صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

Celles de Mayota, de Mohilla & d'Angajeza, ne font pas plus fréquentées, parce que les approches en font difficiles, & que le mouillage n'y eft pas für. Les Anglois ne relâchent qu'à l'ifle de fainte Jeanne. C'eft que la nature dans une étendue de trente lieues de contour, étale toute fa richeffe avec toute fa fimplicité. Des côteaux toujours verds, des vallées toujours riantes, y forment par-tout des payfages variés & délicieux. Trente mille habitans diftribués en foixante treize villages, en partagent les productions. Leur langue eft l'arabe, leur religion, un mahométisme fort corrompu. On leur trouve des principes de morale plus épurés qu'ils ne le font communément dans cette partie du globe. L'habitude qu'ils ont contractée de vivre de lait & de végétaux, leur a donné une averfion infurmontable pour le travail. De cette pareffe eft né un certain air de grandeur qui confifte pour les gens diftingués, à laiffer croître exceffivement leurs ongles. Pour fe faire une beauté de cette négligence, ils les teignent d'un rouge tirant fur le jaune, que leur fournit un arbrifleau.

Ce peuple, né pour l'indolence, a perdu la liberté qu'il étoit fans doute venu chercher d'un continent voifin dont il doit être originaire. Un né gociant Arabe, il n'y a pas un fiecle, ayant tué au Mozambique, un gentilhomme Portugais, fe jetta dans un bateau que le hafard conduifit à Johanna. Cet étranger fe fervit fi bien de la fupériorité de fes lumieres, du fecours de quelques-uns de fes compatriotes, qu'il s'empara d'une autorité abfolue que fon petit-fils exerce encore aujourd'hui. Cette révolution dans le gouvernement ne diminua rien de la liberté, de la fureté que trouvoient les Anglois qui abordoient dans l'ifle. Ils continuoient à mettre paisiblement leurs malades à terre, où la falubrité de l'air, l'excellence des fruits, des vivres & de l'eau les rétabliffoient bientôt. Seulement on fut réduit à payer plus cher les provifions dont on avoit befoin, & voici pourquoi.

Les Arabes ont pris la route d'une ifle où régnoit un Arabe. Ils y ont porté le goût des manufactures des Indes; & comme des cauris, des noix de coco & les autres denrées qu'ils y prenoient en échange ne fuffifoient pas pour payer ce luxe, les infulaires ont été réduits à exiger de l'argen pour leurs bœufs, leurs chevres, leurs volailles, qu'ils livroient auparavant pour des grains de verre & d'autres bagatelles d'un auffi vil prix. Cette nouveauté n'a pas cependant dégouté les Anglois de ce lieu de relâche.

COMPAGNIE DE COMMERCE.

Par Mr. V. DE FORBONNAIS.

UNE Compagnie de commerce eft une affociation formée pour entre

prendre, exercer ou conduire des opérations quelconques de commerce. Ces Compagnies font de deux fortes; ou particulieres ou privilégiées. Les Compagnies particulieres font ordinairement formées entre un petit nombre d'individus, qui fourniffent chacun une portion des fonds capitaux, ou fimplement leurs confeils & leurs temps, quelquefois le tout enfemble à des conditions dont on convient par le contrat d'affociation : ces Compagnies portent plus communément la dénomination de fociétés.

L'ufage a cependant confervé le nom de Compagnie, à des affociations ou fociétés particulieres, lorfque les membres font en grand nombre, les capitaux confidérables, & les entreprises relevées foit par leur rifque foit par leur importance. Ces fortes de Sociétés-Compagnies font le plus fouvent compofées de perfonnes de diverfes profeffions, qui peu entendues dans le commerce, confient la direction des entreprises à des affociés ou à des commiflionnaires capables, fous un plan général. Quoique les opérations de ces Compagnies ne reçoivent aucune préférence publique fur les opérations particulieres, elles font cependant toujours regardées d'un œil mé content dans les places de commerce; parce que toute concurrence diminue les bénéfices. Mais cette raison même doit les rendre très-agréables à l'Etat, dont le commerce ne peut être étendu & perfectionné, que par la concurrence des négocians.

Ces Compagnies font utiles aux commerçans, même en général; parce qu'elles étendent les lumieres & l'interêt d'une nation fur cette partie toujours enviée & fouvent méprifée, quoiqu'elle foit l'unique reffort de toutes les autres.

L'abondance de l'argent, le bas prix de fon intérêt, le bon état du crédit public, l'accroiffement du luxe, tous fignes évidens de la prospérité publique, font l'époque ordinaire de ces fortes d'établissemens. Ils contribuent à leur tour à cette profpérité, en multipliant les diverfes genres d'occupation pour le peuple, fon aifance, fes confommations, & enfin les revenus de l'Etat.

Il est un cas cependant où ils pourroient être nuifibles; c'eft lorfque les intérêts font partagés en actions, qui fe négocient & fe transportent fans autre formalité par ce moyen les étrangers peuvent éluder cette loi fi fage, qui dans les Etats policés défend d'affocier les étrangers non naturalifés ou non domiciliés dans les armemens. Les peuples qui ont l'intérêt

de l'argent à meilleur marché que leurs voifins, peuvent, à la faveur des actions, s'attirer de loin tout le bénéfice du commerce de ces voifins; quelquefois même le ruiner, fi c'eft leur intérêt c'est uniquement alors que les négocians ont droit de fe plaindre. Autre regle générale tout ce qui peut être la matiere d'un agiotage eft dangereux dans une nation qui paie l'intérêt de l'argent plus cher que les autres.

L'utilité, que ces affociations portent aux intéreffés, eft bien plus équivoque, que celle qui en revient à l'Etat cependant il eft injufte de fe prévenir contre tous les projets, parce que le plus grand nombre de ceux qu'on a vu éclore en divers temps, a échoué. Les écueils ordinaires font le défaut d'œconomie, inféparable des grandes opérations; les dépenfes fastueuses en établissemens, avant d'avoir affuré les profits; l'impatience de voir le gain; le dégoût précipité; enfin la méfintelligence.

La crédulité, fille de l'ignorance, eft imprudente; mais il eft inconféquent d'abandonner une entreprife qu'on favoit rifquable, uniquement parce que les rifques fe font déployés. La fortune femble prendre plaifir à faire paffer par des épreuves ceux qui la follicitent; les largeffes ne font point réfervées à ceux qui rebutent fes premiers caprices.

Il eft quelques regles générales, dont les gens qui ne font point au fait du commerce, & qui veulent s'y intéreffer, peuvent fe prémunir. 1o. Dans un temps où les capitaux d'une nation font augmentés dans toutes les claffes du peuple, quoiqu'avec quelque difproportion entr'elles, les genres de commerce qui ont élevé de grandes fortunes, & qui foutiennent une grande concurrence de négocians, ne procurent jamais des profits bien confidérables; plus cette concurrence augmente, plus le défavantage devient fenfible, 2o. Il eft imprudent d'employer dans des commerces éloignés & rifquables, les capitaux dont les revenus ne font point fuperflus à la fubfiftance: car fi les intéreffés retirent annuellement ou leurs bénéfices, ou fimplement leurs intérêts à un taux un peu confidérable, les pertes qui peuvent furvenir retombent immédiatement fur le capital; ce capital lui-même fe trouve quelquefois déjà diminué par les dépenfes extraordinaires des premieres années; les opérations languiffent ou font timides; le plan projetté ne peut être rempli, & les bénéfices feront certainement médiocres, même avec du bonheur. 3o. Tout projet qui ne préfente que des profits, eft dreffé par un homme ou peu fage, ou peu fincere. 4°. Une excellente opération de commerce eft celle où, fuivant le cours ordinaire des événemens, les capitaux ne courent point de rifque. 5°. Le gain d'un commerce eft prefque toujours proportionné à l'incertitude du fuccès; & l'opération eft bonne, fi cette proportion eft bien claire. 6o. Le choix des fujets qui doivent être chargés de la conduite d'une entreprise, eft le point le plus effentiel à fon fuccès. Tel eft capable d'embraffer la totalité des vues, & de diriger celles de chaque opération particuliere à l'avantage commun, qui réuffira très-mal dans les détails; l'aptitude à ceux-ci marque du talent, mais fouvent ne

marque que cela. On peut fans favoir le commerce, s'être enrichi par fon moyen; fi les loix n'étoient point chargées de formalités, un habile négociant feroit furement un bon juge; il feroit dans tous les cas un grand finan cier mais parce qu'un homme fait les loix, parce qu'il a bien adminiftré les revenus publics, ou qu'il a beaucoup gagné dans un genre de négoce, il ne s'enfuit pas que fon jugement doive prévaloir dans toutes les délibé rations de commerce.

Les Compagnies, ou communautés privilégiées, font celles qui ont reçu de l'Etat un droit ou des faveurs particulieres pour certaines entreprises, à l'exclufion des autres fujets. Elles ont commencé dans des temps de barbarie & d'ignorance, où les mers étoient couvertes de pirates, l'art de la navigation groffier & incertain, & où l'ufage des affurances n'étoit pas bien connu. Alors il étoit néceffaire à ceux qui tentoient la fortune au milieu de tant de périls, de les diminuer en les partageant, de fe foutenir mutuellement, & de fe réunir en corps politiques. L'avantage que les Etats en retiroient, fit accorder des encouragemens & une protection spéciale à ces corps; enfuite les befoins de ces Etats & l'avidité des marchands, perpétuerent infenfiblement ces privileges, fous prétexte que le commerce ne fe pouvoit faire autrement.

Ce préjugé ne fe diffipa point entiérement à mesure que les peuples fe poliçoient, & que les connoiffances humaines fe perfectionnoient parce qu'il eft plus commode d'imiter que de raifonner: & encore aujourd'hui bien des gens penfent que dans certains cas il eft inutile de reftreindre la

concurrence.

Un de ces cas particuliers que l'on cite, eft celui d'une entreprise nouvelle, rifquable, ou coûteufe. Tout le monde conviendra fans doute, que celles de ce genre demandent des encouragemens & des graces partículieres de l'Etat.

Si ces graces & ces encouragemens font des exemptions de droits, il eft clair que l'Etat ne perd rien à ce qu'un plus grand nombre de fujets en profite, puifque c'eft une induftrie nouvelle qu'il favorife. Si ce font des dépenfes, des gratifications, ce qui eft le plus für & même indifpenfable, on fent qu'il réfulte trois conféquences abfolues de la concurrence. La premiere, qu'un plus grand nombre d'hommes s'enrichiffant, les avances de l'Etat lui rentrent plus fürement, plus promptement. La feconde, que l'établiffement fera porté plutôt à fa perfection, qui eft l'objet des dépenfes, à mesure que de plus grands efforts y contribueront. La troifieme, que ces dépenfes cefferont plutôt.

Le lecteur fera mieux inftruit fur cette matiere, en mettant fous fes yeux le fentiment d'un des plus habiles hommes de l'Angleterre dans le commerce. Je parle de M. Jofias Child, au chap. iij. d'un de fes traités intitulé, Trade, and intereft of money confidered.

Perfonne n'eft en droit de fe flatter de penfer mieux; & ce que je veux

dire, foutenu d'une pareille autorité, donnera moins de prife à la critique. Il eft bon d'observer que l'auteur écrivoit en 1699, & que plufieurs choses ont changé depuis; mais prefque toutes en extenfion de fes principes.

» Nous avons parmi nous, dit M. Jofias Child, deux fortes de compa»gnies de commerce. Dans les unes, les capitaux font réunis comme dans » la Compagnie des Indes orientales, dans celle de la Morée, qui eft une » branche de celle de Turquie, & dans celle de Groenland, qui eft une branche de la Compagnie de Mofcovie. Dans les autres affociations ou Compagnies de commerce, les particuliers qui en font membres trafi»quent avec des capitaux féparés, mais fous une direction & des regles » communes. C'eft ainfi que fe font les commerces de Hambourg, de Tur» quie, du Nord & de Mofcovie «

» Depuis plufieurs années, on difpute beaucoup fur cette queftion; fa» voir, s'il eft utile au public de réunir les marchands en corps politiques. << » Voici mon opinion à ce fujet. «

[ocr errors]

» 1°. Les Compagnies me paroiffent abfolument néceffaires pour faire » le commerce dans les pays avec lefquels S. M. n'a point d'alliances, ou » n'en peut avoir; foit à raifon des distances, foit à caufe de la barbarie » des peuples qui habitent ces contrées, ou du peu de communication qu'ils ont avec les Princes de la Chrétienté enfin par-tout où il est » néceffaire d'entretenir des forts & des garnifons. Tel eft le cas des com» merces à la côte d'Afrique & aux Indes orientales. «<

:

» 2°. Il me paroît évident que la plus grande partie de ces deux com» merces, doit être faite par une Compagnie dont les fonds foient réunis. « (Depuis ce temps, les Anglois ont trouvé le fecret de mettre d'accord la liberté & la protection du commerce à la côte d'Afrique. )

» 3°. Il me paroit fort difficile de décider qu'aucune autre Compagnie » de commerce privilégiée, foit utile ou dommageable au public. "

» 4°. Je ne laiffe pas de conclure en général, que toutes les reftric» tions de commerce font nuifibles; & conféquemment que nulle Com>pagnie quelconque, foit qu'elle trafique avec des capitaux réunis, ou fim»plement fous des regles communes, n'eft utile au public; à moins que » chaque fujet de S. M. n'ait en tout temps la faculté de s'y faire ad» mettre à très-peu de frais. Si ces frais excedent au total la valeur de » vingt livres fterling, c'eft beaucoup trop, pour trois raisons. «<

» La premiere, parce que les Hollandois, dont le commerce eft le plus » floriffant en Europe, & qui ont les regles les plus fûres pour s'enrichir » par fon moyen, admettent librement & indifféremment, dans toutes » leurs affociations de marchands & même de villes, non-feulement tous » les fujets de l'Etat, mais encore les Juifs, & toutes fortes d'étrangers. « » La feconde, parce que rien au monde ne peut nous mettre en état » de foutenir la concurrence des Hollandois dans le commerce, que l'au»gmentation des commerçans & des capitaux : c'eft ce que nous procuTome XIII,

Tt

« السابقةمتابعة »