L'Editeur n'a pas toujours de quoi choifir, & pourtant il faut que fon Livre ait une certaine groffeur pour avoir cours. Il y en a dont on ne voudroit pas fe défaire pour beaucoup d'argent au contraire, on n'achète ceux-ci que pour les donner de bon cœur; trop heureux fi ces dons de la galanterie font agréés du beau Sèxe. Le but de l'Editeur n'eft pas même de publier un bon Recueil. Pourvu qu'on l'achète, il confent volontiers qu'on ne le life pas. Un Livre, a-t-on dit, vaut tout ce qu'il rend. Qu'on ne s'étonne donc pas qu'il y ait fi peu de bonnes Pièces parmi tant de mauvaises ou de médiocres. Il faut que tout le monde vive; & pour un petit nombre de perfonnes qui ont le goût délicat, combien s'en trouve-t-il qui ne s'y connoiffent guère, & qui aiment max des pointes & des calembourgs, que du véřitable efprit? Combien qui favourent des fadeurs érotiques & des fadaifes bachiques ! Ces réflexions, qui n'auroient point été déplacées les années précédentes, m'ont paru indifpenfables cette année. Jamais les Etrennes chantantes n'ont été fi peu agréables. On va donc fe borner à citer une Chanfon parmi les meilleures des trois Recueils annoncés dans cet Article. Une Ode attribuée à Horace, & publiée depuis de temps comme extraite d'un manuscrit du Vatican, a été heureusement imi peu tée par M. Simon dans les Etrennes Lyriques. La voici : Air: Avec les jeux dans le Village, DEJA de fa tige élancée La vigne couvre nes berceaux 2 Si la Nymphic agile & craintive Crois qu'elle feint, & perfévère, PENDANT le jour, dans une orgie, Florus, t'engage & te convic A boire au bruit de nos chanfons. EN riant diffipe l'orage Ces ftances ont du fens; elles font écrites avec foin. On voit que M. Simon ne croit pas qu'une bribe incorrecte foir digne d'être publiée: il a fuivi ce précepte de Boileau, qu'on ne peut trop redire: Iffaut même en charfons du bon fens & de l'art. L'Almanach des Graces offre au moins autant de Chanfons agréables que les Etrennes Lyriques; mais ce n'eft pas beaucoup dire cette année ; & d'ailleurs, s'il faut dire le pour & fe contre, if en offre aufli quelques unes plus mauvaifes. On diftingue parmi les bonnes, celle intitulée le Portrait d'Eléonore, par M. le Meteyer. Le ftyle en eft vif, aifé, naturel, & galant fans fadeur; ce qui eft bien rare dans les Pièces de ce genre. Air: Loin de toi, tendre Thémire SUR les pas d'Eléonore, Sans ceffe on voit le plaifir; Et l'air matin die Zéphir. En fimple habit de Bergère, Comme en riche habit de Cour Eléonore doit plaire: "Eft-il des rangs pour l'amour? DE fa belle chevelure Un ruban eft le lien; Il devient une parure Si d'un œillet, d'une rofe, On fent battre quelque chofe Et palpiter le bouquet. TOUT enfin femble autour d'elle S'embellir de fa beauté, L'emploi de la Fable, obferve M. Lemierre dans la Préface de fes Poéfies diverses, est un des moyens qui contribuent le plus à jeter de la poéfie dans les Pièces fugitives, dans ce genre d'Opufcules qui ne femble, au premier coup d'œil, qu'un délaffement de l'efprit, mais qui, pour être piquant, exige plus de travail qu'il n'en montre. M. Knapen eft donc louable d'avoir cherché à faire ufage de la Mythologie dans fes Chanfons à Mme. Palza & à Mme. Perr.. ; mais peut être fes allufions ne paroîtront elles pas affez piquantes & allez neuves aux Juges févères & délicats. Quoi qu'il en foit, c'eft par erreur que l'Editeur fuppofe adreffée à une Demoifelle la Chanfon page 217; le Couplet fuivant prouve affez qu'elle ne peut convenir, avec bienféance, qu'à un femme mariée. . ELLE a du père de Jason M. Billiard, Maître de Clavecin, a compofé fur ces deux Pièces deux airs nouveaux, favans & pleins de mélodie. On trouve dans les Etrennes de Polymnie des Couplets à l'honneur de M. & Mme. Le Tourneur, chantés à Lixi, vil! lage dans le Gâtinois, où Young François a une maison de campagne. Ces Couplets, écrits avec pureté, refpirent une galanterie ingénieufe. |