette loi. On s'occupe des folies de la fuperftition, dans un pays où l'on s'occupe peu de la politique & de la liberté; mais le fanatifme & la fuperftition font peu redoutables dans les pays libres.

Ses idées fur la liberté de la preffe paroiffent également pufillanimes. Sans doute cette liberté entraîne des abus, & il eft aifé de les peindre d'une manière frappante mais la queftion fe réduit à favoir fi elle produit plus de biens que de maux? Les gouvernemens font tous condamnés à employer des chofes qui entraînent des abus; il ne s'agit plus que de choifir ces chofes, & l'expérience de l'Angleterre a appris aux américains ce qu'ils doivent penfer de la liberté de la presse.

Il feroit à defirer que les américains miffent des bornes à leur commerce; ce fera la première cause de leur corruption: mais vouloir, comme M. l'abbé de Mably, les ramener aux principes de Platon, c'eft perdre fon temps.

Nous ne dirons pas ici dans quelles erreurs on eft tombé, combien on a fait de remarques déraisonnables pour avoir mal faifi le fens du terme Démocratie, ou gouvernement démocratique : le livre de M. l'abbé de Mably eft plein de faux jugemens qui viennent de cette méprife. Il apperçoit de véritables démocraties dans les conftitutions des Etats-Unis: & parce que les anciennes démocraties ne pouvoient guère fubfifter que dans une ville dont tous les citoyens fe connoiffoient, il en conclud que cette forme de gouvernement ne peut fubfifter dans les Etats-Unis, dont le territoire eft fi vafte. Que fignifie ce rapprochement? Dans les républiques de l'antiquité dont on nous parle, le peuple agifloit par lui-même & fans repréfentans; dans les Etats-Unis, il agit par repréfentans & non par lui-même gouvernement y eft démocratique; mais ce n'eft pas une démocratie, fi l'on donne à cette expreffion la valeur que lui donnent Ariftote & M. l'abbé de Mably.

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C'est dans une longue lettre au docteur Price que M. Turgot parle des conftitutions des Etats-Unis, & qu'il paroit fi frappé de leurs vices. Ce grand homme qui a montré un courage fi vertueux & un zèle fi ardent pour le bonheur des hommes, qui a peut-être rendu chimériques fes vues de bien public,

parce qu'il les a trop étendues, & dont les erreurs méritent ainfi de la reconnoiffance, a jugé bien rigoureufement l'ouvrage de légiflation des provinces de l'Amérique feptentrionale. Il est étonné que les Etats-Unis aient imité la conftitution d'Angleterre, qu'ils aient établi des corps différens, un corps de repréfentans, un confeil, un gouverneur, parce que l'Angleterre a une chambre des communes, une chambre haute & un roi.,, On s'occupe, dit-il, à balancer ces offérens pouvoirs, comme fi cet équilibre des forces qu'on a pu croire néceffaire pour balancer l'énorme prépondérance de la royauté, pouvoit être de quelque ufage dans des républiques fondées fur l'égalité de tous les citoyens, & comme fi tout ce qui établit différens corps n'étoit pas une fource de divifion. En voulant prévenir des ,, dangers chimériques, on en fait naître de réels,,.

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Il eft furpris qu'on ait ôté au clergé le droit d'éligibilité.

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Il ajoute enfuite : nul principe fixe fur l'impôt; on fuppofe que chaque province peut fe taxer à ,, fa fantaifie, établir des taxes perfonnelles, des taxes fur les confommations, fur les importations, ,, c'eft-à-dire, fe donner un intérêt contraire à l'in,, térêt des autres provinces,, & il finit par fe récrier contre les prohibitions du commerce.

Il ne feroit pas difficile de répondre à ces objections; mais il faudroit relever les méprifes d'un homme d'état refpectable & mettre nos vues au-deffus des fiennes, & c'eft ce que nous ne ferons pas. Au refte, on verra à l'article VIRGINIE que fi les américains n'ont pas eu tort d'imiter en quelques points la. conftitution d'Angleterre, ils auroient dû, à l'exemple des anglois, mettre des barrières fixes entre la puiffance légiflative, la puiffance exécutive & la puiffance de juger; que les contrepoids habilement ménagés font ce qu'il y a de plus parfait dans la conftitution de la Grande-Bretagne, & que fi les mêmes contrepoids ne conviennent pas à la forme du Gouvernement des américains, ils doivent en imaginer d'autres qui foient plus analogues à leurs conftitutions,

Nous nous contenterons de faire une feule queftion fur la première objection de M. Turgot: les américains étoient-ils propres à une autre forme de Gouvernement? & leur efprit & leur caractère, façonnés par la conftitution angloife, fe feroient-ils accommodés d'une autre efpèce de démocratie? Eft-il poffible d'oublier que tous les peuples ne font pas propres à la liberté; que ceux qui s'y trouvent propres le font plus ou moins, & qu'il faut leur donner une conftitution plus ou moins républicaine. On ne ceffe de prêcher depuis quelque temps une liberté abfolue; on endoctrine tous les peuples de la même manière, non fur des points qui intéreffent les droits facrés & invariables du genre humain, mais fur la forme particulière des gouvernemens, & c'eft une grande erreur de la philofophie moderne. Si ces écrivains que leur zèle rend eftimables, favoient avec quel dédain ils font accueillis par un homme d'état, parce qu'ils paffent toujours la mefure, ils deviendroient plus circonfpects, & ils étudieroient davantage les modifications que mille circonftances rendent néceffaires.

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M. Turgot dit avec plus de raifon : " dans l'union des provinces entr'elles, je ne vois point une coalition, une fufion de toutes les parties qui n'en faffe qu'un corps un & homogène; ce n'eft qu'une ,, agrégation de parties toujours trop féparées, & " qui conferveront toujours une tendance à fe divifer, par la diverfité de leurs loix, de leurs mœurs & de leurs opinions, par l'inégalité de leurs for,, tunes naturelles, plus encore par l'inégalité de leurs progrès ultérieurs. Ce n'eft qu'une copie de la république hollandoife, & celle-ci même n'avoit "pas à craindre, comme la république américaine, les accroiffemens poffibles de quelques-unes de fes " provinces.

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Mais ces détails regardent le fyftême de confédé-. ration plutôt que les conftitutions, & nous les renvoyons à la fection fuivante.

Nous nous contenterons de faire ici une remarque: M. le marquis de Châtellux a très-bien prouvé que

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