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tribuer à fon héros des découvertes qu'il n'a pas faites. C'eft ce que l'on peut reprocher à l'auteur de l'ode en queftion. M. de Buffon n'a guere enrichi l'Histoire naturelle que dans la partie fyftématique & hypothétique : encore obferve-t-on à cet égard qu'il a fait un prodigieux ufage de fon érudition & de fa mémoire. Ces réflexions ne doivent rien diminuer du tribut d'éloges dû à M. le Brun pour fes talens poétiques. Ils font justifiés par l'impreffion que la lecture de fon ode a faite fur Madame la Comteffe de P***, jeune veuve qui a récemment perdu un époux qu'elle aimoit tendrement. Elle s'eft évanouie de douleur au difcours de Madame de Buffon à la Parque. Le poëte devoit en conscience employer pour lui donner quelques confolations, le même talent par lequel il l'avoit fi vivement affectée je ne vous rapporterai que la derniere ftance de l'élégie que M. le Brun a adreffée à cette Dame. Elle peut fervir à toutes les perfonnes qui font dans la même fituation.

Oui, confervez des jours que vous devez aux graces;
Confolez vos douleurs en plaignant mes difgraces:
La tombe a renfermé votre plus deux tréfor;
Moi, je pleure une amante, hélas, qui vit encor.
Du moins en embraffant la tombe la plus chère,
Votre douleur vous plaît, & la mienne eft amere!
Je vois toujours Fanny, d'une perfide main,
Plonger, en fouriant, un poignard dans mon fein.
Ex j'attefte les dieux, & l'amour, & vous-même,

Que de voir au cercueil defcendre ce qu'on aime, Est, pour un tendre cœur, cent fois moins douloureux, Que de fe voir trahir par l'objet de fes feux.

Les feuilles de Fréron ont rifqué d'être fupprimées il y a quelques jours. M. Bailly, auteur de l'Atlantide, ouvrage dont je vous ai parlé lors de fa publication, s'est plaint amérement au Garde des Sceaux de ce que le journaliste a fait naître des foupçons fur fes opinions religieufes. L'Abbé Royou, auteur de cet article dans l'Année littéraire, a été obligé de faire une rétractation authentique & qui pis eft, des excufes & des complimens à l'auteur qu'il avoit vivement critiqué.

Les belles & les élégans font défolées. Il n'y aura cette année ni Colifée ni Vauxhall. Tout eft vendu. On fe rejette chez Nicolet où eft maintenant la foire galante la plus achalandée. Les tours d'un enfant dont je vous ai annoncé le brillant début & qu'on appelle le petit Diable, contribuent à y attirer la foule. Ce petit diable là a déjà pensé deux ou trois fois fe caffer le col. En attendant, il fait des chofes merveilleufes fur la corde lâche.

Après Nicolet c'est l'Eclufe qui a le plus de monde. Une affez jolie farce intitulée : Les amours de Montmartre, a beaucoup de fuccès. Les comédiens françois ont l'infpection fur les pieces qui font données à tous ces théâtres. Préville a été le cenfeur de celle-ci. Cette cenfure tombe d'ordinaire fur les bons endroits qu'on raie impitoyablement. Préville est

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fort contrit de n'avoir pas rayé les amours de Montmartre d'un bout à l'autre.

Les comédiens François ont reçu ces jours derniers une comédie en cinq actes de M. Imbert. C'est une piece de caractere en vers libres. Tous ceux qui en ont entendu la lecture, en ont les plus grandes espérances: elle eft intitulée : Le Jaloux fans amour. Le fujet, comme l'on voit, eft piquant & neuf. Il y a bien long-temps que nous n'avons eu de bonne comédie; on préfume que celle-ci prouvera qu'on en peut faire encore; elle a été reçue unanimement par les comédiens, & avec de grands applaudiffemens : il n'y a pas eu une feule voix contre, mais quand fera. t-elle représentée ? il faut attendre quatre, cinq ans, peut-être fix: c'eft une espece d'é ternité pour l'impatience naturelle aux auteurs. Mlle. la Chataigneraie, dont je vous ai annoncé le début à ce théâtre, n'a pas eu tout le fuccès que méritoit fon talent; elle avoit contr'elle cette cabale formidable qui ne manque jamais de s'armer, lorsqu'il fe préfente des candidats dont la concurrence pourroit n'être pas favorable à quelque membre du tripot. On a refufé de lui donner un feul billet, tandis qu'au début de Mlle. Mars, on en avoit laiffé prendre une cinquantaine à Monvel fon amant; toutes ces faveurs n'ont pu rendre celle-ci une bonne actrice; elle eft feulement une affez bonne fille. Elle vient de débuter deux ou trois fois après fes couches, & elle a été reçue avec une froideur pire que tous les fifflets du monde. D'après cela,

Monvel a demandé un congé; & avec le por-trait de la belle fur la tabatiere, il eft parti pour Lyon dans le deffein d'engager la directrice de cette ville à s'en charger. Si cette directrice fait la difficile, il pouffera fon voyage jufqu'à Marseille : ces détails vous paroîtront peut-être peu intéreffans, mais je n'ai pas cru devoir les omettre, parce qu'ils peuvent vous donner une idée de la dignité de notre Sénat comique dont les intrigues ne font pas moins combinées que celles des autres corps, & de P'importance qu'on attache à fes opérations. Nos fociétés s'entretiennent de ces événemens -en même temps qu'on y paffe en revue toutes les puiffances de l'Europe. D'ailleurs, Mlle. Mars a été l'une de nos Courtifannes les plus connues, & pour me fervir de l'expreffion de ces Demoifelles, elle a donné dans les talens, lorfque fes attraits ont menacé ruine.

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A. On s'amufe beaucoup ici d'une aventure toute récente, dont l'héroïne eft une Madame Dugazon, actrice des Italiens, femme de Dugazon, le premier bouffon des François. Cette belle Dame, depuis fix mois qu'elle a jugé à propos de fe féparer de corps de fon cher mari, en eft, dit-on, à fon quinze ou feizie. me galant. C'étoit la femaine derniere le tour du Comte D... mais un foir il paffa un caprice dans la tête conjugale de l'ami Dugazon, qui s'avifa d'aller rendre vifite à fa femme le Comte étoit exact, il ne manqua pas de s'y trouver. Au bout d'une heure, Dugazon prend sa femme à part & lui dit : Ma

dame, fouhaitez le bon foir à M. le Comte; aujourd'hui je refte ici: la belle toute tremblante bégaie un adieu au Comte, en lui faifant figne d'éviter les querelles pour l'amour d'elle. Enfin, le mari refte maître du champ de bataille: mais M. le Comte étoit de fort mauvaise humeur; le lendemain, le furlendemain, il alloit par-tout difant que Dugazon étoit un drôle, un poliçon, qu'il lui couperoit les oreilles. Si les oreilles de Dugazon n'ont point été coupées, elles furent du moins fort échauffées de tous ces propos qui lui revinrent, & le hafard fit que quelques jours après il fe trouva avec le Comte, qui recommença devant lui les mêmes difcours. Dugazon, qui eft un des plus braves hiftrions du fiecle, lui fignifia qu'il ne pouvoit souffrir tant d'affronts accumulés fur fa tête. Cette déclaration lui en attira un de plus, & le Comte lui applique un bon foufflet; l'autre dans la minute le lui rend de toute fa force. Ces deux rivaux brûloient de fe battre, on les fépare, on les garde. Dugazon reçoit des ordres de la police, & fa femme, avec tous fes talens, eft menacée d'un tour à la maifon de force. · Enfin, jufqu'à préfent, nos deux Meffieurs en font chacun pour un foufflet, & l'on eft fort curieux au Palais Royal de favoir la tournure que prendra cette grande affaire. On fe demandoit hier au Caveau comment cela finiroit, & ce que M. le Comte feroit du foufflet qu'il a reçu : Parbleu, répondit un plaifant, il le mettra avec les autres.

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