ÉGLOGUE PREMIÈRE. TITYRE. SUJET. Après la bataille de Philippes, les Triumvirs distribuèrent aux soldats vétérans les terres de Crémone et de Mantoue. La métairie de Virgile, située dans le village d'Andès, fut comprise dans ce partage, et donnée au centurion Arius ; mais protégé par Varus et Pollion, le poëte obtint d'Octave la restitution de ses champs, et cette Eglogue fut le prix du bienfait. Le plan lui en appartient tout entier : sous le nom de Tityre il chante son bonheur et la générosité d'Octave; sous celui de Mélibée il peint le désespoir et la fuite des Mantouans. Cette pièce fut composée l'an de Rome 713; Virgile touchoit alors à sa trentième année. MÉLIBÉE, TITYRE. M. TITYRE, tu patulæ recubans sub tegmine fagi Silvestrem tenui musam meditaris avenâ: Ce début simple et naturel respire une douce mélancolie; on y trouve le ton du sentiment qui règne dans tout le cours de cette Eglogue. Les deux derniers vers sont du petit nombre de ceux que Virgile a empruntés ici à Théocrite. Ως τοι ἐγὼν ἐνόμευον ἀν ̓ ὤρεα τὰς καλὰς αἶγας, φωνᾶς εἰςαΐων· τὺ δ ̓ ὑπὸ δρυσὶν ἢ ὑπὸ πεύκαις ἁδὺ μελισδόμενος κατακέκλισο, θεῖε Κομάτα. Idylle VII, v. 87. * Τ. Ο Melibœe, deus nobis hæc otia fecit; Virgile offre à Octave le même hommage que Théocrite à Apollon: Βωμὸν δ ̓ αἱμάξει κεραὸς τράγος οὗτος ὁ μαλὸς τερμίνθου τρώγων ἔσχατον ἀκρέμονα. * Epigramme I. M. Non equidem invideo; miror magis: undique totis Le premier hémistiche est traduit de ce vers grec : κού τοι τὶ φθονέω (Id. I, v. 62), mais la peinture qui suit n'a point de modèle. La croyance superstitieuse de Mélibée est bien conforme aux mœurs pastorales ; c'est ainsi qu'un berger de Théocrite lit dans une feuille de pavot l'infidélité de son amante (Id. III, v. 28). Le cri funeste de la corneille a déjà été signalé par Hésiode: Μή τοι ἐφεζομένη κρώζῃ λακέρυζα κορώνη. * OŒuvres et Jours, v. 745. 20 T. Urbem quam dicunt Romam, Melibœe, putavi Tityre, frappé de la grandeur de Rome, ne répond pas à la question de son ami. Il cherche d'abord des images équivalentes pour lui peindre cette ville immense dont le souvenir l'occupe tout entier. Théocrite emploie la même comparaison pour marquer la supériorité d'Hélène sur ses compagnes: Πιείρᾳ μεγάλα ἅτ ̓ ἀνέδραμε κόσμος ἀρούρᾳ, ἢ κάπῳ κυπάρισσος, ἢ ἄρματι Θεσσαλὸς ἵππος, ὧδε καὶ ἁ ῥοδόχρως Ἑλένα Λακεδαίμονι κόσμος. Idylle XVIII, v. 29. * M. Et quæ tanta fuit Romam tibi causa videndi? 30 Respexit tamen, et longo post tempore venit, Galatée et Amaryllis représentent deux bergères, dont l'une abusoit de l'amour de Tityre, tandis que l'autre, plus dévouée à ses intérêts, le mit en état d'aller à Rome pour se racheter du fruit de ses épargnes. C'est a tort qu'on a cru voir dans ces deux noms une allusion à Rome et à Mantoue. Le dernier vers est emprunté de Catulle : Meisque pinguis agnus ex ovilibus * Epigramme XX. M. Mirabar quid mæsta deos, Amarylli, vocares; 40 Ipsi te fontes, ipsa hæc arbusta vocabant. Moschus a placé ces images gracieuses dans son Idylle sur la Mort de Bion: Κρανίδες ὠδύραντο, καὶ ὕδατα δάκρυα γέντο· Ἀχὼ δ ̓ ἐν πέτρῃσιν ὀδύρεται, ὅττι σιωπῆς, κοὐκ ἔτι μιμεῖται τὰ σὰ χείλεα· σῷ δ ̓ ἐπ ̓ ὀλέθρῳ δένδρεα καρπὸν ἔριψε, τὰ δ ̓ ἄνθεα πάντ ̓ ἐμαράνθη. Moschus, Idylle III, v. 29. * T. Quid facerem? neque servitio me exire licebat, Les honneurs divins que l'adulation offre ici à Octave sont ceux que Ptolémée fit rendre à son père (Id. XVII, v. 126); mais Virgile sait louer avec plus de délicatesse que Théocrite. Son dernier vers, traduit du poëte grec (Id. IX, v. 3), a été développé par le Tasse (Aminte, act. II, sc. 2). * M. Fortunate senex, ergò tua rura manebunt! |