صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

sonner. Toutes les autres veritez sont prouvables, et j'estime extrêmement la methode d'Euclide, qui sans s'arrêter à ce qu'on croiroit être assez prouvé par les prétendües idées, a demontré (par exemple) que dans une triangle un côté est toujours moindre que les deux autres ensemble. Cependant Euclide a eu raison de prendre quelques axiomes pour accordés, non pas comme s'ils étoient véritablement primitifs et indémonstrables, mais parce qu'il se seroit trop arrêté, s'il n'avoit voulu venir aux conclusions qu'après une discussion exacte des principes: ainsi il a jugé à propos de se contenter d'avoir poussé les preuves, jusqu'à ce petit nombre de propositions, en sorte qu'on peut dire que si elles sont vraies, tout ce qu'il dit l'est aussi. Il a laissé à d'autres le soin de démontrer ces principes mêmes, qui d'ailleurs sont déjà justifiées par les expériences. Mais c'est dequoi on ne se contente point en ces matieres: c'est pourquoi Apollonius, Proclus, et autres, ont pris la peine de démontrer quelques uns des axiomes d'Euclide. Cette maniere doit être imitée des philo sophes, pour venir enfin à quelques établissemens, quand ils ne seroient que provisionels; de la maniere que je viens de dire. Quant aux idée j'en ai donné quelque éclaircissement dans un petit écrit imprimé dans les actes des sçavans de Leipzig au mois de Novembre, 1684, p. 537, qui est intitulé, Meditationes de Cognitione, Veritate, et Ideis, et j'aurois souhaité que Mr. Locke l'eut vû et éxaminé, car je suis des plus dociles, et rien n'est plus propre à avancer nos pensées que les considerations et les remarques des personnes de mérite, lorsqu'elles sont faites avec attention et avec sincérité. Je dirai seulement ici, que les idées vraies ou réelles sont celles dont on est assûré que l'exécution est possible, les autres sont douteuses ou (en cas de preuve de l'impossibilité) chimériques. Or la possibilité des idées se prouve tant à priori par des demonstrations, en se servant de la possibilité d'autres idées plus simples, qu'à posteriori par les expériences, car ce qui est ne sçauroit manquer d'être possible: mais les idées primitives sont celles dont la possibilité est indémonstrable, et qui en effet ne sont autre chose que les attributs de

Dieu. Pour ce qui est de la question, "s'il y a des idées et des véritez créez avec nous;" je ne trouve point absolument nécessaire pour les commencemens, ni pour la pratique de l'art de penser, de la décider, soit qu'elles nous viennent toutes de déhors, ou qu'elles viennent de nous, on raisonnera juste pourvû qu'on garde ce que j'ai dit ci-dessus et qu'on precede avec ordre et sans préven tion. La question de "l'origine de nos idées et de nos maximes" n'est pas préliminaire en philosophie, et il faut avoir fait de grands progrès pour la bien résoudre. Je crois cependant pouvoir dire que nos idées (même celles de choses sensibles) viennent de notre propre fonds, dont on pourra mieux juger parce que j'ai publié touchant la nature et la communication des substances et ce qu'on appelle "l'union de l'ame avec le corps,' car j'ai trouvé que ces choses n'avoient pas été bien prises. Je ne suis nullement pour la tabula rasa d'Aristote, et il y a quelque chose de solide dans ce que Platon appelloit la reminiscence. Il y a même quelque chose de plus, car nous n'avons pas seulement une reminiscence de toutes nos pensées passées, mais encore un pressentiment de toutes nos pensées futures. Il est vrai que c'est confusément et sans les distinguer, peu près comme lorsque j'entends le bruit de la mer, j'entends celui de toutes les vagues en particulier qui composent le bruit total; quoique ce soit sans discerner une vague de l'autre. Et il est vrai dans un certain sens que j'ai expliqué, que non seulement nos idées, mais encore nos sentimens naissent de nôtre propre fonds, et que l'ame est plus indépendante qu'on ne pense, quoiqu'il soit toujours vrai que rien ne se passé en elle qui ne soit déterminé.

à

que

Dans le livre ii. qui vient au détail des idées, j'avoue les raisons de Mons. Locke pour prouver que l'ame est quelquefois sans penser à rien, ne me paroissent pas convainquantes; si ce n'est qu'il donne le nom de pensées aux seules perceptions assez notables pour être distinguées et retenues. Je tiens que l'ame et même le corps n'est jamais sans action, et que l'ame n'est jamais sans quelque perception. Même en dormant on a quelques sentimens confus et sombres du lieu où l'on

est et d'autres choses. Mais quand l'expérience ne le confirmeroit pas je crois qu'il y en a démonstration. C'est à peu près comme on ne sçauroit prouver absolument par les expériences s'il n'y a point de vuide dans l'espace et s'il n'y a point de repos dans la matiere. Et cependant ces sortes de questions me paroissent décidées démonstrativement, aussi bien qu'à Mr. Locke; je demeure d'accord de la différence qu'il met avec beaucoup de raison entre la matiere et l'espace. Mais pour ce qui est du vuide plusieurs personnes habiles l'ont crû. Monsieur Locke est de ce nombre, j'en étois presque persuadé moi-même, mais j'en suis revenu depuis long-tems. Et l'incomparable Monsieur Huygens, qui étoit aussi pour le vuide, et pour les atomes, commença à faire réflexion sur mes raisons, comme ses lettres le pouvent témoigner. La preuve du vuide prise du mouvement, dont Mr. Locke se sert, suppose que le corps est originairement dur, et qu'il est composé d'un certain nombre de parties inflexibles. Car en ce cas il seroit vrai, quelque nombre fini d'atomes qu'on pourroit prendre, que le mouvement ne sçauroit avoir lieu sans vuide; mais toutes les parties de la matiere sont divisibles et pliables. Il y a encore quelques autres choses dans ce second livre qui m'arrêtent, par exemple, lorsqu'il est dit, chap. 17, que l'infinité ne se doit attribuer qu'à l'espace, au tems, et aux nombres. Je crois avec Mr. Locke qu'à proprement parler on peut dire qu'il n'y a point d'espace, de tems, ni de nombre, qui soit infini, mais qu'il est seulement vrai que plus grand que soit une espace, ou tems, ou bien un nombre, il y a toujours un autre plus grand que lui sans fin, et qu'ainsi le véritable infini ne se trouve point dans un tout composé de parties. Cependant il ne laisse pas de se trouver ailleurs, savoir dans l'absolu, qui est sans parties est qui a influence sur les choses composées, parce qu'elles résultent de la limitation de l'absolu. Donc l'infini positif n'étant autre chose que l'absolu, on peut dire qu'il y a en ce sens une idée positive de l'infini, et qu'elle est antérieure à celle du fini. Au reste en rejettant un infini composé on ne rejette point ce que les géométres démontrent

"de seriebus infinitis," et particulièrement l'excellent Mr. Newton. Quant à ce qui est dit chap. 30, "De Ideis Adæquatis," il est permit de donner aux termes la signification qu'on trouve à propos. Cependant sans blamer le sens de Mr. Locke, je mets un degré dans les idées selon lequelle j'appelle adequate celle où il n'y a plus rien à expliquer. Or toutes les idées des qualités sensibles, comme de la lumiere, couleur, chaleur, n'étant point de cette nature, je ne les compte point parmi les adequates, aussi n'est-ce point par ellesmêmes, ni à priori, mais par l'expérience que nous en sçavons la réalité, ou la possibilité.

Il y a encore bien de bonnes choses dans le livre iii. où il est traite des mots ou termes. Il est très-vrai qu'on ne sçauroit tout définir, & que les qualitez sensibles n'ont point de définition nominale, et on les peut appeller primitives en ce sens-la. Mais elles ne laissent pas de pouvoir recevoir une définition réelle. J'ai montré la différence de ses deux sortes de définitions dans la méditation citée ci-dessus. La définition nominale explique le nom par les marques de la choses; mais la définition réelle fait connoître à priori la possibilité du défini. Au rest, j'applaudis fort à la doctrine de Mons. Locke touchant la demonstrabilité des véritez morales.

Le iv. ou dernier livre, où il s'agit de la connoissance de la vérité, montre l'usage de ce qui vient d'être dit. J'y trouve (aussi bien que dans les livres précédens) une infinité de belles réflextions. De faire là-dessus les remarques convenables, ce seroit faire un livre aussi grand que l'ouvrage même. Il me semble que les axiomes y sont un peu moins considérés qu'ils ne méritent de l'être. C'est apparemment parce qu'excepté ceux des mathématiciens on n'en trouve guère ordinairement, qui soient importans et solides: tâché de rémedier à ce défaut. Je ne méprise pas les propositions identiques, et j'ai trouvé qu'elles ont un grand usage même dans l'analyse. Il est très-vrai, que nous connoissons nôtre existence par une intuition immédiate et celle de Dieu par démonstration, et qu'une masse de matiere, dont les parties sont sans perception, ne

sçauroit faire un tout qui pense. Je ne méprise point l'argument inventé, il y a quelques siècles, par Anselme, qui prouve que l'être parfait doit exister; quoique je trouve qu'il manque quelque chose à cet argument, parce qu'il suppose que l'être parfait est possible. Car si ce seul point se démonstre encore, la démonstration toute entière sera entièrement achevé. Quant à la connoissance des autres choses il est fort bien dit, que la seule expérience ne suffit pas pour avancer assez en physique. Un esprit pénétrant tirera plus de conséquences de quelques expériences assez ordinaires qu'un autre ne sçauroit tirer des plus choisies, outre qu'il y a un art d'expérimenter et d'interroger, pour ainsi dire, la nature. Cependant il est toujours vrai qu'on ne sçauroit avancer dans le detail de la physique qu'à mesure qu'on a des expériences. Mons. Locke est de l'opinion des plusieurs habiles hommes, qui tiennent que la forme des logiciens est de peu d'usage. Je serois quasi d'un autre sentiment; et j'ai trouvé souvent que les paralogismes même dans les mathématiques sont des manquemens de la forme. M. Huygens a fait la même remarque. Il y auroit bien à dire là-dessus; et plusieurs choses excellentes sont méprisées parce qu'on n'en fait pas l'usage dont elles sont capables. Nous sommes portez à mépriser ce que nous avons appris dans les écoles. Il est vrai que nous y apprenons bien des inutilitez, mais il est bon de faire la fonction della crusca, c'est à dire de séparer le bon du mauvais. Mr. Locke le peut faire autant que qui que ce soit; et de plus il nous donne des pensées considerables de son propre crû. Il n'est pas seulement essayeur, mais il est encore transmutateur, par l'augmentation qu'il donne du bon métal. S'il continuoit d'en faire present au public, nous lui en serions fort redevables.

Je voudrois que Mons. Locke eut dit son sentiment à Mons. Cunningham sur mes remarques, ou que Mons. Cunningham voulut nous le dire librement. Car je ne pas de ceux qui sont entêtez, et la raison peut tout sur moi. Mais les affaires de négoce détournent Mons. Locke de ces pensées, car cette matiere de négoce est

suis

« السابقةمتابعة »