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fenfations moins délicieufes ; il eft des plaifirs de caractére & d'opinion, goûtés chez un peuple, inconnus aux autres : l'Harmonie réunit tous les goûts. Il eft des plaisirs d'Arts & de Littérature accordés à peu d'hommes cultivés ; l'Harmonie n'en excepte prefque aucun de fes faveurs: il est des plaifirs muets, inanimés, qui ne parlent qu'aux yeux fans rien dire au coeur: tels font les fpectacles que nous offre le pinceau; l'Harmonie ne manque point le fentiment; il eft des plaifirs languiffans, émouffés, trop uniformes ou trop-tôt épuifés; eft-il un plaifir plus brillant, plus diversifié, plus intariffable que celui de l'Harmonie, plaifir puisé dans la nature, plaifir ́ enfin fi néceffaire & dont la privation doit être fi fenfible, que le Seigneur-Dieu lui-même, prêt à punir Tyr criminelle, menace cette Ville par la voix du Prophéte, de faire ceffer dans fes murs le fon des Cythares & le plaifir des Concerts ;. témoignaTM facré des charmes & de la puissance de l'Harmonie; s'étonnera-t'on après cela qu'elle ait eu la vénération des Peuples de tous les tems & de toutes les contrées ? troifiéme preuve de fa nobleffe.

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Ne peut-on pas, Meffieurs, dire d'une belle voix, ce qu'on dit de la beauté même, qu'elle eft citoyenne de tous les pays, qu'elle eft, comme la langue de l'amour, la même pour tous les peuples, * Ezechiel 26.13.

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& qu'elle porte par-tout les marques de l'empire ? En effet, comme la beauté, une voix brillante n'eft nulle part étrangère, par-tout elle a fes droits victorieux: Reine des Rois mêmes, elle peut parcourir l'Univers en Souveraine: fous quelque Ciel qu'elle fe trouve, femblable à l'aftre du jour, elle n'est jamais hors de fon empire, & par-tout où il est des cœurs, elle a des fujets & des autels. Tel a été chez toutes les races l'éclatant avantage de l'Harmonie. Les autres arts, depuis leur naiffance, ont vû fouvent leurs honneurs interrompus, foit par les fureurs de Mars, foit par les règnes contraires aux Mufes : il a été des fiécles de ténébres, des tems léthargiques, des jours de décadence & de barbarie, pendant lesquels le Dieu du goût étoit exilé du monde, les Lettres fçavantes anéanties, les Mufes muettes, les Arts au tombeau fans adorateurs & fans Mécenes, enfin toutes les Sciences éclipfées ou voilées dans un coin de la terre; mais dans cette nuit commune, jamais la Mufique ne perdit fes clartés; fes rayons percérent toujours à travers les nuages de l'ignorance; jamais fes temples ne furent déferts ni fes autels fans fleurs : écoutons les témoins qui nous en reftent dans les monumens facrés & profanes, ils nous diront que tous les fiécles, & fur-tout les fiécles polis, ont été marqués par des honneurs constamment décernés à Tom. II.

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l'Harmonie; ils nous diront qu'elle a été recom mandée par les plus févères Philofophes, cultivée par les plus grands Héros, chérie dans les plus fages Républiques, illuftrée par les plus puiffans Monarques, la fcience favorite des Conquérans & des Rois; l'Egypte nous dira que le dernier * de fes Ptolomées s'honora du nom dû à l'Harmonie, fur le modéle des † Magiftrats de Theffalie: fi nous nous arrêtons un inftant chez les Grecs, ils nous rappelleront que leur Olimpe étoit peuplé de Dieux amateurs de l'Harmonie, que leur Parnaffe, temple des concerts parfaits, étoit préfidé par le Soμverain de la lyre; que les plaifirs de leur Elifée immortelle étoient des concerts éternifés; que les tourmens de leur Tartare n'étoient pas feulement un enchaînement de tortures, un Océan de feux implacables, mais encore une difcorde de voix, une horrible confufion de cris douloureux, une diffonnance éternelle de gémiffemens lugubres, ils nous apprendront que dans les beaux fiécles d'Athénes, il étoit honteux d'ignorer la Mufique ; que les Sages de l'Aréopage étoient fes Disciples; qu'elle étoit une des parties de la politesse Attique; que Socrate lui-même, ce mortel eftimé des Dieux & loué par eux, apprit de nouveau dans fa vieilleffe à toucher le luth; que quiconque vivoit *Ptolomée Aulets. Les Proorqueftres. Lucien.

fans goût pour cet art, étoit regardé comme un mortel stupide, qui n'avoit jamais facrifié aux graces; ainfi dans un festin, Thémistocle ayant refufé de prendre la lyre à son tour, fit naître le préjugé d'une éducation négligée. De cet amas de témoignages, il réfulte, je l'avoue, une preuve lumineufe & fatisfaifante; mais c'est peu, oublions tant d'éloges humains, foibles crayons de la dignité de l'Harmonie, ne prenons que fur les autels les Guirlandes dont nous la couronnons: oui, Mef.. fieurs, c'eft fous cet afpect facré que j'aime fur-tout à envisager les honneurs diftingués de cette Science majestueufe; j'aime à la voir finguliérement préférée à toutes les autres, pour parler aux Dieux, pour leur porter l'encens du monde, pour publier leurs grandeurs, pour défarmer leur colére. Jettons un régard fur toutes les Réligions de tous les tems; ici les Temples d'Ifis & d'Ofyris retentiffent du fon des Cyftres de Canopes; là dès l'aube du jour, les Mages de la Perfe & les Ignicoles prennent leurs Harpes d'argent, pour recevoir le Soleil prêt à fortir du fein de l'onde, pour obtenir fes premiers régards, & pour adorer dans cet Aftre le feu éternel, le radieux Oromaze, Dieu de leurs peres; plus loin le noir Brachmane remplit les bords du Gange des hymnes de l'Aurore; ici les rives Grecques répétent chaque jour le nom de Jupiter Olympien ; là,

les rives Hefperiennes rétentiffent des danfes guerriéres & du chant des Saliens, tandis que les rivages Germaniques & les échos de nos contrées répétent au loin le nom du fanguinaire Teutatés chanté par les Druides. Ainfi l'ont pratiqué tous les Peuples; ils chantoient dans leurs mystéres, non-feulement pour parler aux immortels fur des tons fupérieurs au langage vulgaire, mais encore pour fixer l'attention du peuple affemblé, pour pacifier les fens, pour régler les efprits par la jufteffe des fons, pour échauffer les cœurs, pour les préparer à la préfence des Dieux; que dis-je cependant ? Pourquoi m'arrêter fi long-tems fur les honneurs de la Mufique idolâtre ? C'est à toi feule, ce n'eft qu'à tes facrés accords que je dois ma voix, Harmonie fainte du Peuple choifi, toi qui portas fi fouvent aux pieds du Dieu d'Ifraël, les hommages reconnoiffans de fon Peuple; n'étoit-ce pas sous tes aufpices que les Ifraëlites s'avançoient au combat? Précédés des enfeignes triomphantes du Seigneur, les Chantres confacrés marchoient à la tête des bataillons, uniffant leurs voix fublimes aux inftrumens militaires ils imploroient les fecours du Dieu des Armées, & ne dûrent-ils pas même un triomphe à l'Harmonie? Jofué affiége Jéricho; ce n'eft point à l'effort des ames que cette conquête eft réservée par l'ordre fuprême du Ciel, les fept premiers Sacrificateurs

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