صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني
[ocr errors]

» Il n'est donc pas douteux que la disposition de la coutume de Lille, qui établit la faculté d'arrêter un débiteur non bourgeois, ne forme pour cette ville un véritable droit civil.

» Dès lors, comment un homme, qui ne jouit point à Lille du droit de cité, un Étran ger, pourrait-il être admis à l'exercice de cette faculté? Nous ne lui permettrions pas de réclamer en France le triste bénéfice de cession, qui est commun à toute la France, à toute l'Europe; et l'on voudrait qu'il participât, à Lille, au privilege local et particulier que la coutume de cette ville a introduit touchant l'arrêt de corps ! On voudrait qu'il fit valoir ce privilege odieux contre un autre Étranger, contre un homme que le droit des gens nous oblige de protéger et de défendre!

» L'arrêt, du parlement de Paris du 14 février 1785, que l'on nous oppose, ne renferme rien qui annonce qu'il ait jugé précisément notre question. Il semble même, en énonçant que le créancier anglais était fondé en titre exécutoire, insinuer qu'il s'y agissait d'une dette contractée en France, puisqu'un contrat passé en pays étranger, même devant notaire, ne vaut en France que comme un billet sous seing privé.

» Après tout, cet arrêt a été rendu sur une simple requête; il ne peut conséquemment être d'aucune autorité; il peut encore moins l'emporter sur les principes que nous venons d'établir.

>> En vain cherche-t-on ici à faire plier ces principes, par la reconnaissance que le procès-verbal de capture énonce avoir été faite à Lille par le sieur Hamilton, de la légitimité de la dette dont Howel poursuit le paiement. » Il importe fort peu, pour juger de la validité des poursuites faites en France contre un Étranger, au sujet des dettes contractées au dehors, que cet Étranger conteste ou avoue ces dettes. Dans un cas comme dans l'autre, le droit d'hospitalité lui est toujours ouvert; et le souverain, dans les États duquel il se promène ou se réfugie, lui doit toujours asile et protection. Il en est de cela comme d'un Étranger qu'on accuse en France d'un crime commis hors de France; qu'il dénie ou qu'il avoue le fait qu'on lui impute, la chose est égale. Témoin l'arrêt du parlement de Provence, du 19 janvier 1672: dans cette espèce, le vol fait à Gênes, était clairement prouvé; et il était reconnu que l'accusé n'était venu en France que pour se soustraire par la fuite à la peine qu'il avait justement méritée ; cependant les prisons lui furent ouvertes.

» Et il n'est pas inutile de remarquer que,

lors de cet arrêt, le ministère public prétendait que, parcequ'il s'agissait d'un crime poursuivi par une partie civile, les juges de France étaient compétens pour en connaître. Il est vrai, disait-il, que « le procureur géné»ral ne serait pas recevable à accuser Surle » (c'était le nom du voleur), suivant l'arrêt >> rendu par la cour en la cause de Jansen, le » 3 septembre 1663; mais il y a en cette cause » deux circonstances particulières qui la ti» rent hors de la thèse générale, et de l'hy» pothèse de l'arrêt de Jansen: la première » est qu'en celle-là, il n'y avait que le procu» reur général pour partie; et ici, il y a une » partie civile, un accusateur qui agit pour » son intérêt : la deuxième est qu'il s'agit ici » d'un fugitif évadé avec l'argent de l'accu»sateur, qui implore la protection du gou» vernement dans le territoire duquel il a » trouvé ce fugitif ».

» On voit que, dans cette espèce, on cherchait à établir la compétence des juges français, sur le fondement que l'action criminelle équivalait, pour l'accusateur qui réclamait sa chose volée, à une action civile, et que le voleur était fugitif; mais on voit aussi que ni l'une ni l'autre circonstance n'a touché le parlement d'Aix.

» Ainsi, qu'on insiste tant que l'on voudra sur la différence des crimes d'avec les contrats; qu'on se représente, si l'on veut, le sieur Hamilton comme fugitif de sa patrie et réfugié en France, il importe peu : dans toutes les hypothèses possibles, la France lui doit asile et protection; c'est là le mot de la

cause ».

Ces raisons ont eu tout le succès qu'en espérait le sieur Hamilton. Par arrêt du 24 décembre 1785, rendu à la seconde chambre, la sentence des échevins de Lille a été confirmée avec amende et dépens (1).

S. III. Quelle est en France l'autorité des jugemens rendus dans une juridiction étrangère, soit entre deux Etrangers, soit entre un Étranger et un Français, soit entre deux Français ?

V. l'article Jugement, §. 14.

S. IV. 10 Peut-on, en vertu de la loi du 10 septembre 1807, arrêter en France un Étranger pour dettes contractées

(1) Il y a, dans ce que j'ai dit dans cette affaire et dans celle du sieur de Cuningham, quelques assertions que je reconnais aujourd'hui étre trop générales. V. le Répertoire de jurisprudence, au mot Étranger, §. 2.

avant la publication de cette loi? Peuton, en vertu de cette loi, arrêter en France un citoyen des États-Unis d'Amérique ?

2o Peut-on l'y arrêter pour une dette qu'il a contractée, comme membre d'une société précédemment formée en France,

et actuellement dissoute?

30 Peut-on l'y arrêter pour des lettres de change qu'il a acceptées afin de s'acquitter de condamnations antérieurement prononcées contre lui?

4o Peut-il y être arrêté à la requête d'un Français, qui se présente comme membre d'une maison de commerce établie en pays étranger?

5o Peut-ily être arrêté comme débiteur du reliquat d'un compte arrêté entre cette maison et celle de France dont il a été membre, pour des opérations de commerce dans lesquelles ces deux maisons ont été associées en participation?

6o Peut-il être statué, sans conclusions du ministère public, sur la demande en nullité d'une arrestation pratiquée en vertu de la loi du 10 septembre 1807?

7o Peut-on, en vertu de la loi du 10 septembre 1807, arrêter provisoirement en France, un Etranger dont la dette a été contractée, non en France même, mais dans son pays ou dans toute autre contrée étrangère ?

80 Le régnicole qui n'est créancier d'un Étranger que par la cession qu'un autre Étranger lui a faite de la créance qu'il avait contre celui-ci, peut-il, en vertu de l'art. 14 du Code civil, le citer devant un tribunal français, et en vertu de la loi du 10 septembre 1807, le faire arrêter provisoirement, après en avoir obtenu l'autorisation du président de ce tribu

nal?

9o Lorsque deux Étrangers ont contracté ensemble dans leur pays, si le débiteur vient établir son domicile en France et qu'il y soit poursuivi par son créancier, est-ce d'après la loi de leur pays ou par celle de France, que doit être décidée la question de savoir s'il y a lieu ou non à la contrainte par corps?

I. Les six premières questions se sont présentées dans l'espèce suivante.

En 1792 il s'établit entre la maison Dallarde et Swan, de Paris, et la maison Lubbert et Dumas, de Hambourg, des relations de commerce qui ont pour objet des fournitures à faire au gouvernement français, et d'autres

[blocks in formation]

En 1802, les deux maisons s'occupent du réglement de leurs comptes.

Par un arrêté du 19 décembre 1803, la maison Dallarde et Swan est reconnue reliquataire envers la maison Lubbert et Dumas, d'une somme de 235,000 marcs del banque; mais il est convenu que le paiement de cette somme restera en suspens, jusqu'à ce que le sieur Swan ait reçu du gouvernement français le remboursement de ce qui lui est dû.

Le même acte renvoie à des arbitres le réglement de divers articles sur lesquels les parties ne peuvent pas s'accorder; et il contient la réserve de revenir, s'il y a lieu, contre toutes erreurs ou omissions.

Le 25 juillet 1805, compromis entre les deux maisons, par suite duquel une sentence arbitrale, du 20 décembre 1806, déclare que les sieurs Lubbert et Dumas doivent être admis pour moitié dans les opérations des sieurs Dallarde et Swan avec la marine.

Le 26 décembre 1806, deuxième compromis qui est suivi d'une sentence arbitrale du 14 avril 1807, par laquelle les sieurs Dallarde et Swan sont déclarés redevoir aux sieurs Lubbert et Dumas une somme de 625,140 francs, y compris les 285,000 marcs de banque, alloués par le compte de 1803.

Le sieur Swan forme opposition à l'ordonnance d'exequatur rendue sur cette sentence; mais son opposition est déclarée non-recevable par un jugement contradictoire du tribunal de première instance du département de la Seine, du 24 novembre 1807.

Le 12 février 1807, troisième compromis, portant sur 63 chefs des prétentions respec

tives.

Il expire le 14 avril suivant, jour de la sentence arbitrale dont on vient de parler; mais il est renouvelé le même jour, et cependant reste sans exécution.

Le 2 mai 1808, quatrième compromis dans lequel on comprend les chefs de discussion qui sont l'objet de l'opposition du sieur Swan à l'exequatur de la sentence arbitrale du 14 avril 1807.

Ce compromis est prorogé successivement de quinzaine en quinzaine jusqu'au 15 juillet suivant, et n'a définitivement aucun résultat. Cependant, à la suite de la condamnation prononcée à leur profit par la sentence arbitrale du 14 avril 1807, les sieurs Lubbert et Dumas se trouvent possesseurs de 600,000 francs de lettres de change tirées par eux sur le sieur Swan, et acceptées par lui.

A quel titre en sont-ils saisis? Dans la contestation dont il sera parlé à l'instant, ils ont prétendu que les acceptations de ces lettres de change leur avaient été remises par le sieur Swan lui-même, à compte de la condamnation dont il s'agit. Le sieur Swan soutient, au contraire, qu'elles n'ont passé dans leurs mains que par un abus de confiance de la part des arbitres qui n'en étaient que dépositaires, et ne devaient s'en dessaisir qu'après le réglement définitif.

Quoi qu'il en soit, les lettres de change n'étant pas acquittées à leurs échéances, les sieurs Lubbert et Dumas en négocient une de 58,000 francs aux sieurs Lubbert et Reisck, d'Amsterdam, qui la transportent aux sieurs Audenet et Slingerland, banquiers à Paris.

Le 27 juillet 1808, les sieurs Lubbert, Audenet et Slingerland présentent au président du tribunal de première instance du département de la Seine, une requête par laquelle ils demandent qu'attendu que le sieur Swan est citoyen des États-Unis d'Amérique, et par conséquent Étranger, il leur soit permis, conformément à la loi du 10 septembre 1807, de le faire arrêter provisoirement.

Le même jour, ordonnance du président, qui, après avoir visé 1o les titres de créance rappeles ci-dessus; 2o un certificat ministériel constatant que, le 6 mai 1807, il a été délivré au sieur Swan un passeport pour se rendre à Nantes et à Bordeaux et s'y embarquer; 30 un certificat du commissaire de police de la division Lepelletier, duquel il résulte que le sieur Swan est logé en hótel garni; autorise les sieurs Lubbert, Audenet et Slingerland à faire provisoirement arrêter le sieur Swan, et à le constituer prisonnier dans la maison d'arrêt de Sainte-Pélagie.

Le lendemain, le sieur Swan est arrêté par un garde du commerce. Aussitôt, référé de sa part devant le président du tribunal, avec opposition à l'ordonnance de ce magistrat.

Le même jour, autre ordonnance qui rejette cette opposition,

<< Attendu que le sieur Swan a déclaré n'avoir aucune propriété ni établissement en France; qu'il est logé en hôtel garni;

» Attendu, d'un côté, la lettre de change représentée par les sieurs Audenet et Slingerland, qui constitue le sieur Swan débiteur de 58,000 francs, et, de l'autre, qu'il s'est reconnu débiteur d'une somme de 235,000 marcs de banque;

» Attendu, d'ailleurs, les condamnations prononcées contre lui par le jugement arbitral énoncé précédemment, qui ne sont pas

détruites par l'opposition formée à l'ordonnance d'exequatur;

» Attendu que le sieur Swan a déjà fait des tentatives pour retourner en Amérique, et qu'il a, à cet effet, obtenu tous les passeports nécessaires;

» Attendu qu'étant une fois sorti du sol français, ses créanciers se trouveraient sans ressource;

» Attendu enfin que ledit Swan n'a ni donné ni offert de caution solvable aux termes de la loi, quoiqu'il en ait la faculté et qu'il en ait été requis ».

Le sieur Swan appelle de cette ordonnance; mais par arrêt du 2 août 1808, la cour d'appel de Paris, « adoptant les motifs du premier » juge, met l'appellation au néant ».

Le sieur Swan prend contre cet arrêt la voie de la requête civile, et se fonde sur deux moyens qui consistent à dire,

Le premier, que le ministère public n'a pas été entendu dans la cause jugée par l'arrêt du 2 août, encore qu'il s'agit de sa mise en liberté; que les art. 195 et 805 du Code de procédure civile veulent que toute demande en élargissement soit communiquée Code admet, comme moyen de requête ciau ministère public; que l'art. 480 du même vile, le défaut de communication au ministère public, dans les causes où il devait être entendu ;

"

"

Le second, « qu'il y a eu dol personnel de » la part du sieur Lubbert; que, quoique Étranger dès sa naissance, le sieur Lub»bert a usurpé la qualité de Français pour » être admis au bénéfice de la loi du 10 sep»tembre 1807, rendue en faveur des Fran>> çais contre les Étrangers; que, pour colo>> rer cette extension et tromper la religion » des magistrats sur sa véritable qualité, il a pris, depuis la loi du 10 susdatée, une carte » de sûreté, à l'aide de laquelle il s'est fait » admettre, quoique Étranger, au bénéfice » de cette loi; que depuis, traduit devant le » tribunal de commerce, il a prétexté de la » qualité d'Étranger pour décliner la juridic»tion de ce tribunal; et qu'il a été lui-même » condamné par corps comme Étranger; » qu'il résulte de ces circonstances un dol » personnel, caractérisé de la manière la » plus forte, qui, aux termes de l'art. 480 du » Code de procédure, donne ouverture à la requête civile; qu'à l'égard des sieurs Au» denet et Slingerland, ils ne sont que les » prête-noms de Lubbert et n'ont pas plus » de droit que lui ».

[ocr errors]

Le 23 décembre 1808, arrêt par lequel, « En ce qui touche le premier moyen de

requête civile, vu les art. 795 et 805 du Code de procédure civile, attendu que ces articles ne sont point applicables à la cause;

» En ce qui touche le second moyen, » Attendu que la question de Lubbert a été présentée lors de la contestation jugée par l'arrêt attaqué; d'où il suit qu'il ne peut plus fournir d'ouverture à la requête civile;

» La cour rejette la requête civile présentée par James Swan... >>.

Le sieur Swan se pourvoit en cassation par deux requêtes successives contre ces deux arrêts.

Les deux requêtes sont admises, et toutes deux sont discutées contradictoirement deyant la section civile.

« Vous avez à juger (ai-je dit à l'audience de cette section, le 22 mars 1809) si les deux arrêts qui vous sont dénoncés par le sieur Swan, ont contrevenu à quelque loi. » Pour ne parler d'abord que de celui du 2 août 1808, il est attaqué

» 1o Comme violant l'art. 795 du Code de procédure civile, en ce qu'il a été rendu sans conclusions du ministère public;

» 2o Comme violant l'art. 2 du Code civil, en ce qu'il donne un effet rétroactif à la loi du 10 septembre 1807;

» 3o Comme appliquant à faux la loi du 10 septembre 1807,

» En ce que la dette pour laquelle le sieur Swan a été arrêté, n'est ni liquide ni exigible;

» En ce qu'elle est reconnue par des juge

mens;

» En ce que le sieur Swan n'est tenu de cette dette, que comme membre d'une maison de commerce établie en France;

» En ce que, par sa seule qualité de citoyen des États-Unis de l'Amérique, le sieur Swan est investi, quant à la liberté de sa personne, des mêmes droits que s'il était Français ;

» En ce que l'arrestation du sieur Swan a été ordonnée sur la demande d'une maison associée de la sienne;

» En ce qu'elle l'a été sur la demande d'une maison établie sous une domination étrangère;

» En ce qu'elle l'a été sur la demande d'une maison dont deux membres sont Étrangers;

» Enfin, en ce qu'elle l'a été également sur la demande des sieurs Audenet et Slingerland, Étrangers comme les deux membres de

cette maison.

» Le premier de ces moyens donne lieu à deux questions: l'une, si depuis la mise en TOME VII.

activité du Code de procédure, le défaut de conclusions du ministère public, dans les cas où ces conclusions sont requises, peut encore former une ouverture de cassation, ou s'il n'en résulte qu'une ouverture de requête civile; l'autre, si l'intervention du ministère public est nécessaire dans les causes où il s'agit d'emprisonnement.

» Mais vous sentez à l'avance que de ces deux questions, la seconde est subordonnée à la première, et que, si la première était décidée contre le sieur Swan, l'examen de la seconde deviendrait superflu.

» Or, la première question n'en est plus une : la cour l'a déjà jugée négativement par deux arrêts formels.

» La cour d'appel de Paris avait rendu, le 3 avril 1807, contre les artistes sociétaires du théâtre Feydeau, un arrêt dont ceux-ci ont demandé la cassation, sur le fondement qu'il n'avait pas été précédé de conclusions du ministère public, quoique leur théâtre dút, selon eux, être considéré comme un établissement public, et que des femmes mariées qu'ils comptaient parmi les membres de leur société, eussent été parties dans la cause.

» Par arrêt du 26 avril 1808, au rapport de M. Pajon, attendu, sur le moyen résultant du défaut de communication au ministère public, que, d'après la disposition du no 8 de l'art. 480 du Code de procédure civile, cette omission ne pourrait donner lieu, en cas qu'elle fut admissible, qu'à une ouverture de requête civile, la cour rejette le pourvoi...

» Un arrêt semblable a été rendu, le 17 mai suivant, au rapport de M. Borel, contre Jeanne Sabalot.

» Le deuxième moyen vous présente la question de savoir si, en vertu de l'art. 2 de la loi du 10 septembre 1807, un Étranger peut être arrêté provisoirement pour une dette qu'il a contractée avant la publication de cette loi.

» Pourquoi ne le pourrait-il pas ? L'arrestation provisoire d'un débiteur n'est qu'une voie accordée au créancier pour le contraindre à exécuter ses engagemens; elle n'est, pour le créancier, qu'une mesure dont la fin est le paiement d'une dette déjà existante. Or, dans tout ce qui tient au mode d'exécution d'une créance, quelle est la loi que l'on doit prendre pour guide? Ce n'est certainement ni celle du temps où la dette a été contractée, ni celle du lieu où s'est obligé le débiteur : c'est uniquement celle du temps et du lieu où se pratique l'exécution même.

» Avant la loi du 13-20 avril 1791, con

4

cernant les justices seigneuriales, les biens des débiteurs, dans le ci-devant Hainaut, ne pouvaient jamais être vendus à la requête de leurs créanciers; ceux-ci n'avaient que le droit de les saisir et d'en faire percevoir les revenus à leur profit, jusqu'à l'extinction de leurs créances. Dira-t-on, pour cela, qu'aujourd'hui un créancier dont le titre remonterait au-delà de la loi du 13-20 avril 1791, ne pourrait pas faire vendre les biens que son débiteur posséderait dans le ci-devant Hainaut? Ce serait certainement une absurdité.

» Tant qu'a duré en France la loi du 9 mars 1793, les engagemens de commerce qui se contractaient parmi nous, ne pouvaient jamais emporter la contrainte pár corps. Croiton que, si alors un particulier qui aurait signé en France une lettre de change, eût été trouvé en pays étranger, il n'aurait pas pu y être emprisonné à la requête du porteur de sa signature? Assurément, s'il eût élevé une pareille prétention, il n'est point de juge qui ne se fût empressé de la proscrire.

» Sans doute, lorsqu'il est question de la validité d'un engagement, lorsqu'il s'agit d'en déterminer les effets au fond, on ne doit,

on ne peut s'attacher qu'à la loi sous laquelle l'acte en a été passé. Mais, dit Boullenois, dans son Traité des statuts réels et personnels, tome 1, page 531, quand il s'agit de pure exécution, il faut suivre les lois du lieu où se fait l'exécution; et ce que cet auteur établit par rapport au lieu, s'applique de soimême au temps.

» Inutile d'objecter, comme le fait le sieur Swan, que plusieurs arrêts de la cour ont jugé que la contrainte par corps ne pouvait pas être prononcée pour des dettes de commerce contractées avant que la loi du 24 ventôse an 5 eût abrogé la loi du 9 mars 1793 (1).

Quel a été le motif de ces arrêts? Le prétendu principe général du sieur Swan, que le mode d'exécution d'un contrat se règle par la loi du temps où le contrat même a été forme? Non ces arrêts n'ont fait qu'appliquer littéralement la disposition de la loi du 24 ventôse an 5, qui limite le rétablissement de la contrainte par corps aux dettes à contracter par la suite : les obligations (y est-il dit) qui seraient contractées postérieurement à la promulgation de la présente loi, et pour le défaut d'acquittement desquelles les lois antérieures prononçaient la contrainte

(1) V. ci-après, no 3.

par corps, y seront assujéties comme par le passé.

» Que cette disposition soit humaine, qu'elle ait été dictée par les considérations d'équité que le sieur Swan fait ici valoir, nous en conviendrons. Mais qu'elle soit la conséquence nécessaire de la non-rétroactivité des lois, qu'on doive la suppléer dans la loi du 10 septembre 1807, et que, pour ne l'y avoir pas suppléée, l'arrêt du 2 août 1808 doive être cassé, c'est ce qu'il est impossible de soutenir sérieusement.

» Pour troisième moyen, on vous dit que la loi du 10 septembre 1807 a été faussement appliquée au sieur Swan, et que la cour d'appel de Paris l'a violée par la fausse application qu'elle en a faite.

» En quoi donc la cour d'appel de Paris a-t-elle faussement appliqué cette loi?

» Premièrement, vous dit-on, la dette pour laquelle le sieur Swan a été arrêté, n'est ni liquide ni exigible; et cependant la loi du 10 septembre 1807 n'autorise l'arrestation provisoire, qu'après l'échéance ou l'exigibilité de la dette.

» Mais n'y a-t-il donc rien de liquide, rien d'exigible, dans la dette du sieur Swan? Quoi! Le sieur Swan a accepté pour 600,000 francs de lettres de change tirées sur lui par la maison Lubbert et Dumas, et cette somme ne formerait pas, pour la maison Lubbert et Dumas, une créance liquide et exigible? A qui espère-t-on faire croire de pareils para

doxes?

[ocr errors]

Qu'importe que le sieur Swan réclame contre l'existence de ces acceptations dans

les mains des sieurs Lubbert et Dumas? Qu'importe qu'il soutienne que ces acceptations ne se trouvent dans leurs mains que par l'effet d'une surprise, que par l'abus qu'ont fait de sa confiance, des arbitres qui les avaient reçues de lui en dépôt sous la condition de ne s'en dessaisir qu'après le jugement qu'ils avaient à rendre? Il suffit que ces ac

ceptations existent entre les mains des sieurs Lubbert et Dumas, pour que les sieurs Lubbert et Dumas en soient légalement présumés légitimes propriétaires. Cette présomption, sans doute, n'empêche pas que le sieur Swan jusqu'à ce qu'il en ait fait la preuve, il den'entreprenne de prouver le contraire; mais

meure nécessairement soumis à l'art. 2 de la loi du 10 septembre 1807. Cet article, en effet, exige bien, pour qu'il y ait lieu à l'arrestation provisoire, que la dette soit échue; mais il n'exige pas, et il serait absurde qu'il exigeât, que cette dette fût à l'abri de toute

« السابقةمتابعة »