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d'autres qui avaient souffert pour la foi, notamment Emmanuel Uriarte (1), furent enlevés comme des criminels. Un flamand, Ignace Chome, qui travaillait depuis quarante ans dans ces missions, chez les Chiriguanes, était dans son lit presque mourant; on l'en arracha sans pitié, et on le mit en route pour l'exil; il mourut le 7 septembre 1768, avant de parvenir au port (2). En ce moment-là, des Jésuites arrivaient au Paraguay; on ne les laissa pas descendre à terre, et il leur fallut, pour se rendre en exil, parcourir l'Océan qu'ils venaient de traversér dans d'autres vues.

On croit que le nombre total des Jésuites espagnols pouvait se monter à cinq mille (3). Le philosophe Duclos, qui se trouvait alors à Rome, a consigné dans le récit de son voyage quelques faits qui témoignent du douloureux embarras de la Papauté.

« Le lundi saint, le 13 avril, le courrier d'Espagne apporta la nouvelle de ce qui venait de se passer à l'égard des Jésuites. Cet évènement causa, je crois, beaucoup de distraction à Rome dans leur retraite, s'il ne fut pas même l'unique sujet de leurs méditations. Le Pape assembla aussitôt son conseil; et, sur ce qu'on dit que le roi d'Espagne avait fait embarquer tous les

(1) Caballero, Supplem. alt. Romæ, 1816, in-4o, pag. 103.

(2) Id. Appendix, pag. 114.

(3) M. de Saint-Priest en met près de dix mille, pag. 65.

proscrits, avec ordre de les transporter à Cività-Vecchia, il fut résolu de ne les pas laisser aborder, et, en cas de résistance de la part des Espagnols, d'écarter leurs vaisseaux à coups de canon. Cette résolution fut prise dans l'instant; car, dès le mardi, M. d'Aubeterre (1) en fut instruit, et me le confia.

« Les Jésuites, très-chers à la cour de Rome, sont pour le Pape ce que les troupes du roi sont en France. Mais, dans cette occasion, l'inclination céda à la politique; et le cardinal-ministre Torregiàni, tout protecteur déclaré qu'il est de la Société, se vantait du parti pris, et surtout des canons préparés contre la descente, comme d'un acte d'homme d'Etat et de guerre.

« Il est vrai que le Pape, déjà chargé de la subsistance de quinze cents Jésuites portugais, n'aurait pu fournir à la colonie espagnole, trois fois plus nombreuse (2), » et par surcroît de malheur, on venait d'éprouver trois années de disette (3).

D

Le 13 mai, le premier convoi qui portait les Jésuites de la province d'Aragon, se trouva en face de CivitàVecchia avec huit cent cinquante d'entre eux. Leur arrivée embarrassa le Saint-Siége. Clément XIII avait écrit au roi d'Espagne en leur faveur, et espérait en

(1) Ambassadeur de France.

(2) Duclos, Voyage en Italie, pag. 38.

(3) Ami de la Religion, tom. XXXI, pag. 262.

core fléchir ce prince. De leur côté, les malheureux proscrits se croyaient parvenus au lieu de leur exil, et soupiraient après un peu de repos; il fallut continuer cette douloureuse odyssée, et se rejeter en pleine mer, par les mois les plus chauds de l'année, sans but déterminé et avec l'appréhension d'un sort pire encore. Un historien récent avance que, d'après les suggestions du P. Ricci, général de l'Ordre, les Jésuites furent reçus à coups de canons (1), mais il ne se passa rien de pareil, et un des exilés qui a raconté l'arrivée à Cività-Vecchia, parle simplement de raisons de prudence en vertu desquelles on leur refusa l'entrée du port (2). L'auteur, très-hostile d'une Vie du P. Ricci, reproche au général des Jésuites d'avoir opiné qu'il ne convenait pas que le Pape reçût dans Rome les pauvres bannis, et ajoute • qu'on avait déjà disposé de l'artillerie pour empêcher le débarquement, au cas qu'on voulût le tenter à force

(1) Saint-Priest, pag. 65-6-L'auteur ajoute qu'ils s'éloignèrent furieux; où a-t-il pris tout cela? Probablement dans Duclos, qui se borne, lui, à indiquer des préparatifs. Le protestant Sismondi répond assez, par l'exposé des faits, à cette triste incrimination de M. de Saint-Priest. Histoire des Français, tom. XXIX, pag. 372.

(2) Quando pensavano i Padri di essere arrivati al luogo del loro esilio e insieme del riposo, si videro, per alcune prudenziali ragioni di quei calamitosi tempi, impedito l'ingresso, onde convenne loro voltare subito velo e rimettersi in mare. Vita del servo di Dio P. Giuseppe M. Pignatelli, della Compagnia di Gesù, scritta dal P. Agostino Monçon; Roma, 1833, in-8°, pag. 47.

ouverte (1).» Mais, du moins, cet auteur ne met pas sur le compte du P. Ricci les pièces d'artillerie, mais il ne dit pas qu'il en ait fait usage; et, ne fût-il pas d'une autorité suspecte, on sait d'ailleurs que les ennemis des Jésuites se passaient bien de les consulter sur les mesures à prendre.

Clément XIII s'était tourné vers la France, pour prier le roi de vouloir bien, en attendant qu'il fût possible de prendre d'autres mesures, les recevoir dans les places fortes que nos troupes occupaient en Corse, pour le compte de la République de Gênes, à qui appartenait cette île. C'étaient les villes maritimes de Bastia, d'Ajaccio, de Calvi, de San-Bonifacio, puis deux pauvres villages, Fiorenzo et Algajola, qui tous se trouvaient actuellement en guerre ouverte avec les insulaires, commandés par Paoli (2). A nous en tenir au récit même de M. de Saint-Priest, l'admission des fugitifs en Corse ne faisait pas grand honneur à l'humanité de Choiseul : le ministre français ne se prêta à cette mesure que vaincu, dit l'historien, par les instances du roi d'Espagne, et ne voulant pas le mécontenter pour des moines (3). On ne parlerait guère sur un autre ton, s'il s'agissait de bêtes. de somme.

(1) La Vie de Laurent Ricci; La Haye, 1776, pag. 33-34. (2) Monçon, Vita del P. Pignatelli, pag. 48.

(3) Saint-Priest, pag. 66.

Le capitaine du navire qui portait les exilés n'avait eu pour eux que des procédés généreux; quand il eut reçu l'ordre royal, il les débarqua de préférence à Ajaccio, dont il regardait la situation comme plus favorable que celle des autres ports où il pouvait relâcher. Mais cette ville était alors assiégée du côté de terre par les Corses de l'intérieur, et manquait de vivres. Dans cette extrémité, le P. Pignatelli se dévoua au soulagement de ses frères, et alla en personne au camp des assiégeants, où il s'aboucha avec Caffori, leur chef, lui exposant la douloureuse situation dans laquelle se trouvait un si grand nombre de Religieux, et sollicitant pour quelques-uns d'entre eux l'entrée dans les terres, afin qu'ils pussent y aller chercher un peu de nourriture. Caffori accorda généreusement la permission demandée, et y joignit même les ordres nécessaires à la libre circulation des Jésuites. Le général Paoli le félicita d'une telle conduite, et commanda de son côté à tous ceux qui étaient sous sa dépendance de respecter les Pères, de les laisser librement pénétrer et s'établir où bon leur semblerait. Toutefois, ils ne restèrent que quelques jours à Ajaccio, et soit humanité du capitaine du navire, qui était peiné de les voir ainsi souffrants et exposés au milieu du tumulte des armes; soit vouloir et commandement de personnages d'une plus grande autorité, ils se virent forcés de se rembarquer, et d'é

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