Louis XIV. On le revoit affiftant à ce spectacle, au milieu des applaudiffemens de la France & de l'Europe, prêtant en quelque forte fa majefté au drame de Théfée, &, envisagé fous ee point de vue, cet ouvrage a des partifans zélés qui crient à l'injuftice, à l'amour infenfé de la nouveauté il faut avouer que la partie de l'accompagnement n'eft pas fupportable, c'eft un bruit monotone de chandrons que cet affemblage de baffes qui étourdiffent les oreilles & ne difent rien à l'efprit & au cœur. Il étoit réfervé aux muficiens de notre fiecle de faire fervir toutes les parties de l'orchestre à l'effet général & à l'expreffion des motifs : les compofiteurs qui les ont précédés n'employoient les baffes que comme un foutien à l'harmonie, & ils mafquoient par ce fecours la maigreur de leurs moyens, comme l'on voit les hommes décharnés cacher leurs difformités fous des vêtemens épais il faut avouer cependant que Lulli connoiffoit très-bien le rythme françois & l'accent de notre langue, ce que les muficiens modernes n'obfervent pas affez réguliérement. Il y a lieu de croire que cet opéra chancelant fera bientôt place à Iphigénie en Tauride de M. Gluck, qu'on attend avec une extrême impatience.

On parle d'une tragédie d'Alceste par M. Dorat. Avec beaucoup d'efprit mais point de naturel, nul fentiment, mille chagrins, point d'entente du théâtre, il n'eft guere poffible d'être l'amant favorifé de Melpomene. Il y a une prodigieufe, différence, Monfieur, entre des vers de perfiflage & des vers tragiques.

"La foire,eft devenue un de nos plus brillans fpectacles. Nicolet a chez lui un danfeur de cordes qu'on nomme le Petit diable & qui fait des merveilles; il efface ce que jufqu'ici nous avons vu en ce genre. D'un autre côté les enfans destinés au théâtre de l'opéra, que l'on connoît fous le nom d'Eleves de Terpsichore viennent de reparoître avec fuccès. Il n'y a pas, jufqu'au poiffon fingulier appellé phoque, qui ne figure avec avantage dans ce nombre d'acteurs. Cet animal a de très-beaux yeux; il eft d'une douceur & d'une intelligence qu'on n'a point encore remarquées dans les poiffons, qui font placés fur un échellon bien éloigné de celui que nous occupons dans l'échelle des

tres.

De Verfailles, le 16 Mars 1779.

M. Necker a été à la veille de donner fa démiffion, mais fon ambition ne lui en a pas laiffé la force. Il a eu dans le dernier Confeil une crife très-forte à foutenir. M. de Sartine l'a traité durement. Il s'agiffoit d'une opération fur les fermes générales dont le bail doit être bientôt renouvellé. Le directeur des finan→ ces a fait feu de toute fon artillerie. Fe né connois point d'autres moyens; je n'ai point d'autres refources... En ce cas, faites ce que vous voudrez, M. Necker, a dit le Roi, & le Confeil a fini.

Le projet d'un grand mariage entre le Comte d'Agenois fils du Duc d'Aiguillon, & la fille de la Comteffe Jules de Polignac, occupe beau

coup la Cour. La Comteffe de Maurepas, pour tâcher de fe concilier à elle & à fon époux l'amitié de la Reine, a imaginé cette alliance. Elle a en même temps efpéré qu'elle ferviroit à remettre le Duc d'Aiguillon fur le chemin des graces & de la faveur. L'ambition de l'ex-Miniftre s'eft ranimée à cette occafion, mais il feint peu d'empreffement &, dit même tout haut que fon fils eft encore trop jeune. Il ne manque pas d'ajouter que la volonté de la Reine fera fa loi.

La gaîté nationale s'exerce fur tout. Le nom de famille du Baron de Breteuil qui vient d'être fait Prince du S. E. R., est Tonnelier. On dit qu'il faut l'appeller le Prince Tonnelier, puifqu'il a raccommodé les cercles de l'Empire. Un autre calembour, c'est que fi l'on donne le bâton de Maréchal au Comte d'Efaing, il ne fera point fait de bois de Sainte-Lucie, efpece de bois dont on fait de fort jolis ouvrages.

Les lettres de cachet vont leur train, & l'on en honore indiftinctement une infinité de gens. Quatre Cordeliers ont été exilés pour n'avoir pas voulu fe foumettre à la tranflation de leur couvent à l'ancien bâtiment des Céleftins.

Mlle. d'Eon a tellement fatigué le Miniftre de fes follicitations pour fervir encore comme Chevalier de St., Louis, qu'elle a été exilée à Tonnerre fa patrie.

Le Cardinal de Rohan a laiffé un teflament qui n'eft point figné. Le Prince Louis & le Prince de Rochefort fes héritiers, l'ont tenu

pour

pour valide. Cette Eminence laiffe à fes heritiers plus de 12 millions en argent comptant. Il paroît certain que, malgré l'influence actuelle du Prince des Afturies dans le cabinet de Madrid, l'Espagne fe déclarera en notre faveur contre les Anglois.

De Versailles, le 18 Mars 1779:

Il y a eu quelques aventures piquantes aux derniers bals. Le Roi ayant quitté fa fuite, s'eft promené long-temps avec un mafque femelle dont la converfation paroiffoit l'intéreffer. La foule les ayant féparés, l'aimable inconnue a reçu le confeil de difparoître, & on ne l'a plus revue. Un de nos grands Seigneurs qui a joué un rôle dans la derniere campagne, a effuyé des propos fort défobligeans fous le mafque. Une Dame dont le vifage étoit découvert, lui entendit dire à un de fes amis Pour celle-ci, c'eft une beauté pallée. La Dame fe retourne & lui dit : Ma beauté, Monfeigneur, étoit auffi fragile que votre renommée.

M. Necker a derniérement voulu mettre la main au profit du tréfor royal, fur un dépôt de 600,000 liv. ramaffées pour la reftauration des bâtimens incendiés dans l'enceinte du Palais. Le dépofitaire de cet argent a refusé de s'en deffaifir, fans l'autorisation du Parlement. M. Necker a infifté, mais le dépofitaire a tenu bon & s'eft allé plaindre à M. de Maurepas. Le Mentor a confeillé au Directeur des finan: ces de chercher d'autres reffources. Tume VII.

P

De Paris, le 20 Mars 1779.

ON fe flatte de jour en jour, de voir paroître les Epoques de la nature, ouvrage de M. de Buffon qui renferme, dit-on, des ob fervations auffi favantes que fingulieres. C'est, s'il en faut croire fes amis, le grand livre du monde qui s'ouvrira à nos yeux. Les gens difficiles qui reléguent cet écrivain dans la classe des littérateurs du premier ordre, ne pensent pas ainfi, & prétendent qu'il y a plus à s'amufer qu'à s'inftruire avec un auteur entièrement livré à l'efprit de fyftême. On peut en effet faire ce reproche à M. de Buffon, ce qui ôtera dans l'avenir beaucoup de valeur à fes productions; il ne leur reftera, difent ces redoutables cenfeurs, que le mérite du ftyle, & c'eft la derniere qualité pour un ouvrage de phyfique. Qui a mieux écrit que Malebranche qui a déployé les richeffes d'une plus belle imagination? & préfentement y a-t-il beaucoup de lecteurs qui fe paffionnent pour fon traité de la recherche de la vérité? M. de Buffon pourroit bien avoir le fort de ce métaphyficien. En phyfique fur-tout, un édifice qui n'a pas l'expérience pour base, est sujet à s'écrouler; la théorie de la terre eft peut-être le roman le plus ingénieux qu'on ait écrit ; mais qu'est-ce qu'un roman pour les amateurs de la vérité?

Les tribunaux nous offrent un spectacle auffi indécent que fingulier : c'est un procès entre deux hommes de qualité, que l'on va juger