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non plus. Toute cette longue chaîne d'Ordres religieux qui ont, à travers les siècles, développé leur admirable variété dans la forte unité de l'Eglise, et concouru diversement à la gloire de Dieu, n'étaient pas davantage nécessaires. Ils avaient appris aussi de l'apôtre saint Paul, que lorsqu'on a sué et peiné, il faut dire encore: Je suis un serviteur inutile. Jésus-Christ pouvait établir son règne sur le monde par le simple apostolat des évêques et des prêtres, ayant à leur tête le successeur de saint Pierre; mais il ne l'a pas voulu ainsi, et, dès les premiers temps, il y a eu des ascètes, des moines, des cénobites; et le saint précurseur du Christ était lui-même un prophète, menant une vie solitaire.

Toutefois, retranchez du vaste champ de l'Eglise ces fleurs odorantes et belles qui n'ont cessé d'y exhaler leur divin arôme; ôtez au christianisme ces infatigables ouvriers qui, à différents âges, lui ont apporté leur pieuse industrie, leur vertu et leur savoir; effacez, supprimez jusqu'à ce que l'ennemi, qui est aux abords de la place, vous dise que c'est assez, et qu'il puisse plus aisément pénétrer dans l'enceinte; alors vous verrez à quoi servent les Ordres religieux, ceux qui se livrent surtout à la prière, comme ceux qui s'adonnent plus spécialement au travail.

Assez souvent on a invoqué contre les Jésuites leur prétendue impopularité. Mais comment se fait-il qu'on les accuse, d'autre part, de tout envahir? Celui qui peut se rendre maître des esprits sans autre force matérielle que la persuasion, celui-là est-il donc si impopulaire? Nous voudrions ensuite qu'on nous prouvât que le bien, sous quelque forme qu'il se produise, jouit essentiellement de la popularité, et partout, et toujours. Voyez le

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christianisme lui-même : qui donc osera dire qu'il est populaire? Ce n'est que par une lutte sans fin qu'il marche à la conquête du monde. Regardez les hommes de génie, les illustres inventeurs; est-ce que l'impopularité, la persécution même ne les a pas suivis trop souvent dans les voies hardies qu'ils se frayaient? Et les grands rois, et les hommes d'Etat? plus d'une fois nous avons entendu, surtout de nos jours, car il en est besoin, parler de leur impopularité comme d'un titre de gloire, et l'on a frappé une médaille à M. Guizot, pour quel grand triomphe? pour avoir dit à l'opposition de la Chambre des Députés : Vos injures ne monteront jamais jusqu'à la hauteur de mon dédain. Le peuple grondait autour du cercueil de Colbert, et une joie indécente accompagnait Louis XIV à Saint-Denis. Qu'on ne vienne donc pas nous présenter l'impopularité d'une institution ou d'un homme comme un argument infaillible contre cet homme, contre cette institution. En vérité, nous ne savons s'il est au monde un pouvoir qui pût tenir contre ces lumineuses raisons qu'on accueille avec une faveur si empressée, lorsqu'il s'agit simplement des Jésuites.

Et ici, pour montrer jusqu'où peut descendre la haine, il est bon de rappeler qu'on a sérieusement reproché aux disciples de saint Ignace leur nom de Jésuites, que, du reste, ils ne prirent pas d'eux-mêmes, et qui leur vint du dehors. Cette accusation pharisaïque d'impiété, niaisement intentée par Etienne Pasquier et par d'autres, retomberait sur tout ce qui porte le nom de chrétien, autant que sur les Jésuites, si elle avait l'ombre de sérieux. En quoi, effectivement, le nom de Christ, l'Oint, est-il moins sacré que le nom de Jésus, le Saint?

Comment donc l'appellation de jésuite serait-elle plus impie que celle de chrétien ?

III. Altération de l'histoire et falsification des textes, quand il s'agit des Jé suites.-Etienne Pasquier.-De Thou.-Montaigne et M. Victor Leclerc.-Le Père Loriquet et Bonaparte, généralissime des armées de S. M. Louis XVII.M. Passy, Lamartine, V. Hugo, Daunou, Lacretelle, le Journal des Débats. M. Soult.-M. Cousin.-M.Villemain.-B. Constant.-Sa M. Louis Philippe.MM. Cousin et Quinet mutilant un passage des Constitutions des Jésuites.— Les cardinaux Zurla et di Gregorio, protecteurs des Jésuites, suivant le Constitutionnel.

Les érudits qui interrogent les annales des peuples, leurs monuments et leurs livres, se font gloire d'apporter à ce travail une grande patience, une impartialité rigoureuse, et ne se risqueraient point à disserter avec précipitation sur les Egyptiens ou les Spartiates. S'il est question d'éclaircir le texte d'un historien, de rétablir un vers d'un poète, on discute long-temps et gravement; on apporte les preuves pour et contre l'opinion choisie; on n'omet rien enfin pour arriver à la vérité, s'il se peut.

Une illustre Compagnie tant de fois jugée n'a pas eu le bonheur d'inspirer à ceux qui en ont parlé sur le ton le, plus imperturbable, cette impartialité scrupuleuse dont on se piquera pour un chapitre d'histoire, ou pour un mot, pour une syllabe d'un auteur mort il y a quelques siècles, quelques mille ans peut-être. A quoi cela tient-il? Ne faut-il pas voir là-dessous une passion, un aveuglement que l'on ne sait de quel nom appeler? Dès-lors, l'intérêt ne doit-il pas se reporter avec force

vers les victimes d'une si étrange perfidie, d'une si constante déloyauté ?

Ce que nous avançons, nous le devons prouver par quelques exemples: il n'y a malheureusement que le choix qui embarrasse.

Nous commençons par un des hommes les plus fameux de cette odieuse guerre. Etienne Pasquier, dans son Catéchisme des Jésuites, échafaude contre les fils de Loyola une grave accusation uniquement sur la parole d'un mort, le marquis de Pisani. Le même homme, dans ses Plaidoyers, s'appuie sur un autre mort, parce que le tombeau ne rend pas sa proie, et qu'il devient impossible de contester une telle autorité. Mais ici, il y a progrès. Ce n'est plus un diplomate qu'il met èn scène, c'est un Jésuite, le P. Pasquier Brouet. Dans plusieurs de ses lettres à M. de Ste-Marthe, à M. Fonsomme, et dans la dernière du x11 livre, il raconte, puis, dans ses plaidoieries, il révèle qu'en 1556 il s'était trouvé à la campagne avec ce compagnon d'Ignace de Loyola. Pendant trois jours, nous dit l'avocat de l'Université, le P. Brouet, l'homme le plus discret de tous les Jésuites, auxquels jusqu'à présent on n'a guère reproché leur indiscrétion, le P. Brouet s'expliqua avec lui sur ce qu'il y de plus intime dans l'Institut, et lui développa avec complaisance les projets vastes et profonds que l'Ordre avait conçus.

Etienne Pasquier nota sur-le-champ, ajoute-t-il, cès conversations, sans prévoir qu'il dût jamais avoir occasion d'en faire usage. Ce plan de l'Institut, confié à des oreilles si délicates, dormait dans son cabinet; et, quand il se chargea de la cause de l'Université, il n'eut plus, pour démasquer les Jésuites, qu'à mettre en œu

vre les révélations du P. Brouet. L'avocat était bien sûr alors de ne pas recevoir un démenti du Jésuite : il plaidait en 1565, et le P. Brouet était mort en 1562.

En lisant ce récit, mot pour mot, extrait de la Correspondance, des Plaidoyers et du Catéchisme de Pasquier, on conviendra qu'il faut être bien avocat pour faire ainsi de l'histoire (1).

Nous venons de voir Etienne Pasquier écrivant l'histoire sur la foi de personnages morts; voyons de quelle manière de Thou lui-même l'arrangeait, lorsqu'il était question des Jésuites.

Hieronimo Conestaggio, gentilhomme génois, a composé un livre intitulé : Dell' unione del regno di Portogallo alla corona di Castiglia. Ce livre parut en 1585, et nous citons l'édition de Venise de 1592. Conestaggio n'est pas toujours exact; de Thou, qui le suit à la piste, ne l'est pas davantage; mais, quand il s'agit des Jésuites, de Thou se fait un devoir de le défigurer. Le plagiat est évident pour ceux qui comparent les deux auteurs; la mauvaise foi est aussi éclatante. Nous en citerons une preuve entre plusieurs autres.

(1) Crétineau-Joly, Histoire de la Compagnie de Jésus, tom. II, pag. 73.-Nous avons mis plus d'une fois les honnêtes scrupules des adversaires de la Compagnie de Jésus en parallèle avec leur conduite ou leur langage. A propos de l'auteur du Catéchisme, nous nous bornerons à ces quelques lignes: On sait les beaux vers, les vers touchants d'Etienne Pasquier, le célèbre avocat-général de Henri III, le défenseur intrépide de l'Université et l'adversaire des Jésuites; rien de plus galant et de plus amoureux que ses poésies légères. » Journal des Débats, 23 mars 1846.

L'auteur de poésies galantes et amoureuses, qui poursuit la morale relâchée des Jésuites, que vous en semble?

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