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Elle effaçait, dit-on, sa mère en beauté, elle l'égalait par les charmes de la conversation, par sa douceur, et elle la surpassa par son goût démesuré pour ses plaisirs. Si elle renonça publiquement au mariage, elle n'en goûta pas moins les douceurs. Il y en a cependant qui prétendent qu'elle épousa secrètement Alexis Gregoricwictsch, son Grand-Veneur, et qu'elle en eut plusieurs enfans, dont deux garçons furent connus sous le nom de Comtes de Tarrakonoff, et une fille dont le sort mérite d'être connu. Elle fut élevée sous le nom de Princesse de Tarrakonoff. Le Prince de Radziwil, Polonais, la fit enlever et conduire à Rome, soit pour intimider Catherine II dont on va parler, soit pour épouser lui-même la jeune Princesse. Obligé de revenir dans sa patrie, parce que Catherine avait fait confisquer tous ses biens, cette Princesse profita de ce tems pour envoyer en Italie Alexis Orloff qu'on fera bientôt connaître. Ce scélérat s'introduisit facilement auprès de la jeune Princesse de Tarrakonoff; il flatta son ambition en lui faisant espérer le trône de Russie; il eut même le talent de lui plaire et de la faire consentir à un hymen qui fut célébré par des brigands sous le titre de prêtres et de gens de loi. La jeune Princesse trompée par tant d'artifices, se rendit sur la flotte russe commandée par son prétendu époux; aussitôt elle fut chargée de fers, conduite en Russie, et renfermée dans une forteresse où elle fut noyée six ans après, dans un débordement des eaux de la Newa, Elle était alors âgée de vingt-deux ans.

L'Impératrice Élisabeth eut d'autres amans dont l'histoire devient inutile au but de cet ouvrage ; cependant je crois devoir parler du Marquis de la Chetardie qui, étant Ambassadeur de France en Russie, en 1739, avait été fort avaut dans les bonnes grâces d'Élisabeth qui le regretta beaucoup lors de son départ. La Cour de France le renvoya en Russie en 1744.

Malheureusement, ce Seigneur portant dans ce payslà le ton avantageux, les airs de fatuité et la légéreté brillante d'un homme à bonnes fortunes, piqua sensiblement la Souveraine par ses infidélités et par ses mépris. Il reçut

ordre de sortir, dans vingt-quatre heures, de la capitale, et dans huit jours de l'Empire. Pour colorer cette insulte faite à un Ambassadeur, on publia qu'on avait trouvé dans ses papiers les projets d'une révolution prochaine; mais ce qui prouva que le seul crime du coupable était l'oubli des bienfaits de l'Impératrice qui l'avait traité avec une distinction singulière, c'est qu'elle ne porta aucune plainte directe à Louis XV, ne demanda aucune satisfaction de la conduite de son Ministre, et se contenta des punitions usitées par les femmes en pareil cas, en le forçant de restituer et les gages de sa tendresse, et ce qu'il tenait de sa libéralité, et jusques aux marques d'honneur dont elle l'avait décoré. » (a)

« Ce fut Elisabeth, dit un historien, qui fit donner cinquante coups de knout, dans une place publique de Pétersbourg, aux Comtesses Bestuchoff et Lapouchin, leur fit couper la langue, et les relégua en Sibérie. La Comtesse Lapouchin, regardée comme la plus belle femme de Russie, était accusée d'avoir entretenu une correspondance secrète avec l'Ambassadeur de France; mais son véritable crime,

*

(a) » Ce Marquis de la Chetardie devait, dit-on, sa naissance à un miracle de l'amour. Son père, à l'âge de près de quatre-vingts ans, était encore garçon, et vivait dans la retraite et la dévotion, chez son frère, Curé de Saint-Sulpice, lorsqu'un jour il lui dit : « Je vais sans » doute vous surprendre, mon frère; mais la nécessité, j'ose même » ajouter mon salut, ne me permettent pas de vous dissimuler plus » long-tems que, malgré les jeûnes et les macérations que j'ai mis en » usage, le malin me tourmente au point qu'il faut ou que je me damne, » ou que vous me trouviez une femme. » Le Curé fit en vain les représentations les plus fortes et les plus analogues à la circonstance, le Marquis n'écouta rien. Alors son frère lui fit épouser une jeune demoiselle de quinze ans, jolie et de qualité. Il y avait une demi-heure qu'elle était au lit nuptial, lorsque la jeune épouse sonna avec beaucoup de vivacité. Ceux qui arrivèrent trouvèrent le mari expirant: la jeune femme fut reconduite au couvent; mais, à son grand étonnement, neuf mois après, elle mit au monde un gros garçon qui fut le Marquis de la Chetardie dont ou vient de parler, et qui, dit-on, eût épousé l'Impératrice de Russie, s'il eût été moins imprudent.

Quant à sa mère, on ne put jamais la décider à porter le nom de son mari, et elle conserva toujours le sien qui était de Monasterolles. »

ajoute l'historien qui paraît bien instruit, était d'avoir parlé avec trop de liberté des amours de l'Impératrice. »

Pour prévenir les brigues que l'ambition pouvait susciter deson vivant et après sa mort, Elisabeth fit venir à Pétersbourg Charles-Pierre Ulric, fils du Duc de Holstein Gottorp, et de Anne Petrona, fille de Pierre Ier; elle lui fit prendre le nom de Pierre Fedorawilsch, le déclara Grand-Duc de Russie et son héritier présomptif. Trois ans après elle songea à lui donner une épouse, et ce fut l'amour qui présida à ce choix.

Élisabeth, avant de monter sur le trône, avait été promise au jeune Prince de Holstein Eutin ; mais au moment où le mariage allait être célébré, ce Prince tomba malade et mourut. Elisabeth qui l'aimait avec excès, se livra à la plus amère douleur, et dans son désespoir elle fit vœu de renoncer à l'hymen. Au milieu des plaisirs auxquels elle se livra ensuite, elle conserva une vive tendresse pour l'objet de sa première passion : elle rendait à sa mémoire une espèce de culte, et n'en parlait qu'en versant des larmes.

» Une sœur de cet amant si regretté avait épousé le Prince d'Anhalt-Zerbts, et en avait une fille. Lorsqu'elle apprit l'élévation de Pierre Fedorawilsch au titre de GrandDuc, elle se rappella le tendre souvenir qu'Élisabeth conservait de son frère, et resolut d'en profiter pour assurer un trône à sa fille. Dans cette espérance, elle se rend à Pétersbourg avec la jeune Princesse qui était jolie et parée de toutes les grâces de la jeunesse. On ne tarda pas à s'apercevoir qu'elle avait fait une forte impression sur le cœur du Grand-Duc; l'Impératrice elle-même le remarqua, et n'en fut point fâchée. La Princesse de Zerbts saisissant adroitement l'occasion qui se présentait, courut se jetter aux pieds de l'Impératrice, lui peignit l'inclination des deux jeunes amans comme une passion insurmontable; et, lui rappellant l'amour qu'elle avait eu pour le Prince de Holstein, son frère, elle la copjura de faire le bonheur de la pièce de ce Prince.

» Il n'en fallait pas tant, sans doute, pour décider l'Impératrice; elle mêla ses pleurs à ceux de la Princesse de Zerbts, et lui promit, en l'embrassant, que sa fille serait Grande-Duchesse. Telles furent les causes de cette alliance dont les suites furent si funestes pour le malheureux Pierre III; et si l'amour mit dans ses bras une Princesse qui réunissait aux grâces de la figure tous les talens de l'esprit, cette même personne fut cause de sa cruelle fin. »

Lorsque son mariage fut arrêté, ce Prince était fort bien fait et d'une figure très-avantageuse; mais la petite vérole lui fit perdre, non-seulement les charmes de son visage, ellele rendit encore contrefait, et presque hideux.Sa future, bien instruite par sa mère et plus encore par l'ambition qui tourmentait déjà son cœur, eut le courage de ne témoigner aucune répugnance, lorsqu'on lui permit de voir Pierre; elle courut même au-devant lui, et l'embrassa avec joie. Cependant elle fut si vivement affectée, qu'elle tomba évanouie en rentrant dans son appartement, premier motif de son indifférence pour son époux. A celui-là s'en joignit un autre qui fit une plus forte impression encore, et eut de plus fâcheuses suites.

« Le jeune Prince avait une imperfection qui, quoi qu'aisée à détruire, n'en était pas moins désagréable. La violence de son amour, ses efforts réitérés ne purent réussir à consommer le mariage. Si ce Prince se fût confié à quelqu'un qui eût eu un peu d'expérience, l'obstacle qui s'opposait à ses désirs eût été facilement vaincu, Le dernier rabbin de Pétersbourg, ou le moindre chirurgien l'en aurait délivré; mais telle était la honte dont l'accablait ce malJeur, qu'il n'eut pas même le courage de le révéler. La Princesse qui ne recevait plus ses caresses qu'avec répugnance, et qui n'était pas alors moins expérimentée que lui, ne songea ni à le consoler, ni à lui faire chercher des moyens qui le ramenassent dans ses bras. »

Malheureusement elle ne fut que trop tôt instruite de ce qui manquait à son bonheur; nouveau motif d'aversion pour son mari qui, d'ailleurs étant grossier et sans éducation, ne cherchait pas à faire oublier à la Princesse le

désagrément de sa situation, et ne savait pas la rendre heureuse. Cette conduite peu réfléchie ne tarda pas à être connue de l'Impératrice. On avait soin de lui rapporter toutes les paroles et les actions de son neveu: on exagérait même pour le rendre odieux ; et pendant que la vile classe des courtisans s'étudiait, les uns à le corrompre, d'autres à le perdre dans l'esprit de sa tante, l'amour lui tendait des embûches qui préparèrent et assurèrent son déshonneur et sa perte.

La situation de Catherine, telle qu'on vient de la dépeindre pouvait entraîner des inconvéniens, même dans une personne vertueuse. La curiosité seule était capable de donner des inquiétudes; mais si l'on joint à tout ce qu'il est facile de deviner, un tempérament ardent, un penchant décidé pour le plaisir, et sur-tout un désir vifet naturel d'avoir des enfans, moyen assuré de satisfaire l'ambition dont Cathe rine était dévorée, on doit sentir qu'il était difficile à cette jeune Princesse de résister aux premières impressions de l'amour, et ce petit dieu eut soin de se présenter à elle avec des dehors assez séduisans pour être sûr de son triomphe. Parmi les jeunes Seigneurs qui entouraient le Grand-Duc, on distinguait Soltikoff, Chambellan du Prince. Il était de toutes ses parties; mais il en rougissait: il connaissait assez bieu la littérature française; il savait par cœur les plus beaux morceaux de Racine et de Voltaire, auxquels sa voix semblait encore prêter des charmes. Quoiqu'à peine au sortir de l'enfance, il avait déjà obtenu les faveurs de plusieurs femmes de la Cour, et ce succès l'enorgueillissait. Pour étendre le nombre de ses conquêtes galantes, il avait souvent bravé les déserts de la Sibérie; enfin les maris le regardaient comme le plus agréable et le plus dangereux de Pétersbourg.

Tel fut l'homme qui osa lever les yeux jusque sur l'épouse de son maître, et la vanité, peut-être encore plus que l'amour, lui fit concevoir le hardi dessein de captiver son cœur: il trouva plus de facilité qu'il ne le pensait. Après avoir franchi le pas le plus difficile, en faisant connaître sa passion, et s'être aperçu qu'on l'avait écouté sans colère a

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