Enfin la longue kyrielle De tout le Phébus ancien :
Et fans doute il n'en feroit rien ; Tous les moineaux, à l'ordinaire, Vaqueroient à leurs fonctions: Sans chagrines réflexions,
Les Amours fongeroient à plaire : Mirtyle, toujours plus heureux, Uniroit fon chiffre amoureux Avec celui de fa bergère ;
Et les ruiffeaux, apparemment ; Entre les fleurs & la fougère, N'en iroient pas plus lentement. Mais, fans ces fadeurs de l'Idyle, Je vous dirai fort fimplement Que jamais ce féjour tranquille N'a vu l'Automne plus charmant, Loin du tumulte qu'il abhorre Le Plaifir avec chaque aurore Renaît fur ces vallons chéris : Des guirlandes de la Jeunesse Les Ris couronnent la Sageffe, La Sageffe enchaîne les Ris; Ec, pour mieux varier fans ceffe L'uniformité du foifir,
Un goût guidé par la finesse, Vient unir les arts au plaifir, Les arts que permet la paresse, Ces arts inventés feulement Pour occuper l'amufement.
Tour-à-tour d'une main facile ; On tient le crayon, le compas, Les fufeaux, le pinceau docile, Avec l'aiguille de Pallas; Et pendant tout ce badinage, Qu'on honore du nom d'emploi ; D'autres parefleux avec moi Font un fermon contre l'ouvrage; Ou, fans projet, fans autre loi Que les erreurs d'un goût volage Tome I.
Sages ou foux à l'uniffon, Joignent la flûte à la trompette, Le brodequin à la houlette, Er le fublime à la chanson. Hors la louange & la fatyre, Tout s'écrit ici, tous nous plaît, Depuis les accords de la lyre Jufqu'aux foupits du flageolet, Et depuis la langue divine De Malebranche & de Racine, Jufqu'au folâtre triolet.
Que l'infipide fymmétrie Règle la ville qu'elle ennuie ; Que les tems y foient concertés, Et les plaifirs même comptés ; La mode, la cérémonie, Et l'ordre & la monotonie Ne font point le Dieu des hameaux ; Au poids de la trifte Satyre On n'y pèfe point tous les mots ; Et, fi l'on doit blâmer ou rire, Tout ce qui plaît vient à propos; Tout y fait des plaifirs nouveaux, Le hafa d, l'inftant les décide, Sans regretter l'heure rapide Qui naît, qui s'envole foudain; Et fans prévoir le lendemain, Dans ce filence folitaire, Sous l'empire de l'agrément, Nous ne nous doutons nullement Que déjà le noir Sagittaire, Couronné de triftes frimats, Vient bannir Flore défolée, Et qu'avec Pomone exilée, L'altre du jour fuit nos climats. Oui, malgré ces métamorphofes, Nos bois temblent encor naiflans; Zéphir n'a point quitté nos champs, Nos jardins ont encor des roles. Où règnent les amusemens,
Il est toujours des fleurs écloses; Et les plailies font le printems. Echappé de voire heritage, Et fur ce fortuné rivage Porté par les fonges légers, Voyez la nouvelle parure
Dont s'embelliffent ces vergers (*); Elève ici de la Nature,
L'Art lui prêtant fes foins brillans, Y forme un temple de verdure A la Déeffe des talens,
Sortez du fein des violettes, Croiffez, feuillages fortunés; Couronnez ces belles retraites, Ces détours, ces routes fecrettes Aux plus doux accords destinés! Ma Mufe pour vous attendrie, D'une charmante rêverie Subit déjà l'aimable loi;
Les bois, les vallons, les montagnes, Toute la fcène des campagnes Prend, une ame & s'orne pour moi. Aux yeux de l'ignare vulgaire, Tout eft mort, tout eft folitaire; Un bois n'est qu'un fomb e réduit, Un ruiffeau n'est qu'une onde claire, Les Zéphyrs ne font que du bruit; Aux yeux que Cail.ope éclaire, Tout brille, tout pense, tout vit; Les ondes tend es & plaintives, Ce font des Nymphes fugitives Qui cherchent à fe dégager De Jupiter pour un berger; Ces fougères font animées; Ces fleurs qui les parent toujours; Ce font des belles transformées;
* Bofquet de Minerve, récemment ajouté aux Jardins de
C*. dessiné par le célèbre le Nôtre.
Ces papillons font des Amours. Mais pourquoi ma raison oifive; D'une Mufe qui la captive Suivant les caprices légers, Cherche-t-elle fur cette rive Des objets au fage étrangers, Sans fixer fa vue attentive Sur l'exemple de ces bergers? Si dans l'impofture éternelle De nos menfonges enchanteurs; Il reste encor quelqu'étincelle De la nature dans nos cœurs; Sauvés du féjour des prestiges, Et cherchant ici les veftiges De l'antique fimplicité, Sans adorer de vains fantômes; Décidons fi ce que nous fommes Vaut ce que nous avons été : Et fi malgré leur douceur pure, Ces biens pour toujours font perdus} Voyons-en du moins la figure, Comme on aime à voir la peinture De quelque belle qui n'eft plus. Oui, chez ces bergers, fous ces hêtres J'ai vu dans la frugalité,
Les dépofitaires, les maîtres
De la douce félicité;
J'ai vu dans les fêtes champêtres ; J'ai vu la pure Volupté
Defcendre ici fur les cabanes,
Y répandre un air de gaieté, De douceur & de vérité,
Que n'ont point les plaifirs profanes Du luxe & de la dignité.
Parmi le fafte & les grimaces Qu'entraînent les fêtes des Cours, Thémire, dans fes plus beaux jours; Avec de l'efprit & des graces, S'ennuie au milieu des Amours; Ici j'ai vu la tendre Life
A peine en fon quinzième été, Sans autre efpoir que la franchise, Sans parure que la beauté, Plus heureufe, plus fatisfaite D'anir avec agilité
Ses pas aux fons d'une mufette, Et parmi les plus fimples jeux, Portant le plaifir dans les yeux, Écrit des mains de la Nature, Avec de plus aimables feux Que n'en peut prêter l'impofture A l'œil trompeur & concerté D'une coquette faftueuse, Qui, par un fourire emprunté, Dans l'ennui veut paroître heureuse; Et jouer la vivacité.
Qu'on cenfure ou qu'on favorife Ce goût d'un bonheur innocent, Pour répondre à qui le méprife, Qu'il nous fuffife que fouvent, Pour fuir un tumulte brillant, Thémire voudroit être Life, Et voler du fein des grandeurs Sur un lit de mouffe & de fleurs. Feuillage antique & vénérable, Temple des bergers de ces lieux, Orme heureux, monument durable De la pauvrete refpectable, Et des amours de leurs aïeux; O toi! qui depuis la durée De trente luftres révolus, Couvres de ton ombre facrée Leurs danfes, leurs jeux ingénus ; Sur ces bords, depuis ta jeuneffe Jufqu'à cette verte vieilleffe, Vis-tu jamais changer les mœurs, Et la félicité première Fuir devant la fauffe lumière De mille brillantes erreurs ? Non; chez cette race fidelle
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