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CONCLUSION.

Muñoz, une succession de ministres plus ou moins flétris, l'état de siége et la guerre civile: voilà quel spectacle nous offre depuis bien des années l'ancien royaume de Charles III. Et cependant, les Jésuites ne sont pour rien dans ces plates révolutions, qui se sont toujours empressées d'invoquer des mesures violentes contre l'Eglise.

Et le royaume de Naples, n'a-t-il pas été conquis, reconquis, ruiné, long-temps possédé par un soldat de la Révolution, déchiré par la secte des Carbonari, adeptes de la philosophie moderne, aussi bien que les Cortès ?

Et l'Ordre de Malte, et le Duché de Parme, qui marchèrent à la suite des Cours de Naples et de Madrid, que sont-ils devenus? L'un a été détruit, l'autre enlevé à l'Espagne.

Et la République de Venise ? C'est une République, celle de France, qui lui a porté le coup de grâce. Venise, reine de l'Adriatique, n'est plus qu'une ville ordinaire confondue dans les Etats autrichiens.

Et la France ? n'a-t-elle pas eu depuis, non point

des casuistes dans les livres desquels on ait dû chercher quelques propositions pour en faire sortir la doctrine meurtrière, mais une grande Assemblée qui a formulé nettement le régicide, et envoyé à la guillotine le successeur de Louis XV? Je laisse aux partis leurs

discussions sur la prospérité toujours croissante, et sur l'abaissement continu, me bornant à constater qu'il ne faut aux uns et aux autres que quelques centaines de Jésuites de moins pour relever notre pays et imprimer à son bonheur une marche toujours ascendante. On dirait, en vérité, que c'est un Jésuite qui en dessous manie les affaires, quand M. Thiers est au pouvoir; que c'en est un aussi, quand M. Guizot reprend un portefeuille; la solution à tous les problêmes politiques, à tous les embarras, à toutes les calamités, c'est le mot de Jésuite; c'est avec ce mot que les hommes d'intrigue et de corruption, quels qu'il soient, vont retremper dans les grossiers préjugés des masses une popularité très justement ébranlée, et faire oublier leur souplesse de courtisans.

On a cherché à invoquer contre la Compagnie de Jésus la facilité avec laquelle un Ordre si puissant disparut, non pas d'une seule contrée, mais de toutes; non pas des pays ennemis du catholicisme, mais précisément des royaumes les plus catholiques (1). » Il nous semble que onze à douze ans d'une guerre acharnée, dans laquelle furent employés et parlements et diplomates, depuis 1762 jusqu'à 1773 et au delà, ne témoignent pas d'une facilité si grande qu'on le veut dire.

(1) Saint-Priest, pag. xiv.

D

Mais quand même la Compagnie serait tombée au moindre choc, traquée par les Parlements et les soldats, nous ne comprenons pas ce qu'il resterait à conclure de cette chute. Notre siècle a vu disparaître des dynasties et crouler bien des trônes: ont-ils mis plus de temps à choir que n'en mit la Compagnie de Jésus? Il ne faut qu'un grain de sable pour abattre, et comtes, et marquis, et ducs, et princes : les choses humaines tiennent à si peu !

Nous devons dire quelques mots d'une autre objection à laquelle le même écrivain semble attacher beaucoup de force. M. de Saint-Priest, qui s'est ingénié à raviver par une Histoire de la Chute des Jésuites les préjugés et les accusations dont ces Religieux furent les victimes, reproduit avec complaisance, à la fin de son Avant-propos et sous le voile de l'anonyme, ce qu'il a dit ailleurs sur les fils de saint Ignace. Le Pair de France, beaucoup plus borné dans les reproches que l'écrivain, disait donc à la Chambre, le 23 avril 1844 : « Je n'accuse de rien une Société fameuse, si ce n'est d'être incompatible, par son Institut même, avec les principes d'une éducation nationale; les Jésuites ne peuvent enseigner ce qui est contraire à leur constitution. C'est une condition de leur existence à laquelle ni leurs ennemis, ni leurs apologistes, ni leurs vertus, ni leurs torts, ni leur science, ni leur ignorance ne

peuvent apporter aucun changement. Les Jésuites ne peuvent pas enseigner le dévouement, surtout à des Français; ce serait pousser trop loin l'abnégation et l'oubli; ce serait donner un trop violent démenti à leur histoire et à la nôtre. Ils ne peuvent pas enseigner l'amour de la France. C'est pour cela qu'ils y sont impossibles; c'est pour cela que la France n'en veut pas (1). »

Le noble Pair n'a oublié qu'une chose, la définition des principes d'une éducation nationale telle qu'il l'entend, car c'est le seul moyen d'arriver à connaître en quoi les Jésuites peuvent dévier de ces grands principes. Il ne l'a pas fait et ne pouvait le faire, parce que son reproche n'est qu'un ridicule sophisme. Le but de l'éducation est-il donc d'initier la jeunesse aux débats politiques, de lui expliquer les chartes des pouvoirs humains et de la promener à travers ces nombreuses théories sur lesquelles les hommes s'entendent si peu? Ne s'agit-il pas plutôt de façonner de jeunes esprits à l'amour du beau et du bien, au sentiment de l'honneur et du devoir, en sorte que, par le germe des solides vertus déposé en eux, ils deviennent capables de former quelque jour de bons citoyens, c'est-à-dire des gens probes dans les affaires, sûrs dans les relations,

(1) Moniteur, Chambre des Pairs, pag. 1057, 3° colonne.

scrupuleux sur les moyens d'arriver, ennemis de l'intrigue et de la souplesse, non-seulement pour les autres, mais encore et surtout pour eux-mêmes, chrétiens enfin, et dans la force de ce mot? Quant à une éducation nationale, qu'est-ce qu'on veut faire entendre par là? est-ce l'amour de ces formes variables de gouvernements qui se succèdent comme des changements à vue dans les représentations théâtrales, et se vantent toutes d'être la nation, de représenter véritablement la nation? alors, le rôle de l'instituteur sera de prêcher l'attachement au régime de 93, quand la Terreur disposera d'un pays; le régime consulaire, quand nous aurons des Consuls; le régime impérial, quand nous sentirons l'épée d'un Empereur; le régime de la restauration, quand il y aura une Restauration ; le régime de 1830, quand il y aura une secousse comme celle de Juillet. Ce sera pour les maîtres une tâche sans cesse renaissante, que d'inculquer tour à tour à la jeunesse l'amour ou la haine de ces pouvoirs qui se culbutent les uns les autres, et de laisser là les beautés de Cicéron ou de Virgile, pour chanter les agréments de M. Guizot ou de M. de Polignac. Aujourd'hui républicain, demain monarchiste; aujourd'hui impérialiste, demain bourbonnien, puis derechef impérialiste, pour redevenir bientôt bourbonnien: tel serait le ravissant tableau de l'éducation nationale préconisée par M. de

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