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s'agit, le peuple, c'eft-à-dire, les defcendans & les héritiers de ceux qui ont été forcés de fubir le joug, ont toujours droit de le fecouer, & de fe délivrer de l'ufurpation, ou de la tyrannie, que l'épée & la violence ont introduite; jufques à ce que leurs conducteurs les ayent mis fous une forme de gouvernement à laquelle ils confentent volontairement & de bon cœur; ce qu'ils ne peuvent jamais être fuppofés faire, jufqu'à ce qu'ils ayent été mis dans l'état d'une pleine liberté, dans lequel ils puiffent choifir & le Gouvernement & les Gouverneurs, ou du moins jufqu'à ce qu'ils aient des loix ftables, auxquelles ils aient, ou immédiatement, où par ceux qui les repréfentent, donné leur confentement libre, & ainfi jusqu'à ce qu'ils aient mis en fûreté tout ce qui leur appartient en propre, en forte que perfonne ne puiffe jamais leur en prendre rien contre leur confentement; fans quoi ils ne fauroient, fous aucun Gouvernement, être dans l'état d'hommes libres, mais feroient plutôt de véritables esclaves, & des gens exposés aux fureurs & aux calamités de la guerre. Et qui doute que les Chrétiens de la Grece, qui font defcendus des anciens poffeffeurs de ce pays qui eft aujourd'hui fous la domination du Grand-Seigneur, ne puffent juftement, s'ils avoient affez de force pour cela, fecouer le joug des Turcs, fous lequel ils gémiffent depuis fi long-temps?

Mais accordons, qu'un Conquérant, dans une jufte guerre, a droit fur les biens, tout de même que fur les perfonnes de ceux qui font fubjugués; il eft pourtant clair que cela n'eft point; il ne s'enfuivroit pas fans doute que, dans la fuite de fon gouvernement, il dût avoir un pouvoir abfolu. Car les defcendans de ces gens-là étant tous hommes libres, s'il leur donne des biens & des poffellions, afin qu'ils habitent & peuplent fon pays, fans quoi il ne feroit de nul prix & de nulle confidération, ils ont un droit de propriété fur ces poffeffions & fur ces biens or la nature de la propriété confifte à poffeder quelque chofe, en forte, que perfonne n'en puiffe légitimement prendre rien, fans le confentement du propriétaire.

Leurs perfonnes font libres, par un droit naturel : & quant aux biens qui leur appartiennent en propre, qu'ils foient grands ou petits, eux feuls en peuvent difpofer; autrement ce ne feroient point des biens propres. Suppofons, qu'un conquérant donne à un homme mille arpens de terre pour lui, & pour fes héritiers, à perpétuité, & qu'il laiffe à un autre, mille arpens, à vie, moyennant la fomme de 50 livres ou de 500 livres par an. L'un d'eux n'a-t-il pas droit fur mille arpens de terre, à perpétuité; & l'autre fur autant pendant fa vie, en payant la rente que nous avons marquée? De plus, celui qui tient la terre de mille arpens, n'a-t-il pas un droit de propriété fur tout ce que durant le temps prefcrit, il gagne & acquiert par fon travail & fon induftrie, au-delà de la rente qu'il eft obligé de payer, quand même il auroit acquis & gagné le double de la rente? A-t-on raifon de dire qu'un Roi ou un conquérant, après Tome XIII. Gggg

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avoir accordé & ftipulé ce qu'on vient de voir, peut, par fon droit de Conquête, prendre toute la terre, ou une partie, aux héritiers de l'un, ou à l'autre durant fa vie, & pendant qu'il paye exactement la rente qui a été conftituée ? Ou, peut-il prendre à l'un ou à l'autre, felon fon bon plaifir, les biens ou l'argent, qu'il aura acquis ou gagné fur les arpens de terre mentionnés? S'il le peut; alors, il faut que tous les contrats, que tous les traités, que toutes les conventions ceflent dans le monde, comme des chofes vaines & frivoles; tout ce que les grands accorderont, ne fera qu'une chimere, les promeffes de ceux qui ont la fuprême puiffance, ne feront que moquerie & qu'illufion. Et peut-il y avoir rien de plus ridicule que de dire folemnellement & de la maniere du monde la plus propre à donner de la confiance & à affurer une poffeffion, » Je vous donne cela » pour vous & pour les vôtres, à perpétuité, " & que cependant il faille entendre, que celui qui parle de la forte, a droit de reprendre le lendemain, s'il lui plait, ce qu'il donne?

Je ne veux point examiner à préfent la queftion fi les Princes font exempts d'obferver les loix de leur pays mais je fuis fûr qu'ils font obligés, & même bien étroitement, d'obferver les loix de Dieu & de la nature. Nul pouvoir ne fauroit jamais exempter de l'obfervation de ces loix éternelles. L'obligation qu'elles impofent, eft fi grande & fi forte que le Tout-Puiffant lui-même ne peut en difpenfer. Les accords, les traités les alliances, les promeffes, les fermens, font des liens indiffolubles pour le Très-Haut. Ne feront-ils donc pas auffi, (malgré tout ce que difent les flatteurs aux Princes du monde,) des liens indiffolubles, & des chofes d'une obligation indifpenfable pour des potentats, qui joints tous enfemble avec tous leurs peuples, ne font, en comparaison du grand Dieu, que comme une goutte qui tombe d'un fceau, ou comme la pouffiere d'une balance?

Donc, pour revenir aux Conquêtes, un Conquérant, fi fa cause est juste, a un droit defpotique fur la perfonne de chacun de ceux qui font entrés en guerre contre lui ou ont concouru à la guerre qu'on lui a faite, & peut, par le travail & les biens des vaincus, réparer le dommage qu'il a reçu, & les frais qu'il a faits, en forte pourtant qu'il ne nuife point aux droits de perfonne. Pour ce qui regarde le refte des gens, favoir ceux qui n'ont point confenti & concouru à la guerre, & même les enfans des prifonniers, & pour ce qui regarde auffi les poffeffions des uns & des autres, il n'a nul droit fur ces perfonnes, ni fur ces biens; & par conféquent il ne fauroit, par voie & en vertu de fa Conquête, avoir aucun droit de domination fur ces gens-là, ni le communiquer à fa poftérité. Que s'il use de domination fur eux, & prend leurs biens, tout ce qui leur appartient, ou feulement quelque partie; il doit être confidéré comme un agreffeur & comme un homme qui s'eft mis en état de guerre avec eux, & n'a pas un droit meilleur & mieux fondé, que celui que Hingar, & Hubba, Danois,

ont eu fur l'Angleterre, ou que celui de Spartacus qui conquit l'Italie. Auffi les peuples fubjugués de la forte, n'attendent-ils jamais qu'une occafion favorable & le fecours du ciel, pour fecouer le joug. Ainfi, malgré tout le droit que le Roi d'Affyrie prétendoit avoir fur la Judée, par la voie de fon épée victorieufe, Dieu affifta puiffamment Ezechias, afin qu'il fe délivrât de la domination du victorieux & du fuperbe Empire de ce Monarque. Et le Seigneur fut avec Ezechias, qui réuffit, par-tout où il alla. Il Je rebella contre le Roi des Affyriens, & il ne lui fut point afsujetti. Il paroît évidemment par-là, qu'en fecouant un pouvoir que la force, & la violence, non le droit & la juftice ont établi, quoique ceux qui en ufent de la forte foient traités de rebelles, on n'offenfe point Dieu : en cela, on ne fait que pratiquer ce que ce grand Dieu permet, approuve, autorise, quand même feroient intervenues des promeffes & des conventions extorquées & arrachées de force. Si on lit attentivement l'hiftoire d'Achaz & d'Ezechias, on pourra voir un exemple bien jufte fur ce fujet & autorifé du Seigneur. Car il eft probable que les Affyriens fubjuguerent Achaz & le dépoferent, & établirent Roi Ezechias, du temps & durant la vie de fon pere; & qu'Ezechias fut obligé de confentir à un traité, par lequel il s'engageoit à faire hommage au Roi d'Affyrie, & à lui payer tribut.

CONRINGIUS, (Herman) Auteur Politique.

HERMA

ERMAN CONRINGIUS, né à Norden en Frife, le 9 de Novembre 1606, mort à Helmftadt le 12 de Décembre 1681, étoit un des plus célébres Jurifconfultes, des plus grands médecins & des plus favans hommes d'Allemagne. Il fut Profeffeur de philofophie naturelle, de médecine & de droit à Helmftadt; il eut le titre de médecin & de confeiller de la Princeffe régente du Duché de Frife & de la Reine Chriftine de Suede; & il fut employé en plufieurs affaires d'importance. Tous fes ouvrages, & fur-tout ceux de droit public, méritent d'être lûs. Il en a fait un grand nombre qui, après avoir été imprimés féparément, ont été réunis dans une édition de Brunfwick en 6 vol. in-8°. 1631.

Parmi fes ouvrages, on trouve des traités fous les titres fuivans qui appartiennent à notre fujet : De fubjectione & Imperio; de jure; de regno & tyrannide; de rebus publicis in genere; de morbis ac mutationibus Rerumpublicarum; de Oligarchia; de Democratia; de Legibus; de Majeftatis civilis autoritate & officio circa facra; de Majeftate Imperantium; de regno; de optima Republica; de boni confiliarii in Republicâ munere; de Politiá, five Republica in fpecie dica; de cive & civitate in genere confiderata; de Republica in communi; de differentiá regnorum; de ortu & mutationibus regnorum; de fœderibus; de Legatis; de morbis ac mutationibus

Oligarchiarum, eorumque remediis; de civili prudentia liber unus; de civitate nová; de bello & pace; de vectigalibus; de Majeftatis civilis autoritate & officio circa leges; de commerciis & mercatura; de legatione; de contributionibus; de privilegiis rectè conferendis & revocandis; de dominia maris; de maritimis commerciis.

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Le plus confidérable des ouvrages de politique eft fon traité des limites de l'Empire d'Allemagne. Il a pour titre : De finibus Imperii Germanici libri duo, quibus jura finium à primo Imperii exordio ad hæc noftra ufque tempora propria. Helmftadii, 1654 in-4°. Lipfiæ, 1680 in-4°.; augmenté d'un troifieme livre. Francofurti, 1693, in-4., avec l'augmentation d'un quatrieme volume qui n'eft pas de Conringius. L'auteur traite des droits de l'Empire Romain-Germanique fur les pays qui font hors de l'enceinte de l'Allemagne ; il doit être lû avec précaution car il n'eft pas toujours exact fur les faits, & met fous la mouvance de l'Empire tout ce qui fe trouve au bout de fa plume. Il fait néanmoins cet aveu: » Les droits de » l'Empire Germanique fur les Provinces renfermées dans fes limites, ne » lui viennent point de l'Empire Romain dont les droits font prescrits » depuis long-temps. C'eft d'une autre fource qu'émanent les droits de » l'Empire Germanique, & c'eft à cette fource qu'il faut remonter pour » trouver leur origine (a). « Tout le monde fait, en effet, que les chefs de l'Empire d'Allemagne ne font point les héritiers des Céfars de Rome ni ceux des Céfars de Conftantinople, ni ceux des Céfars François; & plufieurs prétendent qu'ils font fimplement les ufurpateurs d'une partie du patrimoine des defcendans de Charlemagne.

On a attribué à Conringius un petit traité, qui a pour titre : Difcurfus novus de Imperatore Romano-Germanico. Helmftadii, 1642 in-4°. On y prétend juftifier que non-feulement les Rois d'Allemagne & de Lombardie n'ont jamais été foumis à l'Empire Romain; mais que les reftes de l'Empire Romain fe font donnés aux Rois d'Allemagne & de Lombardie. On y rapporte plufieurs exemples pour prouver que jufqu'à Grégoire VII inclufivement, les Empereurs d'Allemagne confirmoient les Pontifes Romains. On s'y éleve avec force contre les ufurpations que les Papes ont faites fur les Empereurs. On y avoue que le nom d'Empereur Romain est un vain titre; mais on y prétend que depuis fept cents ans tous les Etats de l'Europe ont reconnu la préféance des Empereurs; que le premier rang leur a été accordé, non pas tant pour la qualité d'Empereur des Romains, qu'à caufe de la grandeur même de leur Empire; & l'on y foutient que, quand même ce titre feroit fupprimé, la préféance fur tous les autres États n'en appartiendroit pas moins au Royaume d'Allemagne. Conringius n'a jamais reconnu cet ouvrage, & fes héritiers l'ont défavoué.

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CONSCIENCE, f. f.

E mot, en métaphyfique, fignifie la connoiffance que nous avons de nos perceptions actuelles, quelles qu'elles foient. En morale, il défigne la connoiffance des feules perceptions que notre ame a de la moralité des actions. Ainfi pour nous en tenir d'abord à la notion la plus fimple de cet objet, nous définirons la Confcience, en difant qu'elle eft la connoiffance ou le fentiment intime que nous avons des jugemens que notre ame porte fur la convenance ou la difconvenance morale des actions. Selon cette définition, agir contre la Confcience, c'eft agir contre la connoiffance que nous avons du jugement que nous avons porté fur la moralité d'une action; c'est la faire comme convenable, quoique nous fachions bien, que nous avons jugé qu'elle ne l'étoit pas.

Pour que nous foyons confciens de ce jugement fur la moralité des actions, il faut que ce jugement ait été porté pour que ce jugement soit porté, il faut que nous foyons capables de juger de la moralité des actions. Comme on ne peut pas juger de ce qui n'eft point connu, ce jugement fuppofe néceffairement la connoiffance de ce qui conftitue la moralité des actions. Comme il n'y a point de Confcience logique pour un être qui n'a point de perceptions, il n'y a point de Confcience morale pour un être qui ne juge point de la moralité des actions. C'eft donc dans le jugement que l'ame porte fur la moralité des actions, que confifte effentiellement la Confcience morale. Or c'eft la capacité que nous avons de juger de la moralité des actions, qui fait de l'homme un être moral, capable de vice ou de vertu, digne de blâme ou de louange, d'eftime ou de mépris, felon qu'il a fuivi dans fa conduite les regles de la convenance morale.

D'après ces idées, les moraliftes cherchant un terme, pour exprimer ce qui dans l'homme eft le principe de fa moralité, ou de fa qualité d'être moral, n'en ont point trouvé de plus commode que celui de Confcience; & l'empruntant des pfychologes ou des logiciens, en en reftreignant le fens, pour l'affortir au genre d'idées dont ils s'occupent, ils l'ont employé pour défigner ce principe effentiel qui fait de l'homme un être moral. Les Wolfiens confidérant les chofes dans leur état originaire, ont défini la Conscience, la faculté que nous avons de juger de la moralité de nos actions. La plupart des autres moraliftes regardant comme inutile une faculté fimplement exiftante, mais fans exercice, ont mieux aimé définir la Confcience, le jugement même que l'ame porte fur la moralité des actions. Des troifiemes enfin, pour éviter l'erreur qui réfulte fouvent de l'emploi de ces termes abftraits, par lefquels on défigne les attributs

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