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Voltaire sur ce tas d'injures usées qu'il répand et sur Maupertuis (qui ne les avait pas méritées) et sur tant de gredins de la littérature, qu'il tire par là de l'oubli, où probablement ils croupiraient à toute éternité. Je conclus de la conduite de Voltaire que, s'il était souverain, il serait avec tous ses voisins à couteau tiré; son règne ne serait qu'une guerre perpétuelle, et alors Dieu sait de quels arguments il se servirait pour prouver que la guerre est l'état naturel de la société, et que la paix n'est pas faite pour l'homme (1). »

En France, il se faisait âprement l'improbateur de Charles IX et de Catherine de Médicis ; il prenait la défense de Calas et de La Barre; mais s'il écrivait l'histoire du dehors, celle de Pierre ler, par exemple, il ne trouvait, pour flétrir un père barbare et bourreau de son fils, d'autres paroles d'indignation que celle-ci : « Les cœurs sensibles frémissent, les sévères approuvent (2). » C'était sur des mémoires fournis par la fille du meurtrier qu'il écrivait l'histoire de Pierre Jer.

On ne saurait s'empêcher d'observer combien le génie peut s'avilir, quand on voit avec quelle légèreté Voltaire a insulté au malheur de Pierre III, et avec quelle indignité il a flatté une femme dont il devait en

(1) A d'Alembert (16 sept. 1771). Ibid., pag. 263.

(2) Histoire de Russie, pag. 331.

partie connaître les crimes. « Les soldats et le peuple, dit-il, se déclarèrent contre lui. Il fut poursuivi, pris et mis dans une prison, où il ne se consola qu'en buvant du punch pendant huit jours de suite, au bout desquels il mourut. L'armée et les citoyens proclamèrent d'une commune voix sa femme, Catherine-Anhalt-Zerbst, impératrice, quoiqu'elle fût étrangère. C'est elle qui depuis est devenue la véritable législatrice de ce vaste empire... C'est enfin cette Catherine qui s'est fait en si peu de temps un si grand nom (1). »

Voltaire ne péchait point par ignorance. I écrivait à Mme Du Deffand, au sujet de la Czarine : « Je suis son chevalier envers et contre tous. Je sais bien qu'on lui reproche quelques bagatelles au sujet de son mari; mais ce sont des affaires de famille dont je ne me mêle point; et d'ailleurs il n'est pas mal qu'on ait une faute à réparer; cela engage à faire de grands efforts pour forcer le public à l'estime et à l'admiration (2).

Le beau raisonnement, et comme Voltaire vous eût retourné son homme, s'il eût trouvé ces paroles sous la plume d'un ennemi! Il ne se montrait pas toujours si indifférent aux affaires de famille.

Tant qu'il s'agit de ses écrits et de ceux des philoso

(1) Euvres, tom. XXI, pag. 304.

(2) Lettres de Mme de Deffand, tom. I, pag. 145.

phes, Voltaire se déclare fort partisan de la liberté de la presse. « Que Paris est encore bête, dit-il ! Cicéron et Lucrèce passèrent-ils par les mains des censeurs de livres (1) ? »

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Mais lorsqu'il apprend qu'il s'agit de représenter la pièce de Palissot, les Philosophes modernes, le voilà qui devient ami des censeurs, et qui écrit à d'Alembert: « Est-il possible qu'on laisse jouer cette faree impudente dont on nous menace? C'est ainsi qu'on s'y prit pour perdre Socrate (2). » « Qui est l'auteur de la farce contre les philosophes? qui sont les faquins de grands seigneurs et les vieilles catins dévotes de la cour qui les protégent (3) ? » « Non, on ne jouera point cette infamie du Satirique (4), et je puis vous dire sous le secret que c'est à moi que la philosophie et les lettres ont cette obligation. J'ai fait parler à M. de Sartine par quelqu'un qui a du pouvoir sur son esprit, et qui lui a parlé de manière à le convaincre. Il était temps, car la pièce devait être annoncée le soir même, pour être jouée le lendemain (5). »

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(1) Voltaire à d'Alembert, 5 février 1758. OEuvres de d'Alembert, tom. XV, pag. 75.

(2) Ibid., pag. 107, 25 avril 1760.

(3) Ibid., pag. 110.

(4) Pièce de Palissot.

(5) D'Alembert à Voltaire (23 juillet 1770). OEuvres de d'Alembert, tom. XVI, pag. 142.

Cette philanthropie dont on lui fait honneur, distinguait entre un homme et un homme. Il suffisait d'être Religieux et Chrétien pour n'avoir plus droit, suivant lui, à la lumière du jour. « On accable les Jésuites, écrivait-il, et on fait bien; mais on laisse dormir les Jansénistes, et on fait mal; il faudrait, pour saisir un juste milieu, et pour prendre un parti modéré et honnête, étrangler l'auteur des Nouvelles ecclésiasti ques (1) avec les boyaux de Frère Berthier (2). » « On m'écrit qu'on a enfin brûlé trois Jésuites à Lisbonne. Ce sont là des nouvelles bien consolantes, mais c'est un janséniste qui les mande (3). » — « Je ne suis pas fâché qu'on ait brûlé Malagrida, mais je plains fort une demi-douzaine de Juifs qui ont été grillés (4). »

Il écrivait au maréchal duc de Richelieu :

« On dit qu'il ne faut pas pendre le prédicant de Caussade, parce que c'en serait trop de griller des Jésuites à Lisbonne, et de pendre des pasteurs évangéliques en France. Je m'en remets sur cela à votre conscience (5). » - Qu'on pende le prédicant Rochette (6),

(1) Feuille janséniste.

(2) Tɔm. LIX, pag. 536 (8 août 1761).

(3) Tom. LX, pag. 2 (1 oct. 1761).

(4) Ibid., pag. 26 (24 oct. 1761).

(5) Tom. LX, pag. 30 (25 oct. 1761).

(6) Il fut exécuté à Toulouse, le 18 février 1762.

ou qu'on lui donne une abbaye, cela est fort indifférent pour la prospérité du royaume de France; mais j'estime qu'il faut que le Parlement le condamne à être pendu, et que le Roi lui fasse grâce. Cette humanité le fera aimer de plus en plus; et si c'est vous, Monseigneur, qui obtenez cette grâce du Roi, vous serez l'idole de ces faquins de huguenots. Il est toujours bon d'avoir pour soi tout un parti (1). »

Quant au langage trivial et ignoble qu'il adopte pour flétrir des adversaires, on le connaît de reste. Crevier, le savant continuateur de Rollin, n'était qu'un maraud, un pédant, un cuistre, un âne qui brait et qui rue (2). L'abbé Clément, qui avait osé juger M. de Saint-Lambert, était bien sûrement un animal, un gredin de la littérature, un polisson (3). Ribalier, Larcher et Cogé, tous trois professeurs au collége Mazarin, sont trois têtes dans un bonnet d'âne (4). Fréron n'était qu'un brigand que la justice avait mis au Fort-l'Evêque, un Marsyas qu'Apollon devait écorcher (5). Nonotte, un cuistre ; son livre des Erreurs de Voltaire, une guenille (6), et

(1) Tom. LX, pag. 83.

(2) OEuvres de Voltaire, tom. LXI, pag. 325, 347. (3) Ibid., tom. XVI, pag. 167 (2 février 1771).

(4) Ibid., pag. 32, 34.

(5) OEuvres de Voltaire, tom. LIX, pag. 226. (6) Tom. LXI, pag. 201.

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