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penfé de meilleur; & que le travail auquel il falloit fe livrer pour écrire dans leur Langue, étoit autant de perdu pour l'avancement de la raison. Ön ne voyoit pas d'ailleurs, que s'il y a dans les Anciens un grand nombre de beautés de ftyle perdues pour nous, il doit y avoir auffi par la même raifon bien des défauts qui échappent, & que l'on court rifque de copier comme des beautés; qu'enfin tout ce qu'on pourroit efpérer par l'ufage fervile de la Langue des Anciens, ce feroit de fe faire un ftyle bifarrement afforti d'une infinité de ftyles différens, très-correct & admirable même pour nos Modernes, mais que Ciceron ou Virgile auroient trouvé ridicule. C'eft ainfi que nous ririons d'un Ouvrage écrit en notre Langue, & dans lequel l'Auteur auroit raffemblé des phrafes de Boffuet, de la Fontaine, de la Bruyere, & de Racine, perfuadé avec raifon que chacun de ces Ecrivains en particulier eft un excellent modele.

Ce préjugé des premiers Savans a produit dans le feizieme fiecle une foule de Poëtes, d'Orateurs & d'Hiftoriens Latins, dont les Ouvrages, il faut

l'avouer, tirent trop fouvent leur principal mérite d'une latinité dont nous ne pouvons guere juger. On peut en comparer quelques-uns aux harangues de la plupart de nos Rhéteurs, qui vuides de chofes, & femblables à des corps fans fubftance, n'auroient befoin que d'être mifes en François pour n'être lûes de perfonne.

Les Gens de Lettres font enfin revenus peu-à-peu de cette efpece de manie. Il y a apparence qu'on doit leur changement, du moins en partie, à la protection des Grands, qui font bien aifes d'être favans, à condition de le devenir fans peine, & qui veulent pouvoir juger fans étude d'un Ouvrage d'efprit, pour prix des bienfaits qu'ils promettent à l'Auteur, ou de l'amitié dont ils croient l'honorer. On commença à fentir que le beau, pour être en Langue vulgaire, ne perdoit rien de fes avantages; qu'il acquéroit même celui d'être plus facilement faifi du commun des hommes; & qu'il n'y avoit aucun mérite à dire des chofes communes ou ridicules dans quelque Langue que ce fût, & à plus forte raifon dans

Les Gens de Lettres penferent donc à perfectionner les Langues vulgaires; ils chercherent d'abord à dire dans ces Langues ce que les Anciens avoient dit dans les leurs. Cependant par une fuite du préjugé dont on avoit eu tant de peine à fe défaire, au lieu d'enrichir la Langue Françoife, on commença par la défigurer. Ronfard en fit un jargon barbare, hériffé de Grec & de Latin: mais heureufement il la rendit affez méconnoiffable, pour qu'elle en devint ridicule. Bientôt on fentit qu'il falloit transporter dans notre Langue les beautés & non les mots des Langues anciennes. Réglée & perfectionnée le par goût, elle acquit affez promptement une infinité de tours & d'expreffions heureuses. Enfin on ne fe borna plus à copier les Romains & les Grecs, ou même à les imiter; on tâcha de les furpaffer, s'il étoit poffible, & de penser d'après foi. Ainfi l'imagination des Modernes renaquit peu à-peu de celle des Anciens ; & l'on vit éclorre prefqu'en même tems tous les chefs-d'oeuvre du dernier fiecle, en Eloquence, en Hiftoire, en Poëfie, & dans les différens genres de littérature.

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MALHERBE, nourri de la lecture des excellens Poëtes de l'Antiquité, & prenant comme eux la nature pour modele, répandit le premier dans notre Poëfie une harmonie & des beautés auparavant inconnues. BALZAC, aujourd'hui trop méprifé, donna à notre Prose de la nobleffe & du nombre. Les Ecrivains du PORT-ROYAL continuerent ce que Balzac avoit commencé ; ils y ajoûterent cette précision, cet heureux choix des termes, & cette pureté, qui ont confervé jufqu'à préfent à la plûpart de leurs Ouvrages un air moderne, & qui les diftinguent d'un grand nombre de Livres furannés, écrits dans le même tems. CORNEILLE, après avoir facrifié pendant quelques années au mauvais goût dans la carriere dramatique, s'en affranchit enfin, découvrit par la force de fon génie, bien plus que

par

la lecture, les lois du Théatre, & les expofa dans fes Difcours admirables fur la Tragédie, dans fes réflexions fur chacune de fes pieces, mais principalement dans fes pieces même. RaCINE s'ouvrant une autre route, fit paroître fur le Théatre une paffion que

gination même. Qu'on fuppofe pour un moment nos Peintres & nos Sculpteurs privés de l'avantage qu'ils avoient de mettre en œuvre la même matiere que les Anciens: s'ils euffent, comme nos Littérateurs, perdu beaucoup de tems à rechercher & à imiter mal cette matiere, au lieu de fonger à en employer une autre, pour imiter les ou vrages même qui faifoient l'objet de leur admiration; ils auroient fait fans doute un chemin beaucoup moins rapide, & en feroient encore à trouver

le marbre.

A l'égard de la Mufique, elle a dû arriver beaucoup plus tard à un certain degré de perfection, parce que c'eft un art que les Modernes ont été obligés de créer. Le tems a détruit tous les modeles que les Anciens avoient pû nous laiffer en ce genre, & leurs Ecrivains, du moins ceux qui nous reftent, ne nous ont tranfmis fur ce fujet que des connoiffances très-obfcures, ou des histoires plus propres à nous étonner qu'à nous inftruire. Auffi plufieurs de nos Savans, pouffés peut-être par une efpece d'amour de propriété, ont prétendu que nous avons porté cet art

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