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de former fur cela le moindre doute. Auffi, dans le tems que plufieurs Ecrivains, rivaux des Orateurs & des Poëtes Grecs, marchoient à côté de leurs modeles, ou peut-être même les furpaffoient, la Philofophie Grecque, quoique fort imparfaite, n'étoit pas même bien connue.

Tant de préjugés qu'une admiration aveugle pour l'antiquité contribuoit à entretenir, fembloient fe fortifier encore par l'abus qu'ofoient faire quel ques Théologiens de la foumiffion des Peuples. On avoit permis aux Poëtes de chanter dans leurs Ouvrages les Divinités du paganifime, parce qu'on étoit perfuadé avec raifon que les noms de ces divinités ne pouvoient plus être qu'un jeu dont on n'avoit rien à craindre. Si d'un côté la Religion des Anciens qui animoit tout, ouvroit un vaste champ à l'imagination des beaux Efprits; de l'autre, les principes en étoient trop abfurdes, pour qu'on appréhendât de voir reffufciter Jupiter & Pluton par quelque fecte de Novateurs. Mais l'on craignoit, ou l'on paroiffoit craindre les coups qu'une raifon aveugle pouvoit porter au Chriftianifme: com

ment

ment ne voyoit-on pas qu'il n'avoit point à redouter une attaque aussi foible? Envoyé du ciel aux hommes, la vénération fi jufte & fi ancienne que les peuples lui témoignoient, avoit été garantie pour toujours par les promeffes de Dieu même. D'ailleurs, quelque abfurde qu'une religion puiffe être, (reproche que l'impiété feule peut faire à la nôtre), ce ne font jamais les Philofophes qui la détruifent: lors même qu'ils enfeignent la vérité, ils fe contentent de la montrer fans forcer perfonne à la connoître; un tel pouvoir n'appartient qu'à l'être tout-puiffant: ce font les hommes infpirés qui éclairent le peuple, & les enthoufiaftes qui l'égarent. Le frein qu'on eft obligé de mettre à la licence de ces derniers ne doit point nuire à cette liberté fi néceffaire à la vraie Philofophie, & dont la religion peut tirer les plus grands avantages. Si le Chriftianifme ajoûte à la Philofophie les lumieres qui lui manquent, s'il n'appartient qu'à la Grace de foûmettre les incrédules, c'est à la Philofophie qu'il eft réfervé de les réduire au filence; & pour affurer le triomphe de la Foi, les Théologiens

dont nous parlons n'avoient qu'à faire ufage des armes qu'on auroit voulu employer contre elles.

Mais parmi ces mêmes hommes, quelques-uns avoient un intérêt beaucoup plus réel de s'oppofer à l'avancement de la Philofophie. Fauffement perfuadés que la croyance des peuples eft d'autant plus ferme, qu'on l'exerce fur plus d'objets différens, ils ne fe contentoient pas d'exiger pour nos Myfteres la foumiffion qu'ils méritent, ils cherchoient à ériger en dogmes leurs opinions particulieres; & c'étoit ces opinions mêmes, bien plus que les dogmes, qu'ils vouloient mettre en fûreté. Par là ils auroient porté à la religion le coup le plus terrible, fi elle eût été l'ouvrage des hommes; car il étoit à craindre que leurs opinions étant une fois reconnues pour fauffes, le peuple qui ne difcerne rien, ne traitât de la même maniere les vérités avec lesquel les on avoit voulu les confondre.

D'autres Théologiens de meilleure foi, mais auffi dangereux, fe joignoient à ces premiers par d'autres motifs. Quoique la religion foit uniquement deftinée à régler nos mœurs & notre

foi, ils la croyoient faite pour nous éclairer auffi fur le fyftême du monde, c'est-à-dire, fur ces matieres que le Tout - puiffant a expreffément abandonnées à nos difputes. Ils ne faifoient pas réflexion que les Livres facrés & les Ouvrages des Peres, faits pour montrer au peuple comme aux Philofophes ce qu'il faut pratiquer & croire, ne devoient point fur les queftions indifférentes parler un autre langage que le peuple. Cependant le defpotifme théologique ou le préjugé l'emporta. Un Tribunal devenu puiffant dans le Midi de l'Europe, dans les Indes, dans le nouveau Monde, mais que la Foi n'ordonne point de croire, ni la charité d'approuver, ou plutôt que la religion réprouve quoiqu'occupé par fes Miniftres, & dont la France n'a s'accoûtumer encore à prononcer le nom fans effroi, condamna un célebre Aftronome pour avoir foûtenu le mouvement de la Terre, & le déclara hérétique; à-peu-près comme le Pape Zacharie avoit condamné quelques fiecles auparavant un Evêque, pour n'avoir pas penfé comme faint Auguftin fur les Antipodes, & pour avoir deviné leur

existence fix cens ans avant que Chriftophe Colomb les découvrit. C'eft ainfi que l'abus de l'autorité fpirituelle réunie à la temporelle forçoit la raifon au filence; & peu s'en fallut qu'on ne défendît au genre humain de penfer.

Pendant que des adverfaires peu inf. truits ou mal-intentionnés faifoient ou vertement la guerre à la Philofophie, elle fe refugioit, pour ainfi dire, dans les Ouvrages de quelques grands hommes, qui fans avoir l'ambition dangereufe d'arracher le bandeau des yeux de leurs contemporains, préparoient de loin dans l'ombre & le filence la lumiere dont le monde devoit être éclairé peu-à-peu & par degrés infenfibles.

A la tête de ces illuftres perfonnages doit être placé l'immortel Chancelier d'Angleterre, FRANÇOIS BACON, dont les Ouvrages fi juftement eftimés, & plus eftimés pourtant qu'ils ne font connus, méritent encore plus notre lecture que nos éloges. A confidérer les vues faines & étendues de ce grand homme, la multitude d'objets fur lefquels fon efprit s'eft porté, la hardieffe de fon ftyle qui réunit par-tout les plus fublimes images avec la précifion la

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