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rope & quelques autres gazettes tout ce qu'on s'eft dit de part & d'autre à ce fujet. Pour vous mettre à même de fixer votre jugement, lifez cette lettre.

Lettre d'un Officier de l'armée navale de France à M. l'Amiral Keppel : A bord d'une efcadre françoife, près d'Oueffant, le 9 Août 1778.

MONSIEUR L'AMIRAL,

Je ne fuis qu'un des moindres Officiers de notre armée, mais pour défendre la vérité on n'a pas befoin de titres. Je ne fais quel auteur de pamphlets a fait inférer, dans une de vos gazettes, une lettre pleine de contradictions; il l'a produite sous votre nom perfonne dans : notre armée ne vous a fait l'injure de croire qu'elle fût de vous, & ce n'eft qu'à l'inconnu qui vous offenfe que j'adreffe ma réponse.

Je fuis, &c.

Monfieur l'auteur, lorfque vos Généraux éprouvoient en Amérique des revers continuels, ils vantoient en Europe leurs fuccès imaginaires. Vous avez déjà fait un effai de cette maniere lefte & facile, quand vous vous êtes chargé du récit du combat de la BellePoule. Les François étoient dans leurs rades ; vos Amiraux tenoient la mer, ils venoient d'enlever très-heureufement deux frégates, avec vingt-un vaiffeaux; l'une des vôtres, moins heureufement, venoit d'étre battue, défemparée, forcée de fuir, quand vous pré

tendîtes que vous aviez été offenfés & vain queurs. Maintenant vous furpaffez notre attente & celle de toute l'Europe dans votre nouvelle lettre du 30 Juillet.

&

Quelque opinion qu'on eût de votre fagacité, on n'auroit pas imaginé que la rentrée de nos vaiffeaux dans Breft, vingt-quatre heures après la fuite des vôtres, vous donneroit un prétexte d'en imposer à votre nation, d'appaiser fon premier reffentiment; mais votre nation fera détrompée, c'eft un hommage que la vérité réclame, les vrais Anglois la refpectent, & j'attefte ici en fa fayeur, non les vingt mille François qui ont obtenu le champ de bataille, mais les vingt mille Anglois qui l'ont perdu.

Vous dites qu'avant le 27 Juillet les François avoient fui l'occafion de combattre ! Et pourquoi donc vous étiez-vous réfugiés dans la Manche, dont ils gardoient l'entrée, où vous faviez qu'il n'iroient pas, où vous aviez des ports, où ils n'en ont aucun, où un seul coup de vent, tel que celui du 23 au 24, auroit difperfé leur armée & jetté leurs vaiffeaux à la côte? Avant cette époque du 23, c'étoit donc vous-mêmes qui vous étiez réduits à des croifieres fûres & renfermées, en abandonnant à l'armée françoife le golfe de Gascogne & les grandes mers qui y commu niquent.

L'éloignement des François, à l'époque du coup de vent du 23, n'eut que l'objet indifpenfable de leur fûreté : & c'eft ce même vent forcé de nord-oueft qui les mit au large

& vous fit fortir de la Manche, également pour votre fûreté, & lorfque vous faviez bien que les François ne pouvoient plus être à portée de vous en défendre la fortie.

Du 24 au 27 vous fûtes à la vue les uns des autres; c'eft que les François s'étoient rapprochés de vous dès qu'ils l'avoient pu, dès que les vents s'étoient appaifés. Ils n'avoient donc pas évité le combat : ils ne vous le livrerent point, parce que vous l'évitiez vous-mêmes, & qu'ils attendoient d'être joints par deux de leurs vaiffeaux, le Duc de Bourgogne & l'Alexandre, que la tempête avoit écartés.

Les François évitoient fi peu le combat qu'ils ne manoeuvroient que pour l'engager le 27, quoique ces deux vaiffeaux ne les euffent pas rejoints.

Ils vous y forcerent, lorfque les deux armées faifant même route, celle des François revira par la contremarche. Cette manœuvre, qui trompoit votre Amiral, mit bientôt l'avantgarde & le centre des François hors de mefure. Vous revirâtes alors vent devant, & vous forçâtes de voiles pour attaquer & féparer, avec l'avantage du nombre, l'arriere-garde de vos ennemis; alors, par leur manœuvre, & non par les vôtres, vous vous trouvâtes pour la premiere fois à la portée de leur canon.

Auffi-tôt ils revirerent de nouveau, vent devant tous à la fois ; & prolongeant leur ligne en fens contraire, chacun de vos vaiffeaux fut obligé de recevoir le feu de tous les vaiffeaux françois, & réciproquement de le leur rendre,

Vous n'ignorez pas que pendant cette promenade militaire de trente de vos vaiffeaux contre vingt-sept (M. le Comte d'Orvilliers en avoir mis trois en réserve), vous aviez l'avantage du nombre, des calibres, de l'échan tillon de la force & du rang (*), puifque vous aviez cinq vaiffeaux de trois ponts, & que les François n'en avoient que deux; que vous aviez la fupériorité de trois cens canons; que vous étiez penchés par le vent; que vous aviez par conféquent la facilité de vous fervir de tout votre feu quand l'armée de France ne pouvoit pas faire ufage de fes premieres batteries & malgré ces avantages, vous n'igno rez pas non plus, que quand les deux lignes fe furent dépaffées, tous les vaiffeaux fran`çois furent en état de manœuvrer & de com battre. Vous convenez auffi que vous aviez beaucoup fouffert ; vous aviez plufieurs de vos vaiffeaux démâtés & fans voiles; vous en aviez au moins fept de défemparés. Les François, malgré la grande inégalité de leurs forces, vous avoient donc battus autant que le genre de combat qui venoit de fe donner avoit pu le leur permettre.

:

Vous ne craignez pas de dire que dans cette fituation les François fe formerent en ba taille & enfuite qu'ils fe refuferent à un fecond combat. Cette contradiction eft manifefte: fe former en bataille, c'est au moins ne pas refuser le combat, c'est au contraire s'y

(*) Voyez à la fin le Tableau comparé des deux armées,

'difpofer & le préfenter de nouveau. Et pourquoi s'y feroient-ils refufés, puifque, par vos propres aveux, ils avoient moins fouffert que vous? Mais il eft très-aifé de vous prouver qu'ils voulurent vous contraindre à ce fecond combat comme ils vous avoient contraints au premier.

Les deux lignes s'étant dépaffées & fuivant un cours oppofé, il falloit de toute néceffité que l'une des deux, au moins, revirât de bord pour vous remettre en présence. C'étoit le moment décifif de la volonté; mais votre armée ne revira point, ne fe reforma plus, ce furent les François qui revirerent par la contremarche; ils ne craignirent point de fe former en bataille fous le vent pour avoir la poffibilité d'engager une nouvelle action. Vous mîtes à profit cet avantage du vent pour vous foutenir loin d'eux, & ce n'étoit pas à l'approche de la nuit, comme vous le dites: il vous reftoit plufieurs heures de jour, dont on préfume que votre Amiral auroit fait, s'il l'avoit pu, un plus glorieux ufage.

Le Général François fous le vent ne pouvant pas vous approcher, quand vous ne le vouliez point, vous provoqua en vain à un combat qui ne dépendoit plus que de vous; & lorfque la nuit fut venue, maître du champ de bataille, allumant fes feux pour que vous n'euffiez pas l'excufe de l'avoir perdu de vue, ne vous discernant plus dans la profonde obfcurité dont vous vous étiez prudemment enveloppés, vous vous remîtes dans la Manche auffi promptement que le défordre de quel

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