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oublier, ce dédain assurément est peu de chose; le vaste champ où se met à son aise la calomnie, c'est cette admiration effrénée pour le héros qui eut à dévorer en tombant les injures les plus ignobles, de la part même de certains ingrats, ou de certains partis qui reprochent à d'autres de ne l'avoir pas assez admiré.

Au reste, le P. Loriquet avait composé, en 1803, quelques vers à la louange de Napoléon, premier consul; ils prouvent assez que ce Religieux n'avait aucun parti pris contre le grand capitaine (1). Si depuis lors il le jugea avec sévérité, il ne fit en cela que devancer le jugement de plusieurs contemporains illustres. Ainsi, il regrette que Napoléon n'ait pas ambitionné le rôle de Monck; mais Lamartine a dit :

Ah! si, rendant le sceptre à ses mains légitimes,
Plaçant sur ton pavois de royales victimes,

Tes mains des saints tombeaux avaient lavé l'affront;
Soldat vengeur des rois, plus grand que ces rois même,
De quel divin parfum, de quel pur diadême,

L'histoire aurait sacré ton front!

Il flétrit du nom d'assassinat la mort du duc d'Enghien. Lamartine encore s'est écrié :

La gloire efface tout, tout, excepté le crime.
Mais son doigt me montrait le corps d'une victime:
Un jeune homme, un héros, d'un sang pur inondé.
Le flot qui l'apportait passait, passait sans cesse,
Et toujours, en passant, la vague vengeresse

Lui jetait le nom de Condé.

(1) Henrion, ibid., pag. 339.

Il dit que Napoléon, ce grand moissonneur d'hommes, mérita, aussi justement qu'Attila, le nom de fléau de Dieu. Mais l'historien le dit-il avec autant de vigueur que le poète ? On connaît cette strophe de Victor Hugo:

Quand la terre engloutit les cités qui la couvrent,
Que le vent sème au loin un poison voyageur;

Quand l'ouragan mugit, quand les monts brûlants s'ouvrent,
C'est le réveil du Dieu vengeur.

Et si, lassant enfin les clémences célestes,
Le monde à ces signes funestes

Ose répondre en les bravant,

Un homme alors, choisi par la main qui foudroie,
Des aveugles fléaux ressaississant la proie,

Paraît comme un fléau vivant.

Il préconisait la dynastie des Bourbons; mais l'auteur des Messéniennes a dit, lui aussi :

Nous aimerons bientôt ceux qu'ont aimés nos pères;
Ils sont nés parmi nous, et nos rois sont nos frères.
Leurs aïeux aux combats ont conduit nos aïeux.....
Soldats, le Ciel prononce; il relève le lis :
Adoptez les couleurs des héros de Bouvines,
En donnant une larme au drapeau d'Austerlitz.

Mme de Staël avait appelé Bonaparte un Robespierre à cheval, et le Journal des Débats se plaisait à répéter ce mot en 1814 (1). Le même journal reproduisait avec amour l'écrit de Buonaparte et des Bourbons, par M. de

(1) Voir le n° du 3 avril et celui du 9.

Châteaubriand, et l'Empereur tombé n'était plus qu'une bête féroce (1), un grand scélérat, l'effroi et le tyran de sa propre famille, un monstre que l'humanité rejetait (2), un nouvel Attila, une sorte de Barbare du vo siècle (3). Enfin, ce journal qui imputait au P. Loriquet, il y a peu de temps encore, la fameuse phrase que nous avons dite, traça jadis le portrait de Napoléon avec des couleurs qui n'ont été dépassées par aucune satyre :

• Pendant quinze années, disait-il, le génie du mal a régné sur la France, et il a eu de nombreux adorateurs. La peur et la bassesse ont fait un dieu d'un fléau, d'un monstre. De grands moyens confiés aux mains de Buonaparte ont été employés par lui à faire de grandes. folies et à commettre de grands crimes..... Disons-le franchement, Buonaparte n'avait rien de grand que sa perversité, sa déraison et son mépris féroce pour l'humanité : son génie, sa puissance, ses succès, sa gloire, tout est là.... Nous serions à jamais indignes de sentir, d'admirer la véritable grandeur, si nous persistions à la voir dans cette suite d'accès de folie furieuse, qui composent le règne de Buonaparte.... Nous ne pouvions ignorer combien son ame était petite, faible, susceptible de superstitions et de terreurs; son esprit faux, déréglé, bizarre; ses connaissances incertaines et mal digérées; son langage bas et grossier, ses manières ignobles et ses mœurs indécentes. Quelque jour, sans doute, un nouveau Suétone rassemblera ces anecdotes privées, ces détails de vie intérieure qui, dépouillant

(1) Journal des Débats, 27 avril 1814.

(2) Ibid., 6 mai 1814.

(3) Ibid., 16 mai.

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le prince de son appareil usurpé de grandeur et d'éclat, mettront l'homme à nu, et feront voir à tous les yeux sa petitesse et sa difformité naturelles. Chacun alors pourra se convaincre que le prétendu héros, le faux demi-dieu n'avait pas même en lui, hors ses vices, les facultés d'un homme ordinaire, et que la France a fléchi le genou a tremblé devant un misérable qui eût été le rebut de l'humanité, s'il n'en avait dû être le fléau.... Il voulut achever l'antique demeure de nos rois, mais ce fut par un sot orgueil, ce fut pour souiller tous les murs du Louvre de son effigie, de son écusson et de son chiffre, ridiculement prodigués.... Les hommes doivent maudire éternellement le plus grand massacreur et le plus grand avilisseur d'hommes qui ait jamais existé. Enfin, le voilà traduit au tribunal vengeur de l'histoire, et l'y voilà traduit de son vivant. C'est un supplice que n'ont point subi les autres tyrans; on dirait que Dieu, qui le lui réservait, lui a inspiré cette lâcheté qui nous a tous confondus (1). »

En vérité, l'on est bien en droit de prendre contre d'autres la défense de Napoléon, lorsque, dans une feuille qui est restée aux mains de la même famille, on a jeté toute cette boue sur la mémoire d'un grand homme déchu.

Passons à d'autres exemples.

Dans son Cours d'histoire et de morale, l'académicien Daunou, à propos du 18 brumaire et des scènes de l'Orangerie de Saint-Cloud, parlait de l'attentat, de l'usurpation d'un soldat ambitieux; il parlait de l'oppres

(1) 27 avril 1814.

sion des vaincus, des extravagances et de l'extrême lâcheté du vainqueur, et l'accusait d'avoir ouvert par d'impudents mensonges un long cours de tyrannie (1). Un Jésuite n'a-t-il pas le même droit qu'un académicien?

Pour M. Lacretelle, l'Empire est une histoire surchargée de batailles, de fraudes politiques, et terminée par de lamentables catastrophes (2). Le même écrivain, dans un discours à la Faculté de Lettres, ou plutôt dans un réquisitoire contre les Jésuites, disait : « Ils seront toujours à la dynastie qui leur accordera le plus, jusqu'au premier moment de sa résistance (3); • et encore : « Jamais le Père Loriquet n'a fait un mensonge historique de cette force (4). « En premier lieu donc, M. Lacretelle prétendait flétrir dans les Jésuites un cau teleux servilisme, qui ne durerait qu'autant que peut durer la faveur; en second lieu, M. Lacretelle faisait allusion, si nous devinons juste, aux calomnies que d'autres avaient trouvées contre l'Histoire de France du Père Loriquet. Maintenant, nous allons voir si quelqu'un était moins fondé que l'auteur de cette satire, à travestir ainsi la Compagnie de Jésus. Vers l'époque même où M. Lacretelle crut devoir publier cette âpre philippique, on avait exhumé les réflexions suivantes, insérées le 4 avril 1814, dans le Journal des Débats:

« Les conquérants n'étaient point encore assez haïs;

(1) Journal des Débats, 10 février 1846, aux Variétés. (2) Ibid.

(3) Discours prononcé à la Faculté des Lettres, le 17 avril 1844; Paris, Allouard, in-8o, 1844, pag. 5.

(4) Ibid., pag. 7.

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