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les agitateurs du temps présent, laisser parler seuls les déclamateurs de 1843, laisser étouffer les appels à la raison publique, au bon sens public, par les roulements de tambour de quelque nouveau Santerre de journal, de tribune, ou de cour d'assises? Il est des ignominies dont il serait trop absurde, trop honteux pour un peuple d'être abreuvé deux fois, et c'est là, quant à nous, ce que nous appellerions rétrograder.

Le temps est passé de démolir, le temps est passé de proscrire, le temps est passé de s'entre-détruire par le sang versé ou moralement. Que toutes les forces sociales s'agglomèrent et concourent à porter des fruits de civilisation. Combattons les abus, mais ne proscrivons pas. Guerre aux mauvaises doctrines, aux mauvaises passions, et paix aux personnes! Si les jésuites abusent de la liberté, qu'on ne les ménage pas; si le clergé méconnaissait sa vocation, anticipait sur les pouvoirs auxquels l'Evangile l'a expressément soumis, il nous compterait parmi ses adversaires. Qui n'abuse pas de l'autorité dont il dispose? On a abusé de toutes les libertés et on en abuse tous les jours, et on les a conservées toutes. Les rois ont abusé de la souveraineté, et la royauté a été remise en honneur, et la nation s'en est enveloppée comme d'un manteau, et on ne l'a plus proscrite. Le clergé du siècle précédent avait, çà et là, méconnu la sainteté de son ministère auguste, et le sang de ses victimes a coulé pur, comme a coulé pur le sang royal en expiation des fautes de la royauté; et nul n'a songé et ne songe à proscrire le clergé. Les Ordres religieux, eux aussi, avaient dérogé quelquefois dans l'ancienne France à leur antique vertu, et ils se

sont lavés, eux aussi, par leurs martyrs; pas plus que la royauté, pas plus que le clergé, il n'y a lieu de les proscrire.

Les persécuteurs, eux aussi, ont eu leur part d'expiation, mais le sang de Robespierre et de Marat ne pouvait rien féconder. Quel bien ont fait et peuvent faire leurs disciples? On les juge quand ils menacent ou blessent l'ordre social, mais on ne les proscrit pas en masse; et on proscrirait les congrégations en masse, les Jésuites en masse Les Soeurs de la charité et les frères des écoles chrétiennes sont là qui protestent contre une si énorme injustice, une pareille ingratitude, une telle violation de la liberté de faire le bien. Quoi ! vous, les disciples de Robespierre et de Marat, vous tentez de réhabiliter vos patrons; on vous laisse faire, et il nous serait interdit, à nous, de tirer au clair les accusations entassées par l'ignorance, la mauvaise foi et la passion, contre de vieux et intrépides champions du catholicisme, mis hors la loi contre toute raison?

La guerre aux Jésuites est le mot d'ordre habituel des ennemis du clergé, des ennemis du christianisme, des ennemis de l'ordre moral et matériel. Défendre les Jésuites, pour nous, c'est défendre l'enceinte fortifiée derrière laquelle s'abritent la religion, la morale, l'éducation, qui sont les sauvegardes de la paix publique. Défendre les Jésuites, pour nous, c'est protester contre je ne sais quels priviléges de l'injure que croient avoir acquis leurs adversaires par droit de conquête; mais c'est surtout, comme nous l'avons dit déjà, stipuler au profit de la liberté catholique, qui ne devrait pas avoir de défenseurs !

La guerre aux Jésuites, l'appel à des lois de proscription, l'appel à une révolution, à dix révolutions contre eux (ainsi parlent nos professeurs et nos historiens philosophes), c'est une anomalie criante dans nos mœurs, dans nos institutions; c'est une aberration étrange, le jour où la civilisation européenne appelle la Compagnie de Jésus à une de ses plus magnifiques solennités, le jour où une grande ambassade se prépare en Chine, ambassade dans laquelle la Compagnie de Jésus a sa place marquée à côté de la diplomatie de la France, du commerce de la France; le jour où ces jésuites, pour lesquels il ne nous serait pas permis d'élever la voix, vont être en Chine les porte-drapeaux du christianisme, dont le génie moderne est issu de ce christianisme qui a porté dans son sein Michel-Ange et Bossuet, qui a soufflé sur Racine et Corneille, qui a fait Pascal, Châteaubriand et Lamartine; qui a fait plus d'hommes libres et de cœurs contents, que n'en feront jamais nos prétendus réformateurs, nos prétendus philosophes, ses maladroits et imprudents plagiaires.

Il serait curieux que l'on calomniât, que l'on tuât moralement en France la Compagnie de Jésus, qu'on la dénonçât, qu'on la proscrivit, ex professo, pendant qu'elle serait, en Chine, vouée intrépidement à la cause du christianisme et de la civilisation, et cela au profit de l'influence française !

Tout ce que nous avions demandé, tout ce que nous demandons, c'est que le clergé et les congrégations soient libres, pas plus, mais autant que d'autres, en donnant à l'Etat les mêmes garanties; c'est qu'ils soient soumis à des lois d'ordre, à des lois de sûreté publique

comme tous, mais non à des lois d'exclusion et de bannissement. C'était là que nous en étions restés de notre discusion, après avoir ouvert, au sujet des Jésuites, une parenthèse que nous avions fermée, et qu'on nous a forcés aujourd'hui de rouvrir malgré nous (1).

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LES MONITA SECRETA.

En 1824, on reprit comme machine de guerre contre les Jésuites, un livre aprocryphe qui avait paru vers 1617 ou 1618, à Paderborn ou à Prague.

En 1845, un journaliste de province, M. Groubenthal, réimprima ce même ouvrage et une feuille libérale; le Siècle (28 avril 1845) applaudissait à cette édition, en regrettant seulement qu'elle ne fût pas répandue à plusieurs centaines de mille exemplaires!

Nous ne produirons pas ici les témoignages des Jésuites contre l'authenticité de ce livre, ni les dénégations de leurs amis; nous avons à faire valoir des autorités que l'on ne pourra pas si facilement rejeter. Des ennemis des Jésuites ont eux-mêmes reconnu que les Monita secreta, ou Instructions secrètes des Jésuites, sont un livre supposé. Voici ce que l'auteur des Nouvelles

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