POLITIQUES, CIVILES,

E T

LITTÉRAIRES

D U

DİX-HUITIEME SIECLE;

PAR M. LINGUET.

TOME QUATORZIE ME.

A BRUXELLES:

M. DCC. LXXXVIII.

gren lange 15-20-37 33913

GUERRE DU TUR C.

Siege de BELGRADE. Defcription de cette Ville.

LE

E fiege probablement mémorable qui va probablement auffi commencer, eft une espece de Jubilé guerrier: c'eft un évènement féculaire: en 1688, & par conféquent il y a précisément CENT ANS, la Ville de Belgrade après un mois de fiege, a été prise d'affaut par un Electeur de Baviere, Commandant-général des troupes Autrichiennes.

Puiffe cette conformité être d'un préfage heureux ; puiffe le chef de la Maifon d'Autriche dirigeant en perfonne les principales forces de fa Monarchie, maîtrifer la fortune comme le fît alors un de fes repréfentans. C'étoit à cette guerre contre les Ottomans que le célèbre Prince Eugene fefoit fes premieres armes & qu'il développoit des talens fi funeftes depuis à la Turquie elle-même, & plus encore à la France où il avoit été élevé, & à Louis XIV qui avoit dédaigné de l'employer.

Peu de Villes dans l'Europe ont foutenu plus d'attaques éclatantes; peu ont plus fouvent changé de domination. Belgrade a eu le fort de Calais, & en général de toutes les cités qui fe trouvant par leur fituation précifément fur les limites de deux puiffans Empires, & étant la clef du paffage de l'un à l'autre, font fucceffivement l'objet de la convoitife, & des efforts de tous deux. Depuis quatre cens ans elle a vû de fiecle en fiecle au pied de fes ramparts des drapeaux variés, & des armées tanTOME XIV. No 105;

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tôt Musulmanes, tantôt Chrétiennes, que la victoire ne couronnoit pas toujours.

En 1442 le rapide conquérant Amurath II l'affiégea fans pouvoir la prendre, quoiqu'il y eut épuifé toutes fes forces, & toute la fcience de fes ingénieurs, alors fupérieurs à ceux des puiffances Chrétiennes: il n'y avoit point d'artillerie mieux fervie que celle des Turcs. Ils avoient même, ou des reffources en ce genre, ou une hardieffe dont il n'exifte que le fouvenir ils fondoient, & manoeuvroient des pieces énormes à Belgrade Amurath en employa de 100 livres de balle; à Conftantinople, quelques années après son fils Mahomet II en eût, dit-on, de 200.

D'ailleurs les Turcs étoient excellens mineurs (1). Cet art naiffant alors chez les Chré

(1) Ils excelloient même dans toutes les parties de la guerre : ils étoient bons tacticiens. Leurs Janissaires étoient la meilleure infanterie connue leurs Spahis la meilleure cavalerie: ils connoiffoient feuls les manoeuvres militai→ res, & l'art de fe former en corps réguliers, affujettis à un mouvement régulier : ils connoiffoient feuls celui de pourvoir aux approvifionnemens de leurs troupes avant de les faire marcher. Jamais aucune armée Chrétienne n'a été munie avec autant de profufion, & d'intelligence que celles qui firent les fameux fieges de Rhodes, de Malthe, de Candie même.

A Conftantinople Mahomet 11 hazarda avec fuccès une expédition dont la feule idée effrayeroit aujourd'hui nos plus gigantefques ingénieurs: il fît faire à une flotte nombreuse,

tiens, étoit prefque à sa perfection chez leurs ennemis il est devenu de nos jours entre les mains des Vallieres, des Gribovals le plus puiffant moyen pour la défense des Places. Dans celles des Ottomans qui au 15. fiecle marchoient de conquêtes en conquêtes, & n'avoient pas de places à défendre, il fervoit efficacement aux attaques.

en une feule nuit, à force de bras, deux lieues de chemin par terre; il fallut même franchir une colline, & les affiégés qui gardoient tranquillement l'entrée du port, virent avec autant de surprise que d'effroi derriere eux ces vaiffeaux qui les avoient tournés par terre, comme auroit pû faire un régiment.

Dans l'hiftoire des Charles V, des François premier, &c. on ne voit que des révoltes des troupes abandonnées à elles-mêmes fans vivres, fans habits, fans folde. Celles des Turcs ne furent jamais livrées à cette licence, ni leurs chefs expofés à ces affronts, On fe fouvient même qu'à un fiege fur les côtes d'Italie, un Amiral Turc, le célèbre Barberousse, étant venu avec fa flotte au fecours des François qui preffoient la place par terre, à peine futil arrivé que ceux-ci luipfirent demander de la poudre à emprunter ils en étoient abfolument dépourvus. » Quoi » chiens, leur dit l'Amiral plus naïf que poli, vous vou"lez prendre des Villes, & vous n'avez point de muni» tions je ne vous en donnerai point; » & il partit.

On eft quelquefois furpris de la rapidité des conquêtes des Turcs au quinzieme, & au feizieme fiecle: on devroit l'être au contraire de ce qu'elles ont reçu des bornes : on devroit l'être que l'Allemagne, & l'Italie fur-tout leur

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