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ca agit envers fa femme, comme envers l'objet choisi de fon affection, qui fe croit refponfable de l'honneur de fon épouse comme du fien, ne lera pas méprifé, fi, malgré fes foins, fon époufe infidele viole les droits exclufifs qu'elle lui a donnés fur elle. On ne le diffamera pas par le titre burlesque de cocu; on ne badinera pas bouffonnement de fon état, en le nommant cocuage. On méprifera fa femme, elle fera l'objet de l'indignation; on confervera pour lui l'eftime qu'il fe fera acquife.

Quelques perfonnes ont cru trouver dans le mépris, que fans le partager, une femme adultere fait rejaillir fur l'époux qu'elle trompe, une compenfation du déshonneur dont fe couvre une fille, qui fe livrant à fes paffions, perd fa virginité & devient mere, fans que celui qui l'a féduite fouffre le même déshonneur. Un jeune homme, dit-on, n'eft pas couvert de honte, quoiqu'il ait plufieurs fois commis des crimes contre la chafteté, de même une femme mariée n'eft pas déshonorée par fes écarts; chacun a fon tour, c'eft l'homme que fa femme trompe, qui devient la rifée du public, c'est une fille dont un homme abufe, qui prefque toujours en porte feule la peine.

On ne fauroit difconvenir qu'à certains égards, ce calcul ne foit vrai, & qu'il ne foit fondé fur le préjugé de la multitude; mais l'erreur de la foule, qui renverfe les idées de la faine morale, doit-elle fervir de prétexte aux perfonnes fenfées, pour établir un fyftême auffi défavorable aux bonnes mœurs? Rien de plus jufte que le mépris que l'on a pour une fille, qui franchit les bornes de la pudeur, malgré les raifons qui les lui rendoient refpectables; rien de plus injufte que la licence que l'on accorde aux jeunes hommes, d'abufer des filles & de pécher contre la chafteté; nulle regle de morale, nul principe de droit naturel n'autorise la différence que nos mœurs dépravées, ont mise à cet égard entre les deux fexes; rien non plus dans ces deux fources de droiture, ne juftifie l'idée qu'ont adoptée trop de perfonnes, que le mari d'une femme galante fût plus déshonoré, que la femme qui le déshonore. On comprend bien que l'on pardonne davantage les galanteries d'une femme mariée, quand on n'y eft pas intéreffé comme mari, que celles d'une fille; parce que celle-là court moins de rifque de voir fa faute prouvée que celle-ci : mais fa faute, quand elle eft réelle, n'eft-elle pas bien plus criminelle, puifqu'outre ce que la pudeur exigeoit d'elle, elle eft encore liée par des relations étroites, des engagemens facrés, une dépendance particuliere, qui au déshonneur dont fon action doit la couvrir à fes propres yeux, joint encore l'injuftice, le manque de parole, l'infidélité réelle, la perfidie, la fauffeté & le vol réel, dont elle fe rend coupable envers fon mari, à qui elle a juré d'être fidele, & à qui elle a donné fur elle des droits exclufifs? Difons pourtant ici, pour rendre raifon du mépris ou de la honte, qui poursuivent un mari trompé, que ce préjugé, tout injufte qu'il eft dans bien des cas, eft en général fondé fur une railon affez forte, qui fubfifte depuis l'existence des humains. Xxx 2

La femme a été créée, pour être foumise à l'homme : fa foibleffe, fes befoins, fes incommodités fréquentes, lui ont rendu néceffaire un protecteur; la légéreté ordinaire de fon efprit, fon défaut de fermeté & de courage pour réfifter à fes penchans; la facilité avec laquelle elle fe laiffe féduire à ce qui flatte fa vanité, fes fens; fon goût pour le plaifir lui ont rendu néceffaire un gardien pour fa vertu, un guide pour fes démarches, un furveillant fur fa conduite; ce n'eft pas qu'une bonne éducation n'eût pu lui rendre ces fecours moins néceffaires, mais cette bonne éducation néceffaire pour la mettre au deffus des pieges du vice & de l'appât de la féduction, eft bien rare. La néceffité de ces foutiens pour fa vertu & fa fageffe, eft prefque toujours réelle. Après les parens qui l'ont élevée, où les trouvera-t-elle, fi ce n'eft dans fon mari? Si donc on rejette ordinairement fur la négligence blâmable, l'imbécille foibleffe & l'aveuglement ftupide des parens, les fautes de leur fille, parce qu'ils n'ont pas étudié, & formé fon caractere par de bons principes & de bons exemples, parce qu'ils n'ont pas fait attention aux compagnies qu'elle fréquentoit, qu'ils n'ont pas écarté les occafions de féduction & de faute, qu'ils n'ont pas arrêté à temps fa pétulance étourdie & innocente, qu'ils n'ont pas éclairé fes démarches même les plus fecretes; n'aura-t-on pas droit de rejetter auffi les fautes d'une femme, fur la négligence d'un mari à qui fa femme appartient plus qu'à fes parens, dont elle eft le bien, la poffeffion le tréfor; qui en conféquence devoit remplir à fon égard tous les devoirs d'un pere, d'un confeiller, d'un directeur, d'un furveillant, d'un fage dépofitaire? Tout mari qui connoîtra l'étendue de fes devoirs à cet égard qui les remplira avec bon fens & en homme fage, n'aura pas à craindre d'être trompé, à moins qu'il n'ait eu le malheur d'époufer une fenime abfolument perdue; hors de ce cas, dans lequel la femme feule fera déshonorée, & le mari à couvert de toute raillerie, on peut dire que tout cocu l'eft par sa faute, comme toute fille fe déshonore par la faute de fes parens. Que l'on examine en effet la conduite ordinaire de ces époux déshonorés, & on y trouvera la fource des défordres de leurs épouses. Des maris infideles eux-mêmes, prefque toujours abfens, peu foigneux de conferver le cœur & l'eftime de leur femme, des maifons toujours remplies d'étrangers affez fouvent fans mœurs, des femmes toujours oifives, toujours occupées de plaifirs vains, d'amusemens frivoles, de parties libres, de lectures féduifantes & propres à corrompre le cœur des femmes jeunes, veuves par l'abfence de leurs maris, dès le commencement de leur mariage, & pendant plus des deux tiers de leur vie. Ce n'eft pas aux femmes fans doute à réformer les mœurs par des loix, que les hommes ont gardé pour eux feuls le droit de donner. Eft-il donc étonnant fi l'on méprise les hommes pour des défordres dont ils fe plaignent, & qui ne font dûs qu'à leur négligence?

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CONJURATION, f. f.

IL eft à propos de parler des Conjurations,

eft à propos de parler des Conjurations, parce que c'eft une chofe très-dangereufe, & pour les Souverains les Souverains, & pour les particuliers. L'on a vû beaucoup plus de Princes, perdre leurs Etats & leur Couronne, par cette voie, que par le fort des armes. La raison eft, qu'il y a peu de gens en état de faire une guerre ouverte à une tête couronnée ; mais, quand il s'agit de confpirations, les moindres particuliers peuvent les entreprendre. D'autre côté, les fujets ne peuvent pas former de deffeins plus téméraires & plus hafardeux, que de confpirer contre leur Souverain; car, de quelque maniere qu'on envifage un tel projet, il est toujours trèsdifficile & très-dangereux. De-là vient, que de tous ceux qu'on entreprend il y en a fort peu qui réuffiffent.

Afin donc que les Princes fe précautionnent contre ces attentats, & que les particuliers s'y hafardent moins; ou plutôt, afin qu'ils apprennent à fupporter la domination fous laquelle la fortune les a fait naître, j'entreprends de traiter fort au long des confpirations, ne voulant rien omettre de ce qui peut être de quelque utilité pour l'inftruction des uns & des autres fur une matiere fi importante.

Il faut avouer, qu'il n'eft point de plus belle maxime, que celle de Tacite, lorfqu'il dit, que les hommes doivent avoir de la vénération pour les temps paffés, & s'accommoder au préfent. Ils doivent fouhaiter de bons Princes, & fupporter les autres; car, il est très-conftant, que tous ceux, qui en ufent autrement, attirent fouvent une ruine totale, & fur eux, & fur leur patrie.

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Mais, pour entrer en matiere, il faut examiner d'abord contre qui les Conjurations fe font d'ordinaire; & nous trouverons qu'on les entreprend toujours, ou contre la patrie, ou contre le Prince. C'est donc de ces deux fortes de Conjurations, dont j'entreprens de traiter à préfent; car, à l'égard de celles qui fe font pour livrer une place à l'ennemi, lorfqu'il l'affiege, & de toutes les autres efpeces de cette nature, ce font des trahisons dont nous aurons occafion de parler ailleurs.

Pour commencer par celles qui fe forment contre le Prince, il faut examiner ce qui les fait naître; & nous trouverons qu'il y en a bien des causes, dont la plus confidérable, & celle qui tire à des conféquences plus dangereufes, eft la haine générale qu'un Souverain fe fera attirée, & qui fera née des reffentimens d'une infinité de particuliers, que le Prince aura tant de fois maltraités, qu'enfin il leur aura fait naître une forte paflion de fe venger.

Il ne faut donc pas qu'un Prince s'expose à tomber dans une averfion

fi générale; & ce n'eft pas ici le lieu de dire ce qu'il doit faire, & comment il doit fe comporter pour éviter un tel malheur. S'il évite la haine publique, il aura beaucoup moins à craindre celle des particuliers; premiérement, parce que ceux, qui auront une haine perfonnelle contre le Souverain se trouveront rarement difpofés à être affez vindicatifs pour s'expofer à tous les rifques qu'il y a dans une vengeance de cette forte; fecondement, ils feront extrêmement retenus dans leurs deffeins par l'amour général des peuples pour leur Prince.

Or, tous les outrages, qu'un Prince peut faire à un fujet, font de lui ravir fes biens, de le maltraiter dans fa perfonne ou dans les fiens, de ne pas lui rendre la juftice qui lui eft due, en quoi que ce foit, par exemple de ne pas lui donner un pofte qu'il a plus mérité qu'aucun autre, ou de le lui ôter fans raifon pour en gratifier un favori. Il est plus dangereux à un Prince de menacer, que d'en venir à l'exécution; car, à l'égard du dernier, il n'y a aucun rifque; &, pour le premier, le Souverain s'expofe à mille dangers; premiérement, parce qu'un homme mort ne pense plus à la vengeance; & ceux, qui demeurent après lui, ne fe chargent pas volontiers de ce foin. Mais, un homme, qui, par les menaces de fon maître, fe voit dans la néceffité, ou de périr, ou de fe défendre, devient par-là un fujet très-dangereux.

Après la vie, c'eft le bien & l'honneur où les hommes font le plus attachés, & c'est auffi en cela que le Prince doit le moins outrager fes fujets car, il ne peut jamais appauvrir un homme jufqu'à lui ôter les moyens d'acheter un poignard pour fe venger; & il eft impoffible de déshonorer tellement un homme, que cela lui abatte affez le courage, pour éteindre en lui l'efprit de vengeance. Un des affronts, qui pouffent le plus un homme à bout, eft le mépris qu'on lui témoigne foit pour fa perfonne, ou ceux qui lui appartiennent. Ce fut le mépris, que Philippe de Macédoine fit des plaintes de Paufanias, qui pouffa celui-ci à affaffiner ce Prince; & beaucoup d'autres ont pris les armes contre leur Souverain, y étant auffi portés par le mépris. Lorfque Jule Balanti conjura contre Pandolfe, Tyran de Siene, cela ne vint que de ce que le Tyran, après lui avoir donné fa fille en mariage, la lui ôta enfuite. La principale raifon, qui porta les Pazzi à confpirer contre les Médicis, fut que ces derniers firent en forte d'ôter aux autres le bien qui leur venoit par la mort de Jean Boromée.

Il y a encore un très-puiffant motif qui porte les hommes à conjurer contre le Prince; c'eft la paffion qu'on a, de délivrer fa patrie de l'efclavage où il l'a réduite. Ce fut-là le motif qui porta Brutus & Caffius à complotter contre Céfar. Le même motif a excité toutes les autres Conjurations qu'on a faites contre les Phalaris, les Denys, & autres Tyrans; & l'on ne peut fe délivrer de ce danger, qu'en renonçant à la tyrannie. Mais, comme il y en a peu qui puiffent s'y réfoudre, il y en a peu auffi

qui finiffent bien. C'eft ce qui fait dire à Juvenal, qu'il y a peu de Tyrans qui meurent dans leur lit.

Les dangers, qu'on court en faifant des complots, font très-grands, parce qu'il peut arriver mille hafards dans le temps qu'on les trame, dans celui qu'on les met en exécution, & enfin, dans celui qui fuit l'exécution. Ceux qui conjurent, font toujours en nombre; car, on ne peut pas appeller Conjuration la réfolution qu'un feul homme forme d'affaffiner le Prince; & ce n'eft que dans le dernier cas qu'on eft à couvert du premier danger qu'on court dans le deffein de fe défaire du Souverain; car, l'on n'a rien à craindre avant l'exécution, puifque perfonne ne fachant votre fecret, vous êtes affuré qu'il ne fera pas révélé. Une réfolution de cette nature peut être prife par toutes fortes de gens, de quelque rang qu'ils puiffent être; car, les plus petits peuvent aborder le Prince, & en même temps faire éclater leur vengeance.

Paufanias, dont nous avons déjà parlé, tua Philippe dans le temps qu'il alloit au temple, accompagné de mille Gardes bien armés, ayant à fes côtés fon fils & fon gendre; mais Paufanias étoit un homme de qualité, & bien connu du Roi. Un miférable Espagnol, de la lie du peuple donna un coup de couteau dans la gorge à Ferdinand, Roi d'Efpagne. Il est vrai que là bleffure ne fut pas mortelle; cependant, cela fait voir que cet homme eut le courage & l'occafion de faire le coup. Un Dervis donna un coup de cimeterre à Bajazet. Il eft bien vrai qu'il ne le bleffa pas, néanmoins, il ne manqua, ni de volonté ni de commodité, pour le faire.

Je fuis perfuadé qu'il y a affez de gens qui voudroient bien faire de pareils coups, parce que l'intention n'expofe à aucun rifque; mais, il y en a peu qui viennent à l'exécution : & de ceux-là il y en a fort peu, & même pas un, qui ne foit tué fur le champ. Ainfi, l'on a de la peine à trouver des gens qui veuillent aller chercher une mort affurée. Mais, c'eft affez parler de ces fortes de réfolutions, formées par une feule perfonne; parlons à préfent de celles qui fe forment par plufieurs.

Je dis, que les Conjurations qu'on lit dans les hiftoires, font presque toutes formées par de grands hommes, ou par les plus intimes amis des Princes; car les autres ne peuvent pas former des complots, à moins qu'ils n'ayent entiérement perdu l'efprit, parce que la plupart des gens du commun, & ceux qui ne font pas amis du Souverain, ne peuvent espérer aucun fuccès de ces fortes d'entreprises étant deftitués de tous les moyens néceffaires pour les bien exécuter. Premiérement, un homme de peu de conféquence ne peut pas efpérer de trouver des gens qui lui foient fideles, parce qu'il ne peut leur donner de ces fortes d'efpérances, qui engagent d'ordinaire les hommes à s'expofer à de grands périls: ainsi qu'un tel homme s'eft ouvert à deux ou trois perfonnes, il trouve auffitôt un délateur. Mais, quand il feroit affez heureux pour qu'aucun de fes

dès

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