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SECTION

I V.

Remarques générales fur les conftitutions des treize Etats-Unis, & remarques particulières fur les provinces qui ont changé ou doivent changer leurs conftitutions, ou les revêtir de formes plus légales & plus folemnelles.

Nous avons fait à l'article des différens Etats, des remarques fur la conftitution de chacun de ces Etats, & nous y renvoyons les lecteurs. Nous nous bor nerons ici à des réflexions générales.

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C'est un beau fpectacle de voir treize Etats fe former des conftitutions à la fin du dix-huitième fiècle, & profiter dans cet ouvrage des lumières de la philofophie, & fur-tout des fages loix de l'Angleterre. Il ne faut pas s'occuper d'une perfection chimérique, & exiger que l'homme conferve, au milieu des chaines de la civilifation, les privilèges & les droits dont le defir refte toujours au fond de fon cœur. Des juges, impofans par leur efprit, critiquent beaucoup les nouvelles conftitutions d'Amérique, & il y a lieu de s'en étonner. Les conftitutions anciennes les plus vantées font affez connues; qu'on les compare avec celles-ci, & que le réfultat infpire au moins de l'indulgence. Il a fallu fix fiècles pour porter la conftitution d'Angleterre au point où elle eft aujourd'hui; eft-il donc bien furprenant que les conftitutions d'Amérique, rédigées en deux ou trois mois, laiffent quelque chofe à defirer? Que les écrivains modernes y prennent garde; on leur reproche de favoir bien attaquer les monumens d'erreurs & de fottifes mais de ne favoir pas élever des édifices de fageffe & de raifon. Me permettra-t-on de le dire, les gens de lettres en général raifonnent fur la politique avec toute la légéreté des gens du monde; ils aiment la liberté, & ils en parlent avec intérêt; mais lorsqu'il s'agit d'indiquer un plan de conftitution, leur enthoufiafme pour la liberté les égare; ils dédaignent les études désagréables & pénibles du commerce & de l'économie politique, ou fi par un effort fur eux-mêmes, ils s'y livrent quelquefois c'eft pour s'inftruire fur des queftions de détail; jamais ils n'étudient à fond ce qui a rapport aux gouvernemens, & ils ne s'avifent pas de prendre fur ces matières une réferve proportionnée à leurs lumières. Les uns admirent l'inftitution de Sparte, & ils voudroient que le monde entier adoptât le régime des lacédémoniens; les autres font paffionnés pour la pure démocratie; & fans examiner fi elle eft poffible, fi elle convient aux grandes & aux petites nations, ils demandent toujours que le gouvernement foit auffi démocratique qu'il peut l'être: ceuxci dédaignent le caractère national & la pofition d'un pays; & pour les fatisfaire, il faudroit établir partout le même gouvernement: ceux-là ne connoiffent

point la corruption humaine, ou, s'ils la connoiffent, ils croient qu'il eft facile de la réformer; ils ne mettent point de ménagemens dans les remèdes qu'ils propofent, & ils prennent de bonne-foi le langage qu'emploient les empiriques par charlatannerie. Plufieurs paroiffent convaincus que l'efpèce humaine est perfectible jufqu'au dernier point, & ils fe réjouiffent férieufement de ce qu'on verra un jour l'âge d'or & le fiècle d'Aftrée. Quelques-uns, ou plutôt des fectes entières, fe fachent de ce qu'on ne mène pas le monde avec deux ou trois mots, & ils croient que leur fecret eft infaillible. Le moindre détail d'adminiftration apprendroit à tous qu'une injufte loicondamne l'homme à une fervitude plus ou moins grande; que les rapports des citoyens entr'eux, & des Etats, les uns avec les autres, ont toujours produit & produiront toujours des maux & des abus; qu'un peuple ne doit pas fonger à établir une conftitution parfaite; que le comble du bonheur eft d'en obtenir une un peu raifonnable, & qu'on ne ceffera de dire des plus belles conftitutions, ce que difoit Solon de celle qu'il venoit d'établir à Athènes : ce n'eft pas la meilleure, c'est tout au plus celle qui con→ vient le mieux aux Athéniens.

Quoi qu'il en foit, les conftitutions adoptées par les Etats-Unis femblent leur convenir; elles confacrent tous les principes qui peuvent contribuer à l'espèce de bonheur dont l'homme eft fufceptible; elles laiffent aux citoyens la portion de liberté qu'on peut efpérer dans une grande nation.

Quand on fe rappelle les formes de gouvernement. dont parle l'Hiftoire; quand on jette les yeux fur les différens pays de la terre, comment ne feroit-on pas frappé de la fimplicité, de la raifon & de la philofophie des conftitutions d'Amérique? Les droits du peuple & les grands principes des conventions fociales y font établis de la manière la plus énergique & la plus formelle: on y retrouve tous les points de fagefle & d'utilité qu'offre celle de l'Angleterre. Elles établiffent la liberté de la preffe & la tolérance, le jugement par fes pairs, & la fubordination de la puiffance militaire à la puiflance civile; elles mettcut

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tous les magiftrats dans la dépendance de la nation, qui peut les révoquer, & qui leur fait rendre compte lorfqu'ils font fortis de charge. Elles ont réfor-, mé plufieurs abus de la conftitution angloife, & contiennent plufieurs difpofitions importantes que les vrais patriotes anglois s'efforcent d'introduire dans la leur: ainfi elles ont exclus des corps législatifs quelques employés qui pouvoient porter dans les délibérations des intérêts particuliers contraires à P'intérêt général; elles ont fagement interdit toute autre commiflion aux hommes chargés d'une portion. de la puiffance exécutive: elles ont exclus du fénat & de la chambre des communes les officiers de marine & de terre, les traitans & fourniffeurs d'habillemens ou de munitions pour les foldats ou les vaifleaux.

Les Etats-Unis ne fe font pas avifés de déclarer leurs conftitutions éternelles & immuables; ils ont ftipulé expreffément qu'on les changeroit, lorfqu'elles ne conviendroient plus au peuple; plufieurs provinces recommandent de les changer, lorfque les circonftances l'exigeront, & elles fe font ménagées par-là le moyen le plus sûr de réformer les abus & d'avoir un bon gouvernement. Peut-être n'ont-ils pas encore établi les meilleurs principes fur les impôts; mais il faut obferver que fi la réferve pour le peuple du droit de foufcrire aux taxes par fes repréfentans doit faire partie d'une conftitution libre, il n'en eft pas de même des détails fur la perception de l'impôt, qui forment un article d'adminiftration variable felon les circonftances; & s'il y a lieu de craindre que les préjugés des habitans des EtatsUnis, & le fyftême qu'ils fe font formé fur cette partie de l'économie politique ne les déterminent à mal affeoir les taxes, ils ont du moins proferit tous les impôts humilians, tels que la capitation, &c. Enfin fi les faines idées fur le commerce ne font pas encore univerfelles dans ces nouveaux gouvernemens, on peut efpérer qu'elles ne tarderont pas à s'y répandre; car le Maryland déclare dans fa conftitution, que les privilèges exclufifs font odieux, contraires à l'efprit d'un gouvernement libre & aux principes du commerce.

La conftitution de la Grande-Bretagne a fervi de modèle aux conftitutions américaines; mais les EtatsUnis y ont choifi avec une raifon forte les articles convenables à leur pofition. Ce qui regarde les droits de l'homme & du citoyen, convient à tous les peuples & à toutes les nations, grandes ou petites, & ils ont adopté en entier cette partie de la conftitntion angloife; mais fi l'autorité royale eft un mal néceffaire chez les anglois, il n'en eft pas de même en Amérique, & les Etats-Unis ont proferit tout ce qui regarde l'autorité royale. Si les nouvelles provinces, exceptées deux, ont cru devoir divifer leurs repréfentans en deux chambres: fi, à l'imitation de ce qui fe paffe en Angleterre, elles ont établi une chambre des communes & un confeil ou fénat qui a quelque analogie avec la chambre des pairs, il faut bien examiner les effets du fénat & de cette diftribution de la puiffance légiflative, avant de la critiquer. Un efprit de vertige s'empare quelquefois d'un corps, on ne fait comment & il paroit utile qu'un fecond corps foit néceffaire pour former une réfolution: ces deux corps n'embarraffent point la légiflation, lorfqu'on a fixé d'une manière précife leurs prérogatives & leurs droits, & lorfqu'on a pris des moyens surs pour triompher de leur oppofition mutuelle; c'est ce qu'ont très-bien calculé les républiques d'Amérique: fi ces deux corps-mettent de la lenteur dans les affaires, tant mieux; on examinera davantage les grands points de la légiflation ou de l'adminiftration, & il fe gliffera moins d'erreurs dans les ordonnances ou les décrets du corps légiflatif.

Je viens de parler de deux Etats qui n'ont point formé deux chambres de légiflation: c'eft de la Penfylvanie & de la Géorgie dont il s'agit: cette dernière province eft fi petite, les cultures y ont fait fi peu de progrès, qu'elle croit n'avoir pas befoin d'un fénat. Elle y a fuppléé cependant par un confeil exécutif qui exerce les fonctions du confeil privé, mais dont les droits fe bornent à propofer fes obfervations à l'affemblée générale, fans pouvoir rien empêcher; lorfque fa population fera plus considérable, il y a lieu de penfer qu'elle fentira les avantages d'une feconde chambre.

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