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défendit d'imprimer l'Imitation sous un autre nom que celui de Thomas-à-Kempis (1). Faudra-t-il soumettre à l'arrêt du Parlement les nombreux écrivains qui ont attribué l'Imitation soit au bénédictin Gersen, soit au chancelier Gerson?

En 1624, le Parlement de Paris donna un arrêt bien singulier, et qui était une grande preuve de ses profondes lumières. Certain philosophe du nom de Villon et un médecin chimiste appelé de Claves, eurent la hardiesse de combattre les sentiments d'Aristote sur le nombre des éléments, et sur la matière et la forme des substances corporelles. L'Université se gendarma làdessus; requête fut présentée de sa part au Parlement, et les thèses qui contenaient ces monstrueuses opinions furent condamnées à être déchirées en présence de de Claves qui s'était laissé incarcérer; il lui fut ordonné, à lui, à Villon, et à Bitaut, leur disciple, de sortir de Paris dans les vingt-quatre heures, avec défense de séjourner dans aucune ville, ni d'enseigner la philosophie dans les Universités du ressort du Parlement de Paris. On défendit, dans le même arrêt, sous peine de la vie, de soutenir ou d'enseigner les maximes contre les anciens auteurs. «Sous le règne de Louis XIV, ajoute un historien protestant, les magistrats du Parle

(1) Le P. d'Avrigny, Mémoires, tom. III, pag. 106.

ment de Paris n'auraient pas été moins rigoureux que leurs prédécesseurs contre la nouvelle philosophie, et les sentiments de Descartes seraient autant flétris que les thèses de Villon, si quelques gens d'esprit n'avaient fait ouvrir les yeux aux magistrats, en exposant d'une manière ingénieuse l'absurdité de l'arrêt que les pédants voulaient extorquer. Peu s'en est fallu que le Grand Monarque n'ait autant persécuté les Cartésiens de son royaume, que les Jansénistes et les Réformés. Il a interposé son autorité, afin d'obliger tous les particuliers d'une savante Congrégation à signer que leur ame est aussi immédiatement unie à leurs talons, qu'à je ne sais quelle partie de leur cerveau, et que le nombre des catégories d'Aristote est si sacré qu'il n'en faut pas retrancher une (1).

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Le Parlement avait la fureur de toucher à toutes choses et de tout soumettre à ses arrêts, aujourd'hui les évêques, demain les philosophes. Après avoir envoyé le Saint-Sacrement, entre deux fusiliers, à des malades qui refusaient de mourir dans le giron de l'Eglise, on faisait diversion à ce digne passe-temps par quelque exécution de livres nouveaux, jugés trop hardis. C'est ainsi que le Parlement, avec un arrêt du

(1) Le Vassor, Histoire de Louis XIII, tom. V, livre XXI, p. 45, édit. d'Amst., 1703.-Voltaire, Histoire du Parlement, pag. 233.L'abbé Irail, Querelles lilléraires, tom. III, pag. 11.

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9 juin 1762, décréta J.-J. Rousseau de prise de corps et fit lacérer et brûler son Emile par l'exécuteur des hautes œuvres, au pied du grand escalier (1). Des hommes qui voyaient de près ces augustes jugeurs, ne les épargnaient pas dans leur intimité. D'Alembert écrivait au roi de Prusse que ces Parlements qui brûlaient sans miséricorde les oeuvres des philosophes, pourraient bien, si on les laissait faire, échauder les philosophes eux-mêmes (2). Voltaire plaisantait sur le Parlement de Paris, ce tribunal respectable, qui ne s'embarrassait guère que le peuple eût du pain, pourvu qu'il eût les sacrements (3). »

Comme il s'était laissé gagner par un jansénisme haineux et tracassier, le Parlement n'avait pas attendu à 1762 pour se couvrir de ridicule. Un arrêt de Messieurs de Paris (4 janvier 1738) défendit d'honorer Vincent de Paul comme un saint, et supprima la bulle de canonisation. Ce prêtre gascon, célèbre en son temps, dit misérablement Voltaire, avait été l'un des adversaires les plus déclarés du jansénisme naissant. Les dévots à saint Pâris persistaient donc à dire Monsieur Vincent. Ils disaient aussi : La simplicité de M. Vincent faisait

(1) Musset-Pathay, Histoire de la Vie et des Ouvrages de J.-J. Rousseau; nouvelle édition, Paris, 1827, in-8o, pag. 177.

(2) OEuvres de d'Alembert, tom. XVIII, pag. 48. (3) OEuvres de Voltaire, tom. LVIII, pag. 44,

qu'il ne voyait point les conséquences des mauvaises affaires dans lesquelles on l'engageait, et c'est ainsi qu'on peut l'excuser; mais que la cour de Rome se propose cela à imiter dans une Bulle de canonisation, c'est ce qui est intolérable, et les Parlements ont eu raison de s'élever avec force contre une pareille Bulle (1). Ainsi parlait la secte. Mais le Jansénisme n'a rien édifié, il n'a laissé après lui que des haines; les filles de Vincent de Paul sont partout, et on sait leurs œuvres (2),

Les Parlements avaient des façons d'agir pour lesquelles leurs admirateurs éprouveraient assurément peu de sympathie; qu'on en juge,

En 1568, Charles IX ayant signé un édit de pacification, enregistré au Parlement de Paris, le fit porter à celui de Toulouse, par un gentilhomme nommé Rapin; mais, au lieu de vérifier cet édit, le Parlement fit couper la tête à l'envoyé royal (3).

En 1617, le Parlement condamna la maréchale d'Ancre à être brûlée comme sorcière, et inséra dans l'arrêt qu'à l'avenir aucun étranger ne serait admis au conseil d'Etat (4).

(1) Recueil de pièces pour servir à l'Histoire de Port-Royal; Utrecht, 1740, in-12, pag. 171.

(2) Th. Foisset, le Président de Brosses, pag. 31.

(3) Voltaire, Histoire du Parlement, pag. 124,

(4) Ibid., pag. 230.

Le 9 février 1619, le philosophe Vanini fut brûlé vif, à Toulouse, par ordre du Parlement de cette ville. Les gens de robe aimaient, dirait-on, cette odeur de bûcher, et ne parlaient pas d'exécutions avec plus de trouble que s'il se fût agi d'une bagatelle. Ainsi, Etienne Pasquier, après s'être évertué à prouver que Guillaume Postel devait avoir été Jésuite, continuait avec le plus aimable sans-façon :

« Ce nouveau saint Jean-Baptiste de Postel fut depuis bruslé tout vif par Arrest du Palement de Tholose, qui ne voulut prendre en payement la foiblesse de son es prit. Et à la verité plusieurs se sont esmerveillez que l'on n'avoit fait le semblable de Postel dedans Paris (1). Sans doute qu'à Paris c'eût été d'un meilleur exemple et plus gracieux à voir.

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Le 17 avril 1758, en vertu d'un arrêt du Parlement de Bordeaux, on brûlait en cette ville, dans la cour du palais, au pied du grand escalier, plusieurs ballots de livres protestants, parmi lesquels figurait l'Abrégé de l'Histoire sainte et du Catéchisme, par J.-F. Ostervald, pasteur de l'Eglise de Neufchâtel. Un trait remarquable de cette juridiction, c'est que la Cour qui traitait de mauvais livre le Catéchisme d'Ostervald, était celle-là même qui avait vu naguère siéger sur ses fleurs de lis

(1) Pasquier, Catéchisme des Jésuites, liv. I, chap. 10.

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