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pois point à cet égard. La Révolution Françoise, ses causes et ses effets, étoient souvent mis sur le tapis dans une société du grand monde, où je vivois beaucoup. J'avois beau dire sur ce sujet, rien n'étoit approuvé: toutes mes idées étoient combattues, souvent avec dédain. J'imprimai, dans le plus grand secret, un petit ouvrage que j'intitulai, Nouveaux Intérêts de l'Europe depuis la Révolution Françoise, dans lequel j'avois rassemblé ces mêmes idées. Je me le fis envoyer par mon libraire, comme une nouveauté, en présence de mes deux antagonistes les plus décidés dans la conversation. Ils le lurent: l'un dit, qu'il trouvoit cette brochure parfaite, admirable, qu'il n'avoit rien lu sur ce sujet qui l'eût plus éclairé; qu'il étoit étonné que l'auteur pût être si bien informé ; l'autre, qui étoit un Ministre étranger très-respecté, en dit autant; et tous deux conclurent par désirer vivement de connoître l'auteur. Après les avoir tenus quelque temps en suspens, je me nommai. Rien ne peut égaler leur surprise; ils se regardèrent l'un et l'autre, et confirmèrent assez foiblement leur approbation de l'ouvrage, sans pour cela avoir jamais témoigné depuis plus d'égard pour mes opinions.

195. Bon mot du Docteur Johnson.

Il est une expression fort originale du Docteur Johnson, que je ne puis traduire en Fran

çois d'une manière qui me satisfasse, et qui rende bien son idée. Vers les dernières années de sa vie, la mort lui ayant enlevé plusieurs amis, il faisoit de nouvelles connoissances, to keep friendship in repair, disoit-il. Ce que l'on pourroit offrir de mieux pour le traduire, seroit pour réparer les ruines de l'amitié; mais il n'y a ici ni le sel, ni la précision de l'expression du Docteur Johnson.

196. Vingt bonnes connoissances font la monnoie d'un ami.

Boileau Despréaux se trouvant mal servi à table chez un homme qui pour trancher du Grand Seigneur, avoit un Page, mais peu de laquais, lui dit: "Monsieur, donnez-nous la monnoie de "votre Page." En suivant cette idée, je dirois volontiers que plusieurs bonnes connoissances font la monnoie d'un ami; j'ai même observé que, le plus souvent, il vaut mieux avoir la monnoie que la grosse pièce. Si l'on considère l'utilité que l'on peut retirer d'un ami, elle ne doit point se comparer à celle que l'on peut éprouver de la part d'un certain nombre de bonnes connoissances; car, supposant la meilleure volonté dans un ami, il arrive souvent que, dans un cas urgent, ses moyens de vous servir seront bornés, au lieu que plusieurs bonnes connoissances réunies peuvent faire ce qu'un seul ami ne pour

roit. Quant à l'agrément dans la société, on conviendra qu'il est plus ordinaire de le trouver dans un cercle de connoissances bien choisies, que dans le tête-à-tête d'un ami, qui, à la longue, ennuie et est ennuyé. De plus, l'amitié, strictement telle, exige un entier dévouement de part et d'autre ; au lieu que les simples connoissances exigent moins, et se peuvent cultiver, en alliant la convenance avec l'agrément, selon que le cœur ou l'esprit vous en disent pour le moment. J'en appelle à celui même qui seroit d'abord disposé à m'accuser d'avancer un paradoxe; qu'il déclare sincèrement s'il y a un véritable ami, dans le sens que l'on doit l'entendre, et si celui à qui il prodigue ce beau nom, n'est pas plutôt une bonne connoissance qu'il cultive plus ou moins selon son intérêt ou son plaisir, et qu'il négligera, tôt ou tard, selon sa fantaisie. La preuve en est dans l'abus même de cette appellation que l'on donne à vingt ou trente à la fois, quoique cela soit absolument contraire à l'idée et à la définition de l'amitié; et cet abus est plus remarquable en Angleterre, où le mot d'ami (friend) est souvent donné à ceux que l'on traiteroit à peine ailleurs de simples connoissances. J'en reviens à mon assertion; vingt bonnes connoissances font la monnoie d'un ami, fût-il sterling ; je préfèré la monnoie à la grosse pièce, si tant est qu'elle existe

et que ce ne soit pas comme la livre sterling, qui est idéale, et n'est point en circulation.

197. Le Prince Alexis, fils de Pierre 1.

Il n'est guères possible d'avoir des détails plus authentiques sur ce qui regarde le Prince Alexis, que ceux qui m'ont été donnés par un Seigneur Russe, très-lié avec le Maréchal Romanzow, fils du Général employé pour faire arrêter ce malheureux Prince.

Le Seigneur Russe, dont je parle, m'a raconté, qu'étant allé à Schoenborn, faire visite au Comte de ce nom, il le conduisit à un petit château, qu'il avoit près de sa terre, où il lui fit voir l'appartement dans lequel le Prince Alexis avoit vécu long-temps caché, après s'être éloigné de la Cour de son père, Pierre Ia.

Ce même Seigneur m'ajouta, qu'il tenoit du Maréchal de Romanzow, que le Czar Pierre, ayant résolu de faire revenir le Prince son fils en Russie, et sachant qu'il s'étoit retiré dans quelque partie des Etats de l'Empereur Charles VI, avoit écrit à ce Prince (en 1717) pour le prier de permettre que le Général Romanzow pût voir son fils, quelque part où il fût, afin de le persuader de revenir à sa Cour; promettant de ne pas insister sur son retour, s'il refusoit de venir.

L'Empereur, qui s'étoit bien attendu à cette demande, avoit déjà conseillé au Prince Alexis de se retirer à Naples, et l'avoit fort recommandé au Vice-roi de ce royaume, alors sous sa domination. Ainsi, lorsque le Général Romanzow vint à s'acquitter de sa commission, il reçut pour réponse que le Prince Alexis n'étoit pas dans les Etats de la Maison d'Autriche. Il sollicita alors un ordre de l'Empereur, à tous les Gouverneurs de ses Etats en Italie, pour donner à ce Général la permission de voir le Prince Alexis, s'il se trouvoit dans les places de leur commandement. Avec cet ordre, il parcourut le Milanois, toute la Lombardie, mais en vain: il fut à Naples, et n'eut d'autre réponse, sinon que l'on ne savoit où étoit le Prince.

Un jour que le Général Romanzow s'entretenoit en langue Russe avec des personnes de sa suite devant un barbier qu'il avoit fait venir, le barbier témoigna quelque étonnement dont le Général lui demanda la raison. Il répondit qu'il ne comprenoit pas un mot de la langue qu'ils parloient, mais que ce qui l'avoit surpris étoit qu'elle lui sembloit la même que celle d'un grand Seigneur étranger qu'il alloit souvent raser au Castel del Uovo. Le Général, frappé de ce qu'il entendoit, continua à l'interroger, et lui ayant fait quelque présent, apprit du barbier, qu'un

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