صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

employées pour envelopper M. de Beaumarchais dans un dédale d'où il ne pourroit fortir fans perdre l'honneur, il finit cette tirade par cette réflexion :

[ocr errors]

» Je ne veux pas lui faire le tort (au Comte de la Blache) de croire qu'il ait contribué » à répandre avec une profufion scandaleuse, à faire colporter & crier, il y a trois mois. » dans les rues d'Aix: A deux fous la réponfe n véritable & remarquable de la Demoiselle » d'Eon, à Monfeigneur Caron Carillon, dit » Beaumarchais, &c. Cela feroit aufli par trop »rufé. Les gens qui remarquent tout, ont » beau remarquer que des trois ou quatre cens » villes du Royaume où l'on pouvoit me don» ner ce grand difcrédit; on n'a répandu la » facétie d'Eon que dans Aix où je plaide, & » dans quelques lieux circonvoifins comme Avi» gnon, Marseille & la Ciotat... Encore pour » cette petite ville.... Oui, en vérité, la Cio»tat, car j'ai, dit-on, plus d'un illustre en> nemi! (il ne faut pas oublier que le fameux » Marin dont il a été tant parlé dans les au» tres Mémoires, eft de la Ciotat) mais comn ment veut-on que j'y croie; & quel rapport » le Comte de la Blache ?..... Comment, quel > rapport! les ennemis de nos ennemis ne font"ils pas plus d'à moitié nos amis ? quel rap» port! n'eft-ce pas des deux parts, une mau» vaise tête qui défend un mauvais cœur avec une mauvaise plume? Voilà ce qu'ils difent tous. » Moi, je n'en crois rien. D'ailleurs, je ne » vois dans cette ingénieufe diatribe, que le » badinage innocent d'une Demoifelle de beau

» coup d'esprit, très-bien élevée, qui a le » ton excellent, & qui fur-tout eft fi recon» noiffante de mes fervices, qu'elle a craint » que ma lettre à M. le Comte de Vergennes » la réponse de ce Miniftre, & mon envoi » ne fortiffent trop tôt de la mémoire des » hommes. "

Quant au cartel mål & guerrier qu'elle » m'y adreffe, quoique je n'aie pas manqué » d'en être effrayé, j'ai fi peu oublié qu'elle » étoit du beau fexe, que, malgré fes cinquante "ans, fes jure-Dieu, fon brûle-gueule., & fa » perruque, je n'ai pu m'empêcher de lui » appliquer à l'inftant ces beaux vers de Qui» naut, mis en belle mufique par le Chevalier » Gluck. "

» Armide est encor plus aimable
» Qu'elle n'eft redoutable, &c. »

Encore une citation, Monfieur, & je finis. C'est une tournure ingénieuse pour détacher de M. de la Blache la nobleffe & le militaire qui vouloient faire corps avec lui.

» Si dans un fujet grave, on ofoit dérober » aux poëtes une image tant foit peu rabat» tue, je comparerois les vaines rumeurs aux » vagues mugiffantes qui viennent fe brifer au » pied du roc. Ces vagues l'ont entamé » M. de Beaumarchais, & dans ce procès mê" me! non pas le roc, Meffieurs, mais des » corps étrangers dont un orage affreux l'a» voit couvert ! autre temps, autres gens! mais » laiffons les figures. Ce que je voulois dire

» c'eft que, m'ayant vu réclamer avec fuccès » la protection tutélaire de la nation, & m'en envelopper dans une injure que le malheur » des temps rendoit commune à tous; mon enn nemi fe flatte à fon tour d'armer contre " moi tout le Corps militaire & la Nobleffe » entiere. Mais quelle différence des motifs! » & qu'a de commun le Corps de la Noblesse » avec un procès du plus vil intérêt ? quel, » entre ceux qui le protegent, oferoit en fou » tenir un pareil? avec tous les courages, il » faut encore celui de la honte, pour en avoir » le front! moi, je réponds à tous ces pro»tecteurs trompés: ne confondons rien, Mef>> fieurs, de même que Brutus, le bras enfan» glanté, dit au peuple Romain : j'aimois le » grand Céfar, & j'ai tué l'ufurpateur. De mê» me, la plume en main, j'honorerai tant » qu'on voudra l'homme de nom, l'Officier-gé» néral, pourvu qu'on m'abandonne le légan. taire univerfel... Hé bien: fans y penfer, n'ai» je pas été le comparer à Jules-Céfar! de quoi » fe plaint-il? &c. »

Ce mémoire, quoique très-bien fait, n'eft pas digne peut-être de figurer à côté de ceux qui l'ont précédé. Il faut convenir auffi que l'objet des autres mémoires étoit d'une toute autre importance & d'un intérêt bien plus général. Il ne s'agit ici que d'une difcuffion particuliere. Ajoutez à cela que, fuivant M. de Beaumarchais, il n'a eu que trois jours & trois nuits pour compofer & faire imprimer cette défenfe qui a au moins 120 pages d'un grand in-quarto. Quoi qu'il en foit, après avoir lu at

tentivement tout ce qui fort de la plume de cet écrivain dans ce genre polémique, on ne fauroit s'empêcher de convenir que c'eft l'adverfaire le plus dangereux qu'on puiffe jamais rencontrer. Comme il poursuit son monde vigoureusement! avec quel courage il laffe fa victime! avec quelle foupleffe il fe replie en cent manieres pour verfer fur elle à pleines mains le ridicule! comme il a l'art de présenter les raifonnemens les plus folides & les plus fuivis fous le badinage le plus léger & le plus ingénieux ! comme au milieu des orages, il conferve une tête froide qui lui fait voir toutà-coup le moyen de fe fauver & de vous perdre! en vérité, Monfieur, c'eft un terrible homme que ce M. de Beaumarchais! le ciel vous préserve & moi auffi de l'avoir jamais pour ennemi.

De Paris, le 13 Odobre 1778.

M. Suard, de l'Académie Françoife, vient de nous donner une traduction de l'Histoire de l'Amérique, par M. Robertson, principal de l'Univerfité d'Edimbourg, & hiftorien de S. M. Britannique pour l'Ecoffe, en quatre volumes in-douze, de cinq à fix cens pages chacun, avec cinq planches gravées. Vous n'avez pas befoin du jugement des Journalistes pour pouvoir apprécier tout ce qui fort de la plume d'un auffi célebre écrivain que M. Robertfon. Je leur laiffe le foin de vous démontrer le mérite & les défauts de cette traduction. Vous n'exigez pas de moi que je vous

donne une analyfe de cette importante hif toire de la nouvelle partie du monde. Vous vous doutez bien que les recherches de l'hiftorien font profondes, & que cette hiftoire eft écrite avec chaleur & avec intérêt, mérite qu'ont inconteftablement les Anglois par-deffus nous. Nous avons le goût, l'élégance, la correction, la pureté dans le ftyle, & de la raifon dans l'arrangement des parties pour en former un enfemble: mais nous fommes bien inférieurs aux écrivains Britanniques dans un certain caractere d'originalité qui leur appar tient. Ils ont plus de profondeur & de vraie philofophie dans leurs vues, & plus d'énergie. que nous dans la maniere de s'exprimer. Ainfi, Monfieur, comme une pareille hiftoire ne peut fe faire connoître que très-imparfaitement par une analyfe quelque bien faite qu'elle foit, je me borne à vous faire part de quelques découvertes curieufes & intéreffantes pour les naturaliftes. Vous favez, Monfieur, l'étonnante fécondité des mines du Mexique & du Perou. Vous connoiffez les richeffes confidérables que PEfpagne a tirées de cette partie du monde, & qu'on fait monter à plus de cinquante milliards. Quoi qu'il en foit, on en a découvert de nouvelles depuis environ dix ans dans les Provinces de Sonora & de Cinaloa, près de la Californie, qui donnent les plus brillantes ef pérances. A Cineguilla, dans la Province de Sonora, on eft entré dans une plaine de quatorze lieues d'étendue où l'or s'eft trouvé feulement à feize pouces de profondeur. Les morceaux étoient fi confidérables que quelques

« السابقةمتابعة »