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jugé, le Roi étoit résolu de laisser le cours libre à la justice; mais que, s'il se reconnoissoit coupable, Sa Majesté, voulant bien user de clémence envers lui, lui permettoit de se retirer dans son château à Viry. Le Comte alarmé n'osa pas courir le risque d'être trouvé criminel de Lèze-Majesté; il réclama la clémence du Roi, rebroussa chemin, et commença à bâtir à Viry pour rendre le lieu de son exil plus supportable. Quelques mois après, je passai à Chambéry avec M. de Mackenzie, qui alloit à Naples; et Madame de Viry vint l'y trouver, espérant qu'à son passage à Turin il pourroit rendre service à son mari; mais il trouva que cela étoit inutile, et n'osa pas trop s'en mêler. Les lettres du Comte de Viry avoient ouvert les yeux au Roi sur l'incapacité du Marquis d'Aigue-Blanche: cependant, voulant le ménager, il lui envoya le Cardinal des Lances, pour l'engager à demander sa démission. Le Marquis se fit tirer un peu l'oreille; mais obligé de céder, il se soumit, et se retira. Le Comte de Perron fut mis à sa place; rétablit l'ordre, qui avoit été bouleversé sous le Ministère précédent, et fit voir bientôt, par une administration sage et ferme, de quelle conséquence est le choix d'un habile Ministre pour le bonheur des peuples.Je tiens une partie de ces détails du Comte de Perron et du Cardinal des Lances.

201. Londres.

Quand on est au milieu de Londres, dont la population seule égale celle de quelques états souverains d'Italie et d'Allemagne, et que l'on visite en observateur attentif, le port, la douane, la bourse, et les grands ateliers, on découvre aisément la source des richesses publiques et particulières de l'Angleterre. Le commerce et les manufactures y attirent l'or et l'argent de l'Amérique, et des nations de l'Europe moins industrieuses. L'Agriculture y est encouragée de manière à assurer au cultivateur le débit de ses denrées au-dedans et au-dehors, sans que le pays courre jamais le risque d'en voir augmenter le prix au préjudice de ses habitans. Une loi sage accorde une récompense à ceux qui exportent les blés, lorsqu'ils sont à un certain prix dans les marchés publics. L'exportation vient-elle à en faire hausser la valeur, le Gouvernement vigilant la fait cesser; outre que le cultivateur, ne recevant plus le prix proposé dans les temps d'abondance pour l'exportation, trouve plus commode et plus avantageux de vendre son blé chez lui, que de le porter ailleurs.

202. Voleur converti.

Le Docteur Letsom fut arrêté un jour par un voleur de grand chemin, qui lui témoigna un

vrai regret de se trouver dans la nécessité de faire un si vilain métier. "Si cela est," dit le Docteur, en lui donnant sa bourse," et que vous " vouliez avoir de la confiance en moi, venez me trouver demain; nous concerterons ensem"ble sur les moyens de vous faire parcourir une

autre carrière." Le jeune homme va le lendemain chez le Docteur Letsom, qui, après avoir causé avec lui, lui dit : " Seriez-vous d'humeur à "servir dans l'armée ?" Le jeune homme répondit qu'il ne ne demandoit pas mieux. Le Docteur employa ses amis, lui procura une commission; il se distingua dans le service, et mourut glorieusement en combattant pour sa patrie.

203. Portrait de Philautos.

Philautos est généreux par boutade, libéral par vanité, charitable pour se débarrasser d'un sentiment pénible, que la misère excite en lui. Il admire un vice brillant: la vertu lui fait pitié ; il s'engoue pour un roué.

204. Portrait d'Archonte.

On annonce Archonte dans un cercle; il entre, la tête levée, l'air fier, d'un pas ferme et rapide; il mesure avec hauteur ceux de la compagnie qui n'ont pas l'honneur de lui être connus.

Il garde le silence, crainte de se compromettre, Tous les yeux sont fixés sur lui, car, à la plus belle figure, il joint l'air le plus noble; et le sentiment profond qu'il a de sa grande naissance et de son rang, fait paroître cet air naturel en lui. Bientôt on le voit s'humaniser, il prend un air riant, caressant même pour ceux qu'il a dessein de distinguer, et finit par gagner les cœurs de ceux qui ne le voient qu'en public, et qui le trouvent très-aimable. C'est ainsi que je le jugeai d'abord; mais un homme, assis à côté de moi, ne me permit pas de rester long-temps dans cette opinion. Vous voyez Archonte, dit-il, d'un œil trop favorable; il n'est rien de ce qu'il paroît être. Il a femme et enfans, et il en est le tyran. Il est magnifique en tout ce qui regarde sa personne, et d'une avarice extrême pour tout ce qui regarde les autres. Il dépensera des sommes considérables pour rebâtir et meubler son hôtel, en même temps qu'il refusera cent louis pour un de ses enfans dans le besoin. Son front se déride ici; mais si vous pouviez le voir chez lui sans en être vu, vous le trouveriez sombre, farouche, terrible dans sa colère avec ses domestiques, mécontent de tout, méfiant, n'aimant que sa personne, à laquelle il rapporte tout.

205. Belle action de quatre Grenadiers Piemontois.

Lorsque je repassai par Turin, il étoit question d'un fait assez singulier qui venoit d'arriver, et que je ne puis m'empêcher de rapporter.

Le dernier jour du Carnaval de 1783, une dame de Vigevano, place forte en Piémont sur les bords du Tésin, voulant donner un bal le MardiGras, avoit prié le Gouverneur de lui envoyer quelques soldats pour maintenir l'ordre chez elle. Le Gouverneur lui envoya quatre grenadiers du régiment de la Reine, auxquels cette dame fit présent d'un écu à chacun, après les avoir bien régalés pendant la nuit.

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Les grenadiers, échauffés par le vin qu'ils avoient bu, et se trouvant en argent, firent la partie d'aller passer à Milan le reste du Carnaval, qui duroit alors en cette ville jusqu'au Samedi suivant. Aussitôt dit, aussitôt fait, et sans considérer la conséquence de leur démarche, qui n'étoit rien. moins qu'une désertion, ils passent le Tésin avec leurs armes, et se trouvent dans le Milanois, alors infesté de troupes de bandits. Ils marchèrent pendant toute la journée, et vers les quatre heures après-midi, apercevant une ferme, ils demandérent à être reçus pour y passer la nuit. La fermière leur fit bon accueil; leur dit que son mari étoit allé avec son fils vendre son blé au marché voisin; Tome III.

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