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On trouva dans les annales qu'une tête de quelque im. portance avait été autrefois estimée 50,000 écus, et ce fut le tarif adopté pour celle du cardinal-ministre. Les beaux esprits firent afficher dans Paris une répartition de la somme tant pour celui qui couperait le nez au Cardinal, tant pour une oreille, tant pour un œil, etc. · Le Parlement ne se déconcerta pas, et rendit un second arrêt, en vertu duquel les meubles et les livres furent vendus. Cet argent était destiné à payer un assassin, mais il fut dissipé par les dépositaires (1).

On sait quel cri de douleur la sentence de vente de la bibliothèque du Cardinal arrachait à Naudé, dans un Advis imprimé (1651) à l'adresse de nos Seigneurs du Parlement (2). Il finissait en répétant les vers attribués à Auguste, lorsque celui-ci décida de casser le testament de Virgile plutôt que d'anéantir l'Eneide :

... •

Frangatur potius legum veneranda potestas

Quam tot congéstos noctesque diesque labores
Hauserit una dies, supremaquc jussa Senatus !

La vente se fit pourtant, bien qu'avec de certains accommodements, peut-être. Naudé en racheta pour sa

(1) Voltaire, tom. XIX, pag. 304.

(2) Voir la Revue des Deux Mondes, tom. XXXVI, pag. 786, article sur Gabriel Naudé, par M. Sainte-Beuve.

part tous les livres de médecine, et il paraît qu'il y eut des prête-noms du Cardinal qui en sauvèrent d'autres séries tout entières. Le coup néanmoins était porté pour l'auteur même ; l'intégrité et l'honneur de l'œuvre unique avaient péri. « On vend toujours ici la bibliothèque de ce rouge tyran, écrivait Guy Patin (30 janvier 1652); seize mille volumes en sont déjà sortis; il n'en reste plus que vingt-quatre mille. Tout Paris y va comme à la procession ; j'ai si peu de loisir que je n'y puis aller, joint que le bibliothécaire qui l'avait dressée, mon ami de trente-cinq ans, m'est si cher, que je ne puis voir cette dissolution et destruction. >>

Au mois de décembre 1651, nouvel arrêt d'après lequel plusieurs conseillers devaient se transporter sur la frontière pour informer contre l'armée du Cardinal, c'est-à-dire, contre l'armée royale (1).

Le cardinal Mazarin une fois revenu triomphant dans la capitale (1653), presque tous les membres du Parlement, qui avaient mis sa tête à prix, et qui avaient vendu ses meubles à l'encan pour payer les assassins, vinrent le complimenter les uns après les autres, et furent d'autant plus humiliés qu'il les reçut avec affabilité (2).

(1) Voltaire, loc. cit.

(2) Voltaire, Histoire du Parlement, pag. 274.

Ainsi, la bassesse du sénat se joignait au ridicule de ses démarches et à l'odieux de ses proscriptions. Ce même Parlement, à peine sorti de ses factieuses menées, condamna le prince de Condé par contumace, comme il avait condamné Mazarin, et confisqua tous ses biens en France (1).

Quand le Cardinal eut conclu la paix des Pyrénées et marié Louis XIV, le Parlement vint haranguer le ministre, et descendit si bas en fait de louanges, même au sens des courtisans, qu'il devint l'objet de leurs railleries. Ménage adressa au Cardinal une pièce de vers latins, alors très-fameuse, dans laquelle, parlant comme toute la cour, il disait :

Et puto tam viles despicis ipse togas (2).

« Le Parlement qui, dans la minorité de Louis XIV, avait fait la guerre civile pour douze charges de maîtres des requêtes, et qui avait cassé les testaments de Louis XIII et de Louis XIV avec moins de formalités que celui d'un particulier, eut à peine la liberté de faire des remontrances lorsqu'on eut augmenté la valeur

(1) Voltaire, Ibid., 275.

(2) Ibid., pag. 276.

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numéraire des espèces trois fois au-delà du prix ordi

naire (1). »

Ce grand et hasardeux courage s'était déployé dans d'autres circonstances. En 1537, le Parlement condamna juridiquement l'Empereur Charles-Quint. Il faisait toujours la guerre à François 1er, l'accusait devant toute l'Europe d'avoir violé sa parole et d'avoir appelé les Turcs en Italie. Le roi le fit ajourner comme son vassal pour les comtés de Flandres et d'Artois. Il vint donc au Parlement avec les princes et les pairs; l'avocat-général Cappel fit un réquisitoire contre CharlesQuint. On rendit un arrêt par lequel on citerait Charles, empereur, à son de trompe sur la frontière; et l'empereur n'ayant pas répondu, le Parlement confisqua la Flandre, l'Artois et le Charolais, dont l'empereur resta le maître (2).

·Deux ans après, ce même Parlement complimenta ce même Empereur, et tint séance sous la présidence de Charles-Quint (3).

S'il fallait ployer la tête devant tous les arrêts des Parlements, nous serions un étrange peuple. Ainsi, point d'inoculation, parce qu'il plut au Parlement de

(1) Voltaire, Précis du siècle de Louis XV, chap. If, pag. 15.
(2) Voltaire, Histoire du Parlement, pag. 81.

(3) Voltaire, Annales de l'Empire, tom. XXIII, année 1539.

Paris de condamner l'inoculation (1). Point d'antimoine, parce que, en 1566, il intervint un arrêt de Parlement contre l'antimoine (2). Point de presse, parce que, l'imprimerie s'étant produite à Paris, avec la nouveauté de ses merveilles, le Parlement fit saisir et confisquer tous les livres de trois Allemands qui nous dotaient de leur industrie. On sait que Louis XI défendít au Parlement de connaître de cette affaire, l'évoqua à son conseil et fit payer aux imprimeurs le prix de leurs ouvrages, mais sans marquer de l'indignation contre un Corps plus jaloux, dit Voltaire, de conserver les anciens usages, que de s'instruire de l'utilité des nouveaux (3). En 1652, un arrêt du Parlement de Paris

(1) Voltaire à d'Alembert (15 mars 1769), tom. XVI, pag. 84 des OEuvres du premier. - Dans la seconde Lettre d'un Gascon sur l'arrêt du Parlement de Toulouse du 3 juin 1763, etc., on disait assez plaisamment, au sujet de l'inoculation: « Si l'arrêt du Parlement avait, comme ceux qu'il a portés contre les Jésuites, un effet rétroactif, quel chagrin pour M. le duc d'Orléans ! La petite vérole des princes ses enfants serait déclarée nulle et abusive, comme les vœux des soi-disants; on procèderait extraordinairement contre M. le duc d'Orléans lui-même comme fauteur de l'inoculation; et M. Tronchin, partisan de cette doctrine, serait le Busenbaum de notre siècle. N'allez pas vous rappeler ici l'arrêt contre l'émétique; celui-là vous en rappellerait d'autres non moins singuliers, et nous n'aurions jamais fini.» Pag. 8-9.

(2) Lettre d'un Cosmopolite sur le Réquisitoire de M. Joly de Fleury; Paris, 1765, in-12, pag. 175. — La défense du Parlement dura jusqu'en 1650, où il permit, par un arrêt, l'usage de l'antimoine. Nouvelles de le Républ. des Lettres, février 1685, p. 210. (3) Histoire du Parlement, pag. 57.

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